Catégorie : Découvrir l’histoire de Chamonix
Articles sur l'histoire très riche de la Vallée de Chamonix
La première réalisation de la Haute Route Chamonix -Zermatt en 1903
Quand on est amateur de randonnée un jour ou l’autre on désire s’offrir cette fabuleuse traversée entre Chamonix et Zermatt. Cette course en haute montagne en hiver est parmi les plus belles courses mythiques des Alpes et laisseau randonneur un des plus beaux souvenirs de randonnée hivernale.
Mais que savons nous de ceux qui ont, un jour, entrepris cette première traversée ?
Il nous faut revenir au tout début du ski dans la vallée de Chamonix initié par un médecin Michel Payot qui découvre fin XIXe ce nouveau moyen de transport venu de Norvège : les skis. Il estime que ce nouveau matériel offre « un exercice merveilleux et complet » . Il devient « fan » et pressent tout l’intérêt de ces deux planches de bois arrivés de Scandinavie. Président de la section du CAF de Chamonix, il se montre en toute heure dynamique et entreprenant.
Les premiers essais de randonnées dans la vallée de Chamonix sont engagées par le docteur Michel Payot :
Le 12 février 1902 le Col de Balme : à 13h il monte en direction du col de Balme avec Joseph Ducroz qui utilisait des skis pour la seconde fois, arrivent à 14h aux chalets de Charamillon. La marche est difficile, la neige colle, il n’empêche qu’à 14h45 ils arrivent au sommet. C’est la première tentative de randonnée dans la vallée. C’est un évènement !
Dans la foulée, il repart le 24 février 1902, : Chamonix – Col du Géant – Courmayeur accompagné des guides Alfred Simond, Joseph Ravanel (dit le Rouge, son grand ami), Joseph Couttet, René Payot. Ils partent de Chamonix dans le but de traverser le Col du Géant. Ils atteignent en 14 heures le village de Courmayeur. Bel exploit pour l’époque.
Dès lors Michel Payot et ses amis partent vers de nouvelles aventures .
L’année suivante dès , dès le début d’hiver, Michel Payot entreprend avec ses amis Joseph Couttet, Alfred Simond, et Joseph Ravanel la grande et magnifique traversée de Chamonix à Zermatt.
L’équipement est lourd :
Des skis de 2 mètres de long avec monture métallique et bandes de peaux de phoques à fixer sous le ski avec des petits clous.
Une paire de raquettes.
Un sac pesant 10kgs.
Un bâton de frêne long de 1.80mètres muni d’une rondelle de bois à 0.20cm au dessus du bout pour empêcher de s’enfoncer et sur l’extrémité équipée un pic en acier pouvant remplacer le piolet.
Une paire de chaussons en feutre se mettant par-dessus les chaussures pour se protéger du froid, un maillot en grosse laine avec large ceinture alpine pour éviter l’introduction de la neige sous les vêtements.
Un nécessaire pour réparer les skis.
Un appareil de photo de 10kg !
L’Itinéraire était connu l’été mais évidemment l’hiver c’était une autre aventure !
Ils partent d’Argentière le vendredi 16 janvier 1903.
Le récit décrit par Michel Payot est passionnant. Le ski n’est pas encore au « top » de ses qualités et bien souvent il faut aller à pied enfonçant dans une neige profonde exigeant des efforts particulièrement violents ! la neige se dérobe bien souvent sous les pieds On part tôt , en cours de nuit afin de profiter du clair de lune. On s’encorde, on se désencorde… Les températures sont glaciales mais il fait beau, même le vin gèle. On suit leur itinéraire, jour après jour, pas à pas virage par virage, car guider les skis dans de la neige profonde n’est pas toujours aisé ! Ils sont débrouillards, costauds et alignent des distances incroyables autant à la montée qu’à la descente. Il arrive qu’ils descendent jusqu’en bas de vallée pour ensuite remonter et aligner dénivelées impressionnantes. Certaines cabanes d’altitude, comme Chanrion, ne sont pas toujours équipées il faut donc prévoir nourriture et couvertures ! A l’occasion ils se font accompagner par un ou deux guides locaux. Le temps parfois se dégrade, un brouillard épais les enveloppe et ils retournent parfois sur leurs pas. La descente à skis, attachés par une corde, n’est pas toujours évidente. La parfaite adaptation de Joseph Ravanel à ces conditions impressionne Michel Payot, admiratif des qualités de ce guide d’exception ! La neige est abondante et si parfois le cheminement est difficile, souvent il se fait avec douceur et tranquillité. La descente sur Zermatt est rude, longue, glaciale.
Mais quels souvenirs pour cette équipe qui vient d’ouvrir, sans le savoir, une des voies les plus appréciées et qui comble tout skieur de randonnée.
Les noms de Col du Chardonnet, Fenêtre de Saleinaz, Glacier d’Otemma, Col de l’Evêque , Glacier de Ferpècle, Col d’Herens, Glacier de Zmutt évoquent pour chacun un souvenir d’une randonnée hors norme dans les Alpes.
Comme disait Michel Payot : … « Qu’avons-nous rapporté de cette longue mais si belle traversée ? … des fatigues inouïes, des souffrances en tout genre, mais nous conservons tous l’ardent désir de continuer ces merveilleuses courses d’hiver ! »
Mais qui était donc Michel Payot ?
Sources : Revues La Montagne du Club Alpin Fançais- Revue Alpine section lyonnaise 1903
Histoire et patrimoine Vallée de Chamonix
Christine Boymond Lasserre
du 03 au 05 janvier 1908 débutent les premières compétitions de ski chamoniardes
Le tout premier concours international de ski se déroule à Chamonix du 03 au 05 janvier 1908.
En 1907 Montgenèvre avait organisé les premières compétitions hivernales, si bien que Chamonix, sous l’impulsion du CAF et surtout du docteur Michel Payot, décide d’organiser « en grand » ces compétitions d’hiver. En plus du ski, auront lieu durant toue la semaine suivante jusqu’au 19 janvier des courses pour amateurs de luges, de patinage, de bobsleigh, de ski joering et de tailing.
Un train spécial avait été affrété par le PLM pour transporter l’ensemble des concurrents, avec une belle entrée en matière sous forme d’une réception à la gare au son de la Marseillaise. Face à la gare était dressé un arc de triomphe en glace pour les sportifs. Neuf hôtels avaient ouvert pour cette occasion.
Il fera un temps splendide et très froid pour les épreuves avec une moyenne de température de -15°.
La présence militaire dans ces compétitions est notable. Il est vrai que l’armée avait compris, dès les années 1890, l’importance de ce nouveau moyen de déplacement, particulièrement utile pour les armées alpines. Si bien que pour ces compétitions on remarque la participation de trois équipes militaires : une française (dont deux membres chamoniards Charlet et Ravanel), une suisse et une norvégienne, les italiens n’ayant pas pu s’entraîner annulent leur participation..
Vendredi 3 janvier :
Ski de fond pour les équipes militaires : Argentière – Col de Balme – Chamonix, soit un dénivelé de 1200m sur une trentaine de kms !
En même temps, à Chamonix, course de fond internationale en terrain varié sur une distance de 22km pour amateurs et guides ; Alphonse Simond est second.
Une grande et belle fête de nuit est organisée sur la patinoire éclairée par des lanternes vénitiennes et des feux de bengale.
Samedi 4 janvier :
Matin : 1ère Course de vitesse pour les équipes militaires sur un parcours de 3 km et dénivelé de 250 m environ. Celle-ci se déroule dans les champs situés entre la Mollard et les Moussoux au pied du couloir du Brévent. Certains utilisent 2 bâtons, certains un seul ! Départ du haut des champs et arrivée à un arc de triomphe mis en place au pied de la pente. Cet exercice était particulièrement difficile car, jusqu’à ce jour, on utilisait les ski que pour se déplacer ( exercice appelé ski de fond, donc à plat ) et non dans le cadre d’une descente « raide ». Il y eut beaucoup de chutes ; ce fut le vrai début des essais de ski de descente !
Après midi : concours de saut aux Praz, au tremplin de la Frasse, qui attire une foule enthousiaste de plus de 3000 spectateurs impressionnés par les norvégiens qui offrent aux spectateurs ahuris le spectacle d’un saut à deux et à trois.
Soirée : grand banquet au Casino municipal avec 300 convives . Avec de très nombreux discours !
Dimanche 5 janvier :
1ère Course de dames (9 participantes) sur une course de fond de 3 km entre le hameau des Plans en direction des Praz, sur un terrain varié avec obstacles, marche en forêt et dénivelé de 50m : victoire des chamoniardes Marthe et Marie Simond.
Nouvelle démonstration des sauteurs sur le tremplin des aux Praz.
Durant toute cette période, des pistes de luge, de bobsleigh, sont aménagées sur les champs entre la Mollard. et les Moussoux. Les champs du Savoy ne sont pas encore à la mode ! La patinoire est prise d’assaut, le ski joering et le tailIng connaissement un réel succès.
On parlera dans la presse de ces inoubliables journées du deuxième concours international de ski.
On peut dire que 1908 marque Le début des sports d’hiver à Chamonix.
Sources : Revues Club Alpin Français – Revues La Montagne -Journal Gazette de Lausanne – Archives Amis Vieux Chamonix
Histoire et patrimoine vallée de Chamonix
Christine Boymond Lasserre
Histoire de l’ancien hôpital de Chamonix
Réalisé avec l’aide de l’historique rédigé par Christian Lemarcis, ancien directeur de l’hôpital.
Tous ici à Chamonix se souviennent de l’ancien hôpital situé en haut de la rue Vallot, au pied du hameau des Plans. Mais depuis quand Chamonix possède-t-il un hôpital ?
Au XIXe siècle à Chamonix existait un bureau de bienfaisance, sorte d’organisme caritatif, en partie religieux et en partie municipal.
Le 6 décembre 1876 est la date officielle pour la création d’un hospice à Chamonix grâce au legs de Michel Auguste Balmat « en faveur de la commune de Chamonix afin de fonder un hospice pour vieillards et indigents ». Mais les héritiers engagent de nombreuses actions en justice contre cette décision, ce qui ralentit la réalisation du projet. Finalement, ce legs se montre insuffisant pour une construction nouvelle. Aussi, une partie des dons est utilisée pour des secours ponctuels à domicile, pour l’entretien d’un dispensaire de la Croix Rouge installé en ville et tenu par les sœurs de la Charité.
Plus tard, la commune reçoit d’autres dons, notamment des legs de Pierre Edouard Carrier, de Judith Charlet, un de la famille Michel Devouassoud et un de la famille Garny. Mais aussi des biens originaires des fabriques de Chamonix et d’Argentière (une fabrique était un établissement public du culte catholique relevant de l’autorité ecclésiastique, c’était un instrument d’administration pour le service public des cultes mais étaient très impliquées dans les bureaux de bienfaisance).
Mais mieux encore, après le décès du fameux Venance Payot, mort sans héritier direct, on apprend par son testament olographe du 1er mars 1887 « qu’il lègue aux communes des Houches, de Servoz, de Chamonix et de Vallorcine une somme de 20.000 francs en capital et une propriété appelée « Pension hôtel Bellevue » au lieu dit les Rebats (actuellement emplacement de la résidence Belgique) Le tout en faveur d’un Hospice Cantonal qui devait porter le nom Venance Payot .
Mais alors commence une querelle entre les diverses communes.
Effectivement, sur le testament le nom de Chamonix est biffé (chamonix) Donc Chamonix ne devrait pas faire partie de ce legs. Mais pourquoi Venance Payot aurait il enlevé Chamonix alors qu’il était un vrai chamoniard de souche ? L’affaire est conduite au tribunal en février 1905 (par les communes des Houches et de Servoz ). Le tribunal ayant étudié dans le détail le fameux testament note qu’il est bien dit au bas du testament, signé par Venance Payot, que ce texte est écrit sans ratures et que toute clause surajoutée était donc sans valeur. Quelqu’un donc avait probablement « raturé » le nom de Chamonix … Mais qui ? Nul ne le sait.
Le bâtiment étant mal adapté pour le transformer en hôpital La commune s’engage finalement dans la vente du bâtiment situé aux Rebats ; Il fallait obtenir l’autorisation des héritiers Payot dont certains n’étaient toujours pas disposés à laisser partir ce bien !. Il faudra toute la diplomatie de Jules Payot (neveu de Venance) pour obtenir le consentement des 42 héritiers concernés ! La mise en vente se fait le 5 juin 1911, mais la valeur de ce bien est nettement au dessous de ce qu’avait estimé Venance Payot en son temps… Donc t il n’y a toujours pas de nouvel hôpital à Chamonix malgré les divers legs !
En 1922 les communes de la Vallée de Chamonix acquièrent l’ancien Hôtel de la Mer de Glace au Haut du Bourg, absorbant l’ensemble des capitaux. La commune de Chamonix fera un emprunt pour combler le reste manquant.
Ce ne sera que le 4 décembre 1922 que le ministère de l’hygiène fonde officiellement « l’Hôpital-Hospice de Chamonix et Cantonal Venance Payot ».
En 1932 sont aménagés un servie plus technique de médecine et un de chirurgie.
1939, legs de Emma Tronchet. En 1941, legs de Stéphanie Charlet. En 1942 legs de Pierre Eloi Simond ( legs important avec de nombreuses terres située au Tour ce qui permettra la création d’un service de maternité)
1948, legs de Judith Ducrey.
1958, on rénove et surélève le bâtiment principal.
1961, projet d’un hôpital dans les lacets du Belvédère.
1965, projet d’agrandissement non abouti.
1974, construction du bloc opératoire.
1983, la dernière religieuse s’en va.
1988, legs d’Hélène Couttet. Nom qui sera donné à la MAPA,
1990, projet du nouvel hôpital, avec le soutien de Mr Balladur, au lieu dit des Favrands, inauguré en 1994.
Les chamoniards regretteront toujours « leur » ancien hôpital avec quasiment toutes ses chambres orientées vers le mont Blanc, son service de chirurgie au 1er étage, sa maternité au second, ses religieuses, ses infirmières et ses médecins que tous connaissaient sans oublier sœur Gasparine, qui dirigeait avec autorité et empathie le 4ème étage
L’ancien hôpital était l’âme de cette petite ville de montagne. Ici naissaient et mouraient les chamoniards !
IL a été rasé, mais son souvenir restera longtemps dans la mémoire des chamoniards.
Sources : Christian Lemarcis. Ancien directeur de l’hôpital – Archives association des Amis du Vieux Chamonix
Histoire et patrimoine de la Vallée de Chamonix
Christine Boymond Lasserre
Quelle est l’origine du nom d’Argentière ?

Argentière et son église avec sa façade baroque et son clocher en flèche !
Dans les anciens documents comme ceux de la gabelle du sel de 1561, Argentière n’existe pas en tant que hameau ou village. A cette époque, lorsque l’on évoquait les hameaux du haut de la Vallée, les documents citent les « hameaux et maisons escartés de la dimerie au dessus des Thynes » .
Ce n’est qu’en 1726 que le nom « Argentière » apparaît officiellement lorsqu’est créée sa paroisse. Au tout début, les habitants avaient pour habitude de parler de « l’Argeintire » qui deviendra dans les documents paroissiaux « l’Argentière » puis « Argentière ».
Certains prétendent que cette origine étymologique proviendrait d’une mine ou d’un filon d’argent disparu depuis. Pour d’autres, le filon se trouverait sous le glacier… A chacun son idée. Certains pensent tout simplement que seule la couleur argentée du glacier aurait pu donner ce nom au village.
A savoir qu’en France il existe de très nombreux villages appelés l’Argentière ( Ardèche – Hautes Alpes – Vivarais – Gard – Tarentaise, etc.), ayant souvent un lien avec l’exploitation de mines métallifères tirant leur nom d’ « argentaria » issu du latin « argentum » signifiant métal ( Suter).
Plus près, à Servoz, existe un lieu-dit appelé « les Argentières ».
En remontant plus loin dans le temps, la racine AR est reconnue comme étant d’origine indo- européenne (arg – ar(e)g) signifiant blanc-brillant, peut-être la couleur du glacier ? Mais aussi n’oublions pas que de nombreux noms dans le massif alpin indique une occupation pré celtique. On peut donc imaginer que depuis des temps immémoriaux, on parlait d’Argentière et cela bien avant la création de la paroisse.
Certains anciens documents évoquent une aiguille s’appelant « Argenteria » parfois nommée « Dargentire »! Dans un parchemin des archives départementales datant de 1497 à propos de transactions concernant l’alpage des Péclereys on retrouve l’appellation Argenteria ( acta fuerunt predicta apud campum munitum in villa de Argenteria ou l’on peut traduire ainsi les actes furent réglés sur le domaine d’Argentière dans la commun e de Chamonix)
N’est-ce pas resté dans la mémoire collective des habitants de la haute vallée de l’Arve? Et ne l’auraient ils pas adopté au moment de la création de la paroisse ?
Ce qui est sûr c’est qu’en 1726, on adopte définitivement le nom d’Argentière, écrit sans s final. !
Cependant, vers 1938, des documents provenant de l’évêché sont écrits « Argentières » ou « Argentière », avec ou sans s ! Au bon vouloir des instances épiscopales ? Peut être aussi pour imiter les villages dont le nom portait un s final ?
A l’arrivée du train à Argentière (1908), les publicités lancées par le PLM écrivent Argentières avec un s, et les hôtels font de même. Mais pas toujours !
Donc unanimement on écrit Argentières avec un s. Mais dans les foyers, les paroles vont bon train affirmant qu’Argentière dans les temps anciens s’écrivait sans s.
Finalement, en 1926, le conseil municipal présidé par le maire Jean Lavaivre décide qu’Argentière s’écrira définitivement sans s. Mais l’épiscopat continue encore de l’écrier avec un s
SOURCES : Site internet Henry Sutter – Revue de géographie alpine – Ouvrage : « origines des noms de montagnes de Haute Savoie » de Jean Philippe Buord – « Les noms de lieux de la région du Mont Blanc » de Roland Boyer.
Revue de la paroisse du mont Blanc. – Guide Vallot .
Histoire et patrimoine vallée de Chamonix
Christine Boymond Lasserre
L’hôtel suisse devenu le Park hôtel Suisse : Une belle histoire d’une famille hôtelière chamoniarde
C’est une histoire qui commence tôt, vers 1856, lorsqu’à à Chamonix s’ouvre un « Hôtel Suisse » tenu par Joseph Bozon. Quelques années plus tard, ce même hôtel fait de la publicité. Il est tenu par Ambroise Simond dès 1861 et ce jusqu’ en 1889, jour de son décès. Son fils Alphonse tient l’hôtel quelques années et finalement le vend à Etienne Alphand en 1892 (l’acte de vente précise : Maison située à Chamonix, portant l’enseigne Hôtel Suisse, avec grange, écurie, bûcher, place à fumier, et jardin derrière le tout. Et tout le matériel servant à l’exploitation de l’hôtel). ( archives Association Amis du vieux Chamonix).
Etienne est un personnage entreprenant, il épouse Emma Folliguet en 1899, elle-même héritière d’un autre hôtel situé près de l’église. Ils se marient en séparation de biens. Emma veut gérer ses immeubles indépendamment de son mari.
Dans son livre « Il était une fois la montagne » (, France Empire), « Pépé Luc » raconte à propos de l’hôtel et de sa future belle mère, la fameuse Emma :
« C’était un établissement confortable pour l’époque, dans chaque chambre il y avait une table de toilette à dessus de marbre avec une grande cuvette de porcelaine et le porte savon assorti. Les clients sortaient le matin pour remplir leurs brocs à un réservoir d’eau chaude placé sur le palier ; Emma était une femme d’ordre qui tenait à jour son livre de comptes. Assurant ses achats entre autres à la Samaritaine à Paris : boutons, rubans, mousseline, toiles pour torchons, taies d’oreillers, draps… Mais aussi col de fourrure, plumes d’autruche… Mais le plus étonnant : la série des œuvres de Victor Hugo, le dictionnaire Larousse et même une méthode pour apprendre à jouer du piano ! »
L’hôtel est tenu avec rigueur et, les années passant, le couple achète une maison mitoyenne, car ils désirent améliorer et agrandir ce petit Hôtel Suisse qu’ils possèdent. Ils l’appelleront désormais « Hôtel de Chamonix et Hôtel Suisse » .
En 1907, ils entreprennent de grands travaux d’agrandissement. Le projet est ambitieux, 40 chambres supplémentaires, sur six étages avec chauffage central et salles de bains à tous les étages et luxe suprême en haut de l’hôtel une patinoire ! N’est ce pas le rêve ?
Mais Emma décède brutalement en 1908.
Ses deux enfants sont jeunes. Etienne Alphand continue les travaux. L’hôtel ferme durant la guerre. iL nécessite de gros travaux de restauration pur le remettre en état. Etienne fait un emprunt important pour assurer la fin du projet d’origine , le met un temps en location. Mais sa fille Bertha, dès son plus jeune âge, s’intéresse à l’hôtel . Elle épouse Luc Claret Tournier en 1921. Elle a 20 ans. Elle dirige déjà l’hôtel de main de maître !
D’elle Pépé Luc dit : je n’avais pas marié une femme mais une Dame. Après la noce, je suis donc allé vivre avec ma femme à l’Hôtel Suisse.
En 1928 Bertha déclare à l’administration : 21 chambres dans la vieille maison, 46 dans la maison neuve, la Vieille maison étant l’hôtel d’origine et la maison neuve l’agrandissement fait en 1907-1909. Bertha tient l’hôtel durant 43 ans jusqu’à son décès. Luc prend alors le relais pendant encore une dizaine d’années puis laisse la place à son fils Jean .
Pépé Luc se retire dans sa maison natale aux Mouilles.
Dans les années 1950, l’hôtel prend le nom d’ « Hôtel Suisse et de Hollande ». Jeannot fils de Bertha et de Luc prend le relais.
Il engage le projet d’une troisième tranche et c’est ainsi que dès 1961 les travaux sont entrepris côté Brévent pour une aile comprenant 33 chambres. C’est le « Park Hôtel Suisse », mais aussi le restaurant « la Calèche »(il avait réussi à faire entrer dans le local une calèche !)e une boîte de nuit : le Tobogan ». Il réalise une piscine panoramique à la place de la patinoire qui durant l’été servait de terrasse.
Tout le monde se souvient de Jeannot image phare de la ville de Chamonix, précurseur du ski patinette mais aussi le premier à faire le «clown» en ski, il maîtrise sa discipline de manière à être un professionnel de ski sur échasse ! Il est ainsi repéré par Walt Disney, avec qui il part aux Etats-Unis durant deux ans pour tourner dans des films, et rencontrer de grands acteurs comme le célèbre Sean Connery : (Vidéo INA Pépé Luc, « L’acrobate des neiges » voir la vidéo)
Digne descendants de cette famille hôtelière arrive la quatrième génération.
De nos jours Jean Luc, aidé de sa directrice Kattia Berraho, dirige le Park Hôtel Suisse lui donnant ses lettres de noblesse d’hôtel quatre étoiles et Laurence, digne héritière de sa grand mère et de son arrière grand-mère, gère avec une grand talent et aidée de son directeur Alain Fait, le restaurant « la Calèche ».
Le restaurant n’a pas changé et on a toujours un immense plaisir à retrouver dans ces locaux les innombrables souvenirs (objets et photos) rappelant la vie et l’évolution de cette ancienne famille hôtelière chamoniarde. Laurence continue la tradition dans la création d’autres restaurants dans la vallée.
Sources : Archives familiales Claret Tournier, archives Association des Amis du Vieux Chamonix, livre de Luc Tournier (pépé Luc) : il était une fois la montagne » ( éditions France Empire).
Histoire et patrimoine Vallée de Chamonix
Christine Boymond Lasserre
Un des plus anciens magasins de Chamonix : l’ancienne boutique « A la Renommée »
Qui à Chamonix n’a pas connu « la Renommée » ? Le magasin de chaussures tenu par Luc Payot cordonnier, puis par sa fille Eva et maintenant par son petit fils Didier ? Que de souvenirs encore vivaces chez les chamoniards.
En centre ville, tout près du super-U, un des rares magasins familial de Chamonix est toujours là depuis 1860, soit il y a 160 ans !
Ici, après le terrible incendie de 1855 qui détruit une grande partie de Chamonix, François Romain Payot avec son épouse Marie Bellin, il aménage dans une veille ferme un magasin-cordonnerie. Ils ont huit enfants (dont trois morts à la naissance) : Reste trois garçons, François Léon, Henri, Joseph et trois sœurs, Léocadie, Judith et Irma. Les garçons sont cordonniers, les filles couturières. Dans les années 1880, Chamonix entre dans une période où les visiteurs et les touristes viennent de plus en plus nombreux.
Les sœurs donnent des cours de couture, mais surtout proposent à la vente des tenues plus pratiques et mieux adaptées pour les jeunes femmes empruntant les chemins et montant les mulets… Les tenues citadines ne sont pas de mise et donc les trois sœurs l’ont bien compris !
Quant aux garçons, ils proposent aux clients ce fameux bâton-canne indispensable à un bon touriste faisant les excursions traditionnelles de la vallée. Et oui, après chaque balade, on se doit de faire graver au fer rouge dans le bois des encoches correspondant à chaque promenade que le client a réalisée, le but étant de marquer son bâton jusqu’en haut. La maison a donc du matériel, avec soufflet et « fers » pour dessiner sur le bois les inscriptions demandées.
Le Guide Conty de 1885 écrit à ce propos : « le bâton est d’une nécessité presque absolue pour les ascensions et les descentes. Le meilleur est celui qui peut servir à la fois d’arme et de soutien et qui est garni d’un côté d’une pointe de fer et de l’autre d’une corne de chamois. Le bâton doit avoir deux mètres au moins de manière à pouvoir servir au besoin comme une perche pour franchir les ruisseaux et les torrents. La plupart des voyageurs font graver leur bâton au moyen d’un fer rouge tous les endroits où ils passent ; de là cette enseigne que l’on voit partout « ici on marque les bâtons ».
Dans tous les guides imprimés de l’époque on trouve les diverses publicités et recommandations pour le magasin « La Renommée » créé par François Léon qui avait hérité de la boutique. Il se consacre uniquement à la chaussure, les tenues vestimentaires disparaissent et à partir des années 1900 il devient un des très bons cordonniers chamoniards possédant la technique des chaussures dites « à tricounis et ailes de mouche », sortes de ferrures à pointes que le cordonnier Louis ajuste sur semelles de cuir. Chaussures très recherchées afin de mieux adhérer au rocher ou à la neige ! Mais que bien souvent il faut réajuster ou changer !
Ces chaussures pèsent jusqu’à 2 kg chacune !
Avec l’arrivée de la semelle Vibram, les Payot s’adaptent , Luc prend le relais. Qui n’a pas connu Luc l’habile cordonnier ! Puis sa fille Eva tient le magasin quand son père continue à se consacrer à la cordonnerie. Et finalement c’est Didier qui modernise le magasin et c’est ainsi qu’au cœur de Chamonix on peut encore voir dans une des vitrines une photo exceptionnelle des ancêtres Payot à l’origine de ce magasin de chaussures.
Sources : Archives familiales de la famille Payot –
Histoire et patrimoine de la Vallée de Chamonix
Christine Boymond Lasserre