Catégorie : Découvrir l’histoire de Chamonix

Articles sur l'histoire très riche de la Vallée de Chamonix

De l’usage des bains dans l’hôtellerie chamoniarde

Au cours du XIXème siècle la vallée de Chamonix voit  le nombre de visiteurs croître de jour en jour. On compte 10 hôtels en 1860 lorsque  la Savoie devient française et dès lors Chamonix se développe rapidement.  Les chamoniards édifient auberges, petits hôtels familiaux, hôtels de grand confort puis hôtels de luxe.

Un hôtel dit « confortable », au début  du XIXème siècle,  se devait de proposer à ses clients dans chaque chambre un « meuble  de toilette » recouvert d’une plaque de marbre, avec  une bassine , un broc à eau en porcelaine  ainsi qu’un porte savon assorti et un pot d’aisance.  A l’origine, dans les hôtels chamoniards,  l’eau chaude était apportée par le personnel  dans chaque chambre. Parfois il existait un réservoir d’eau chaude à chaque étage, le client allant se  servir lui-même.

A Chamonix, les frères Charlet, associés aux frères Simond, propriétaires  de l’Hôtel  de l’Union (construit en 1816), élèvent des bains en 1825 le long de l’Arve. A  partir de 1834, ils font apporter l’eau sulfureuse des Mouilles par des canalisations de bois. Le «Guide du voyageur en Suisse » de Richard  insiste sur « ces bains de santé et de propreté « 

L’Hôtel d’Angleterre fait construire dans ses jardins une « maison des bains » avec neuf chambres de bains proposant eau chaude et eau froide.

L’’Hôtel Mont Blanc aménage  également un bâtiment « bains »  dans le jardin.

De même le Grand Hôtel Couttet et l’hôtel de Paris .

 

Le XIXème est  le siècle de la révolution hygiénique avec  une notion nouvelle dans le traitement du corps. L’idée de l’hygiène, de la propreté, entre dans les mœurs. Les liens sont  établis entre les épidémies et la propreté des corps. Pasteur, venu à Chamonix en 1860, faisant le constat de la réalité bactérienne ouvre une nouvelle ère dans la conscience collective. D’ailleurs en 1860, la commune fait dresser deux fontaines, l’une au centre du village, l’autre dans le haut du bourg, afin de proposer aux habitants une eau courante accessible à tous.

Cette amélioration de l’’hygiène se développe et connaît un réel  succès auprès des hôteliers en contact avec  une clientèle sensible à ce type de services. Les salles de bains font leur apparition. La publicité  des hôtels  insiste sur ces nouveaux aménagements. A savoir cependant qu’à l’origine le  client devait réserver son horaire car  il fallait faire chauffer l’eau pour alimenter les baignoires.  Les hôtels de l’époque  avaient rarement de l’eau courante en étages. On réservait une pièce où l’on disposait une baignoire et une femme de chambre  apportait l’eau chaude.  C’est avec le début du XXème siècle  que les nouveaux hôtels, comme le Métropole en 1902,  aménagent des salles de bains avec eau courante  et  des lavabos dans chaque chambre.

Ce nouveau siècle  vantant  de plus en plus les vertus du bain,  Chamonix se devait d’offrir à ses clients le « nec plus ultra » du confort et des soins de propreté  de l’époque. On  vante  l’idée d’une  « station climatérique »,  c’est-à-dire une station saine, en contact direct avec la nature, où l’homme peut s’épanouir en toute tranquillité sans miasmes. « Chamonix est la station climatérique la plus fraîche et la plus salubre de toutes les stations estivales et alpestres » peut-on lire sur les affiches publicitaires. De nombreux médecins y vont de leurs recommandations sur la qualité de l’air à Chamonix. La « Société des hôtels réunis » envisage en 1890 de créer une station thermale  aux Mouilles avec un  hôtel de 300 chambres  disposant de bains d’eau sulfureuse et bains de lait ! Ce projet ne voit pas le jour, mais en 1905, à côte du Casino nouvellement construit (piscine actuelle),  est aménagé un établissement d’hydrothérapie à l’eau d’Arve selon le procédé de Mr Kneipp qui  préconisait des bains d’eau froide pour stimuler les organismes  défaillants.

La modernité arrivant, la salle de bains privée devient un concept de luxe et de grand confort. Le Savoy, édifié  en 1901, propose 150 chambres dont 100 avec salle de bains. De même le Chamonix- Palace  offre 200 chambres dont 150 avec salle de bains ou encore le Majestic 300 chambres dont 200 avec salle de bains.  Cependant les hôtels plus modestes garderont longtemps une seule salle de bains à l’étage,  mais généraliseront  des lavabos équipés d’eau chaude et d’eau froide dans chaque chambre.

Sources :Le propre et le sale de Georges Vigarello – L’invention de l’habitation moderne de Monique Eleb et Anne Debarre. – Hôtels et palaces. Edition Gilletta – Il était une fois la montagne de Luc Tournier – Les folles années de Chamonix de Gaby Curral Couttet

Histoire et patrimoine vallée de Chamonix

Christine Boymond Lasserre

LA PREMIERE ASCENSION A SKI DU COL DE BALME.

Cette année 2023 est inaugurée la nouvelle télécabine de Charamillon.  Beaucoup se souviennent des diverses remontées mécaniques qui ont fait l’histoire de ce domaine de ski, mais skier sur ces pentes débonnaires n’a pas toujours été facile !

A la fin du XIXème on employait  bien largement des raquettes  pour se déplacer d’un village à l’autre.  A Chamonix le ski arrive avec Joseph Couttet qui avait découvert grâce à des amis norvégiens ce moyen de déplacement et nous devons au docteur Michel Payot la popularisation du ski.

Celui-ci, fan de cette activité incite ses amis guides à utiliser ce moyen de transport  pour se mouvoir sur la neige. Il essaie divers type de skis et  estime que « la longueur idéale des skis doit être de 2 mètres pour un poids moyen de 75kgs et recommande que pour remonter la pente il faut fixer une bande de peau de phoque de 0.80 de longueur environ  qui doit être fixée sous le ski au moyen de petits clous disposés de telle manière que les poils se lissent en poussant le ski et se rebroussant pendant le recul. Et il convient de se munir d’une paire de chaussons en feutre se mettant par-dessus la chaussure.

Il est le premier à s’aventurer sur des pentes un peu plus raides et fait ses premiers essais  au col de Balme le 12 février 1902

                                                                             Texte Michel Payot :

….La vallée de Chamonix est actuellement couverte d’une couche de neige dont l’épaisseur varie entre un et trois mètres. Les skis permettent de gravir de fortes pentes avec un minimum de fatigue. Les longs patins de frêne s’enfoncent que de quelques cm sous le poids du corps et l’effort pour les faire glisser parallèlement est insignifiant.

Le 12 février par un temps incertain profitant d’une éclaircie nous partions du village du Tour accompagné du guide  Joseph Ducroz pour faire l’ascension du col de Balme. Mon brave compagnon employait les skis pour la deuxième  fois et il partit avec la certitude de ne pouvoir effectuer le quart du trajet et il comptait sans son énergie et son endurance. Le départ eut lieu du Tour à 1heure de l’après midi. La première partie de l’ascension est la plus pénible en raison de pentes, qui sont très accentuées. Nous suivions la direction des poteaux téléphoniques et nous arrivons sans incidents aux chalets de Charamillon. Je tire ma montre : il est deux heures exactement. « Eh bien », dis-je à Ducroz, « pensez vous atteindre le sommet maintenant ? » « Oh ! Oui !, ça va très bien et si nous allons toujours de ce train là, en moins de 40mn nous sommes au col ! »

Mais il comptait sans l’état de la neige qui, sur le plateau de Charamillon à l’abri du vent, s’était ramollie sous l’action du soleil et collait aux skis. La marche devint pénible et nous regrettons vivement de n’avoir pas emporté un peu d’huile pour en frotter nos patins. Cependant, après une demi-heure de marche nous retrouvons, avec la bise, tantôt la neige sèche et en poussière, tantôt la neige dure et nous arrivons au sommet du col à 2h48mn….Les chalets de Balme disparaissent sous la neige et ceux du col sont crépis d’une couche de 20cm de neige tassée et bizarrement sculptée par le vent âpre et violent qui y souffle sans cesse..

La tourmente approche, et après une demi-heure de repos nous songeons à la descente. Je laisse mon guide Ducroz dont l’équilibre sur les skis à la descente est peu stable, partir le premier. En quelques secondes il a parcouru la moitié du chemin entre le col et les chalets de Charamillon. Une magnifique culbute arrêt sa course : l’homme a totalement disparu. Deux skis s’agitent comme les ailes d’un moulin à vent au dessus de la neige. Il est trois heures et demie, je me lance à mon tour et passe à vingt mètres au dessus de Ducroz qui achève à peine de reprendre son équilibre sur ses longs patins. La glissade vertigineuse continue, et 25mn après notre départ du sommet nous arrivons chez mon brave compagnon au moment où la famille prend place pour le thé.

Voilà donc une course d’hiver faite par plusieurs mètres de neige molle avec plus de rapidité qu’on ne le fait généralement en été. ..A notre avis l’emploi de skis constitue le meilleur moyen pour faire rapidement avec un minimum de fatigue les ascensions d’hiver…

                      Photo frères Bisson : col du Géant

 

Le 24 février de la même année accompagnés des guides Alfred Simond et Joseph Ravanel, nous avons Henri Devouassoud , Joseph  Couttet, René Payot et moi effectué la traversée du col du géant en skis avec descente sur Courmayeur en 14 heures par la neige et le brouillard  durant la moitié du trajet

Michel PAYOT

 

 

Sources  : Bulletin CAF 1903-1904  -Photos  fonds Jean Fabre

Histoire et patrimoine Vallée de Chamonix

Christine Boymond Lasserre

meilleurs voeux pour 2023

Une famille chamoniarde de passionnés : Les Claret horlogers 

Au début du XIXe siècle, l’horlogerie se modernise. La Suisse toute proche est, depuis le XVIIe siècle, un pays fondateur de l’horlogerie.

Le matériel horloger délicat nécessite bien souvent réparation et entretien. On a besoin d’artisans au savoir faire que Genève trouve auprès d’ouvriers souvent originaires du monde paysan, d’où l’implication de certains vallorcins. C’est ainsi que Jean François Bozon s’initie à ce travail de précision. Sa fille Rosine épouse Jean Marie Claret qui se forme auprès de son beau père. Ils ont deux fils, Joseph et Clément.

A Cluses a été créé en 1848 l’Ecole Nationale d’Horlogerie. On se sacrifie pour que Joseph puisse suivre la formation mais à condition que celui-ci paie des études d’horlogerie à son frère Clément. Ce qu’il fera, assurant le financement des études de son frère.

  Clément Claret à l’école d’horlogerie de Cluses

Clément se passionne pour ce matériel de précision. Il adore étudier ces mécanismes pour comprendre ce qui se cache derrière la mesure du temps qui parfois peut paraître si mystérieux. Manipuler ces montres ou ces horloges demande une patience infinie et une précision extrême. L’horlogerie devient vite une passion qu’il saura transmettre à ses descendants. Après l’école, il travaille plusieurs années chez Pateck et chez Philip à Genève. On peut supposer qu’il devait être un sacré bon ouvrier pour pouvoir intégrer ces ateliers déjà renommés .

Dès 1880 Chamonix entre dans cette période faste qu’est la Belle Epoque , Clément comprend que son pays d’origine peut enfin lui offrir la possibilité de vivre de son métier. Il épouse Marie Elise Simond, ils achètent une maison en 1888 à la famille Payot.

 

C’est toujours cette même petite maison au 114 rue Vallot qui va voir se succéder de père en fils ces Claret passionnés. Son fils Jean François, lui aussi enthousiasmé par ces petites mécaniques, fait l’école de Cluses. Il travaille en collaboration avec son père. La saison d’été est forte, les visiteurs ont toujours besoin de faire réparer leurs montres et la réputation de la maison Claret n’est plus à faire ! L’atelier regorge d’objets mystérieux pour les néophytes : loupe visière, rouages, ressorts, carillons, une multitude d’objets minuscules entretenus avec soin par la famille. Et l’hiver ce sont les habitants de la vallée qui apportent leurs horloges et montres afin de les faire réparer. On fait totalement confiance au savoir faire de Jean François qui tient la boutique jusqu’en 1950.

                                                                           Le magasin en 1960

Et la passion continue chez les Claret puisque Georges (fils de Jean François) entame lui aussi ses études d’horlogerie à Cluses où il sera pensionnaire rentrant à Chamonix chaque WE en vélo ! Il succède à son père dès la fin de son service militaire. Tous à Chamonix lui confient avec plaisir leurs veilles pendules ou montres, car il saura toujours les réparer. On sent chez lui sa passion pour ce métier si original et chacun apprécie son extrême gentillesse et ce regard qui s’éclaire lorsqu’on lui apporte une vieille pendule de famille.

 

Et Pierre, tel son père, son grand père ou son arrière grand père continue dans cette passion familiale. D’ailleurs, à l’âge de 10 ans il adore aller à l’atelier paternel ! Il démonte et remonte les pendules sans aucun problème. La passion est passée de père en fils ! Il se forme à l’horlogerie comme ses ancêtres mais rajoute une formation en bijouterie car là aussi manipuler et travailler sur des pierres précieuses nécessite cette méticulosité, cette précision, ce savoir faire commun à l’horlogerie. Il aime son métier. Vous pouvez lui apporter une vielle montre perdue au fond d’un tiroir ou une pendule provenant de votre grenier il aura un plaisir immense à lui redonner vie !

 

 

 

Située toujours dans l’ancienne boutique achetée en 1888 cinq générations passionnées par le même travail  se sont succédées au 114 rue Vallot.
BRAVO à la famille Claret ! C’est rare !

 

 

 

 

 

 

Histoire et patrimoine de la vallée de Chamonix

Christine Boymond Lasserre

Au Col de Balme

Dans ces belle journées d’arrière-saison, le col de Balme est pour nous tout un lieu de randonnée contemplative en raison de ce paysage exceptionnel qui s’ouvre sous nos yeux à chaque instant.

Il ne faut pas oublier que, durant des siècles, le passage par ce col était le plus souvent utilisé par les voyageurs se rendant en Valais. D’ailleurs, nombre de tableaux montrent le col avec les fameuses bornes marquant la frontière entre Valais et royaume de Piémont Sardaigne.

Goethe, le 6 novembre 1779, emprunte cet itinéraire. Sa description rend avec un regard très juste ces atmosphères propres au mois de novembre où les nuages jouent avec le paysage…. »Il est plus intéressant de vous dire comment les esprits de l’air semblaient se faire la guerre sous nos pieds…nous montâmes toujours avec plus d’ardeur… Il (le vent) soufflait par le col entre deux sommets et repoussa le brouillard dans la vallée. L’aspect avait un caractère étrange.  Le haut du ciel , par-dessus les crêtes des montagnes, était nuageux;  à nos pieds, nous voyions à travers le brouillard qui se déchirait quelquefois , la vallée entière de Chamonix et entre ces deux couches de nuages, les sommets des montagnes étaient tous visibles. »

Berthout Van Berchem, en 1790, évoque dans son guide « Itinéraire de la Vallée de Chamonix » le passage par le col de Balme, « depuis le col de ce nom il faut s’écarter un peu de la route pour aller sur la plus haute limite du Valais et de la Savoye afin de jouir d’un très beau point de vue !

Puis durant tout le XIXe siècle on voit un grand nombre de voyageurs arriver ou quitter Chamonix par ce passage relativement facile à emprunter et moins compliqué que par Tête Noire et Vallorcine. A la lecture des divers ouvrages une auberge très simple existe.

Alexandre Dumas, en 1832 en parle dans son ouvrage «  Impressions d’un voyage en Suisse » »,au loin se découpant dans un ciel bleu le toit rouge de cette bienheureuse maison puis ses murailles blanches qui semblaient sortir de terre…Il se précipite à l’intérieur et peu après en ressort conduit par son guide pour admirer le paysage  » ...et comme une toile se levait sur une magnifique  décoration   je saisis, avec un plaisir mêlé d’effroi de me voir si petit au milieu de si grandes choses tout l’ensemble de ce panorama semblait le palais d’été du dieu de l’hiver

En 1833, le manuel du voyageur d’Ebel recommande ce passage aux voyageurs. l’auberge du col est construite en bois  vers 1840 côté français. Le bail est attribué le 8 décembre 1840 à Pierre Joseph Payot  (grand père de Venance Payot) avec doits de vente de vins, eaux de vie et liqueurs.

Jean Pierre Pictet en 1840 dans son ouvrage « Chamouny, de Sixt, des deux saint Bernard » évoque l’hospice du Col de Balme petite auberge où l’on peut se rafraîchir et même coucher.

En 1856, le guide Joanne parle de l’hospice du col de Balme qui ouvre quatre mois de l’année. On y trouve  » des vivres, des rafraîchissements et même des lits en cas de besoin « 

En 1861 le tracé de la frontière est réalisé avec précision.  La bâtisse de bois devient ruine Le refuge est alors reconstruit un peu plus en amont côté suisse  vers 1865. Le bâtiment en pierre devient une auberge plus confortable.

En 1874, Gabriel de Mortillet, dans son guide de Haute Savoie, parle de la magnifique vue sur la vallée de Chamonix et la chaîne du mont Blanc et évoque le pavillon du Col de Balme… » ouvert pendant quatre mois de l’année aux prix des grands hôtels ! »

Whymper, ce grand alpiniste, mais également immense marcheur, décrit dans son guide de Chamonix Mont Blanc ,avec détails l’itinéraire emprunté pour accéder au col.

Et avec l’arrivée du ski, le Col de Balme est gravi pour la première fois en 1902 en skis par le docteur Michel Payot et son ami Ravanel le Rouge, une sacrée belle performance à l’époque !

Dans les années 1930, un grand projet est envisagé pour la construction d’une route vers le Col de Balme sur l’initiative de Charles Vallot et du TCF (Touring Club Français), où l’on imagine une nouvelle route  pour les visiteurs en voiture qui  qui permettrait de favoriser la distribution du lait de ces alpages vers l’ensemble de la vallée !

OUF ! Le projet finalement ne s’est jamais réalisé.

Et dans l’histoire plus tragique du col, n’oublions pas les nombreux essais de passages des juifs cherchant désespérément échapper à la folie nazie. Combien de souvenirs douloureux marquent ce paysage si exceptionnel. Ne l’oublions pas.

Puis l’aménagement des premières remontées mécaniques changera peu à peu le destin de ce col qui a vu passer tant de voyageurs curieux ! Mais il reste un passage obligé pour les amateurs de randonnée cherchant à boucler le Tour du mont Blanc .

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Histoire plus ancienne du col  souvent méconnue

( extrait de l’histoire de Savoie  de Paul Guichonnet)

Une première fois en 1476, lorsque le Comte de Savoie tenta de reprendre pied en Valais, d’où les Valaisans l’avaient chassé en passant par le col de Balme, évitant le col de la Forclaz, il déboucha sur Martigny… Mais selon la tradition, les femmes les accueillirent avec nombre de pichets de vin et la troupe fut cueillie facilement par les troupes valaisannes.

Trois siècles plus tard, le 25 décembre 1813, le col de Balme vit défiler la débâcle des troupes napoléoniennes en essayant d’échapper aux autrichiens qui les poursuivaient. Par douze degrés au-dessous de zéro et des mètres de neige, 800 hommes menés par Mr Rambuteau, préfet de l’empire en Valais, réussirent finalement à franchir le col et descendre à Chamonix.

Sources : Divers ouvrages nommés ci-dessus dans l’article.

                                                                Tableau : Col de Balme , Ange Abrate

  Christine Boymond Lasserre – Histoire et patrimoine Vallée de Chamonix

 

Le grand incendie de Chamonix du 27 juillet 1855

Il y a 167 ans à Chamonix le 24 juillet 1855 un immense incendie

détruit une grande partie de la ville.

Certes l’histoire de la vallée de Chamonix est marquée par de nombreux incendies. En 1586 l’église est totalement détruite par le feu et de nouveau en 1758.Le village des Frasserands en 1652, ou encore Argentière en 1897 mais bien d’autres au cours des siècles passés.

Un de ceux-ci a marqué la mémoire des chamoniards, l’incendie du centre de Chamonix le 24 juillet 1855. Celui-ci se déclare dans la remise de l’hôtel de la Couronne situé au carrefour central de Chamonix (actuellement résidence relais de diligences). Le feu s’étend rapidement et détruit une grande partie de la route nationale (rue Vallot actuelle). C’est une vraie catastrophe. La presse genevoise de l’époque en parle plusieurs fois et se fait l’écho d’appels à la solidarité lancés par le maire et le curé ! Les divers articles parus dans le Journal de Genève nous relatent les diverses phases de de l’information de cet incendie qui marqua la population genevoise.

 

L’information n’étant pas toujours fidèle les frères Tairraz, propriétaires de l’hôtel d’Angleterre font paraitre une annonce à propos de leur hôtel qui n’a pas été endommagé  !

(article ci dessous)

Certes le roi de Piémont Sardaigne (dont dépendait la vallée) donne 4000 livres c’est bien peu quand on estime les frais à 30000 livres ! Pui la vallée devient française en 1860. Dès 1861 le maire Michel Favret recevant le ministre des Travaux publics s’empresse de demander une aide substantielle. En 1862 la commune reçoit le préfet accompagné d’un conseiller d’état. Celui-ci semble s’engager mais l’administration toujours tatillonne s’oppose bien souvent aux chamoniards un peu rebelles aux décisions gouvernementales.

Il faudra attendre le 14 octobre 1864 pour que soit signé entre la commune et la préfecture une décision de remise en état de la route nationale. On démolit les bâtiments incendiés, on aligne l’ensemble des édifices de cette route nationale, on impose un entretien annuel des cheminées par un ramoneur. Se met en place également toute une réglementation d’entretien de la voie publique, et des « devants » de boutiques et d’hôtels.

Le début d’une série d’arrêtés de suretés et de police sont mis en place.

Chamonix entre dans une nouvelle aire d’autant que la nouvelle route offerte par Napoléon III arrive au centre de Chamonix en 1870 !

 Sources :  Le Royaume du mont Blanc de Paul Payot, archives du journal de Genève, archives départementales, livre « La Vallée de Chamonix et l’Annexion » de Christine Boymond Lasserre et  Joëlle Dartigue Paccalet

Histoire et patrimoine de la Vallée de Chamonix

Christine Boymond Lasserre

 

Un hôtel emblématique du XIXème : l’hôtel de l’Union

Dès 1815 avec la fin de l’empire les visiteurs se font de plus en plus nombreux et le foires connaissent un succès grandissant. La commune de Chamonix déplore qu’il n’y est que 3 hôtels et 5 cabarets et incite l’État à autoriser la construction d’hôtels.  C’’est ainsi qu’en 1816 les frères Charlet (fils du notaire Charlet) associés aux frères Simond (propriétaires de l’hôtel du Nord) font appel à un architecte genevois Mr Sismondi et ouvrent un magnifique et grand hôtel en plein centre de Chamonix, une révolution à l’époque car imposant par sa taille, son architecture originale avec son fameux balcon à portiques.

 L’hôtel de l’Union fait fort impression et les voyageurs de l’époque sont très étonnés de son confort « on y trouve même les journaux de tous les pays, une boutique naturaliste, ainsi que les meilleurs vins !  … En 1824 « le guide du voyageur en Suisse » signé par Mr Richard, met l’accent « sur les bains de santé et de propreté » Ces bains situés près de l’Arve sont à l’image de cette nouvelle idée qui fleurit à Chamonix de créer une station « climatérique ». Les bains, nouveautés du XIXème siècle, sont encore rares hormis les stations thermales.  Les frères Charlet, propriétaires des terrains des Mouilles où coule une source sulfureuse ont l’idée d’apporter dès les années 1825 cette eau bienfaisante à l’hôtel puis en 1834 directement par des canalisations de bois, qui seront emportées plusieurs fois par les crues de l’Arve.

Nombreux sont les visiteurs de marque qui prennent pension à l’Union.

John Ruskin dès son 1er séjour avec ses parents en 1833 puis ensuit lors de ses voyages solitaires y séjournera régulièrement. On apprend ainsi que « vingt-deux personnes y sont attachées, que l’on y est parfaitement servi, les chambres sont bien tenues, qu’il y a des salles à manger à chaque étage, que l’on propose des diners de table d’hôte à 1,5, et 9 heures mais que l’on peut aussi se faire servir des repas chez soi à l’heure qu’il convient qu’il y a une salle de billard, des journaux français, des sommeliers parlant plusieurs langues…

Dessin Jules Hébert. Henriette d’Angeville à l’hôtel de l’Union avant son départ pour le mont Blanc

 

En 1836 y descendent Georges Sand et ses deux enfants, Franz Litz, et Marie d’Agoult.  Henriette d’Angeville en 1838 séjourne dan cet hôtel qu’elle trouve particulièrement confortable.

 

L’hôtel connaît une nouvelle dynamique avec l’arrivée de Mr Eisenkrammer.  1er sommelier de l’hôtel qui  loue dès 1838 l’Union à son patron et qu’il achète finalement  en 1844. Il épouse ensuite Marie Henriette Simond (nièce de Mme Coutterand et fille de son ancien patron). Monsieur Ferdinand, comme l’appelaient les chamoniards, est ambitieux, il organise au départ de Genève des convois spéciaux pour acheminer les provisions indispensables à son hôtel, et fait du « lobbying » auprès de visiteurs arrivant à Genève pour les convaincre de loger dans son hôtel à Chamonix. En 1848 il construit un nouvel hôtel le Royal (aujourd’hui le casino).

En 1860 lors du voyage Napoléon III le maréchal des Logis cherche le meilleur établissement pouvant recevoir l’empereur et sa cour. Son choix se porte sur ce nouvel hôtel. Le ministère est effaré par les tarifs proposés mais Mr EisenKrammer n’en démord pas si bien que l’empereur ne résidera qu’une seule nuit à Chamonix malgré le désir de l’impératrice!

Les deux hôtels sont proposés sous le nom Hôtel Royal et de l’Union.  Mr Ferdinand a quelques démêlées avec les guides en raison de son refus de passer par le bureau de la Compagnie pour proposer les guides de son choix sans passer par le tour de rôle.

Mais l’hôtel connaît toujours un réel succès. Théophile Gauthier en 1862 l’apprécie particulièrement  : «  l’hôtel de l’Union est grand et magnifique, tenu à la manière des hôtels d’Allemagne de première classe avec toutes les recherches du confortable moderne. On nous y servit dans une salle immense un excellent déjeuner ». Il envisage de créer une grande station thermale mais il peine à convaincre la commune. Il crée dans les années 1862 une société intitulée « les hôtels de Chamonix » société qui rassemble plusieurs hôtels de Chamonix mais celle-ci ne s’impose pas  et  finalement est   rachetée par deux banquiers .

 

Dès lors Mr Eisenkrammer disparait et l’hôtel passe de main en main. On voit ainsi un grand nombre de propriétaires se succéder d’où des appellations différentes pour l’hôtel jusque en 1897 ou Mr Felisaz le rachète.  Il entreprend des travaux d’agrandissement, crée un restaurant dans les jardins dont la façade est ornée de cariatides.  L’hôtel reconnait de belles heures d’activité.

A la mort de Mr Félisaz les héritiers peinent à faire fonctionner l’hôtel.

En 1929 la commune désirant ouvrir une belle place au centre de Chamonix finit par exproprier les propriétaires.

 L’hôtel est détruit en 1932 laissant place à la construction de l’hôtel des Postes en bordure d’Arve et ouvrant ainsi une place plus aérée en centre-ville.

Sources :

Archives association des Amis du Vieux Chamonix – Thèse : Isabelle Madesclaire- Voyages de deux amis en Italie par le Midi de la France et retour par la Suisse de Richard et Achille Lheureux en 1829. – L.Simond, Voyage En Suisse. – CH Vallot : guide de Chamonix – André Hélard : John Ruskin et les cathédrales de la terre.- Christine Boymond Lasserre et Joëlle Dartigue Paccalet : 1860 . La vallée de Chamonix et l’Annexion. – Marc Sandoz : Auberges d’autrefois. Revue savoisienne – Rodolphe Topffer : voyage autour du mont Blanc – Paul Payot : Au royaume du mont Blanc

Histoire et patrimoine de la vallée de Chamonix

Christine Boymond Lasserre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sources :

Thèse : isabelle Madesclaire

Voyages de deux amis en Italie par le Midi de la France et retour par la Suisse de Richard et Achille Lheureux en 1829.

L.Simond, Voyage En Suisse

F.Coutin : histoire de la collégiale de Chamonix.

CH Vallot : guide de Chamonix

André Hélard : John Ruskin et les cathédrales de la terre.

Christine Boymond Lasserre et Joëlle Dartigue Paccalet : 1860 . La vallée de Chamonix et l’Annexion.

Mar Sandoz : Auberges d’autrefois. Revue savoisienne

Rodolphe Topffer : voyage autour du mont Blanc

Paul Payot :

 

La complexe histoire des casinos et salles es fêtes de Chamonix

A Chamonix, dès le début du XIXe siècle, des animations étaient organisées pour les visiteurs dans les hôtels. Ces animations ont été au départ liées à l’autorisation d’ouverture de casinos qui à cette époque était donnée par l’État.

Or, sous le régime du royaume de Piémont Sardaigne, l’État était particulièrement réticent et l’on voit donc se dessiner des essais de salons de jeux dans certains hôtels. On relève, dans un ouvrage rédigé par Victor Masse, auteur d’un essai intitulé « Plans en relief de la vallée de Chamonix », une note descriptive d’un document enregistré officiellement en 1851 évoquant l’Hôtel du Nord auquel est rajouté un « Casino des Étrangers » ce qui veut bien dire qu’il était réservé aux visiteurs et fermé à la population locale. Mais la formulation est suffisamment évasive pour avoir un doute quant à la réalité des possibilités des jeux de hasard dans cet établissement.   A la lecture du Figaro de mai 1883 et dans les archives départementales, on évoque un Cercle International du Casino de Chamonix situé dans l’hôtel des Chalets de la Côte, où l’on pratiquait des « jeux de commerce », activité qui ne dura pas plus d’un an ou deux.  Ce type d’animation se poursuit dans l’Hôtel de l’Union de 1886 à 1893, mieux situé au centre de Chamonix. En mai 1891, un certain Adolphe Schreiber demande l’autorisation de construire un casino face à l’Hôtel de l’Union.  Ce sera l’année suivante que la commune de Chamonix, soucieuse de proposer à sa clientèle une animation digne d’une station prestigieuse, donne l’autorisation de salles de jeux-casino à Mr Cusin Bellencourt. Il construit la Villa des Fleurs qui abrite de 1904 à 1906 un « Cercle International des Étrangers ».

 

Dans les archives départementales on note la présence d’une table de petits chevaux. Fin 1906, sous l’enseigne du Casino, on remarque une nouvelle enseigne intitulée « Alpineum ». Le bâtiment est situé route nationale (rue Paccard actuelle). La Villa des Fleurs change donc d’activité.   Les jeux semblent s’arrêter au profit d’animations. On y donne spectacles, concerts, mais surtout les premiers films de l’époque dont l’ascension du mont Blanc réalisée en 1907 par la famille Vallot. On y expose également des objets qui seront plus tard à l’origine de la création du musée.

 

 

 

 

 

 

Il est probable que les activités de jeux se sont arrêtées en raison de la construction d’un casino au Bois du Bouchet lancé en 1903 par Henri Devouassoux et Jacques Curral qui, obtiennent de la commune « le droit d’y construire tout ce qui pourrait intéresser les touristes » et lui rendre le séjour plus agréable ». Six mois plus tard, le tout est cédé à une « Société anonyme du Casino Municipal de Chamonix » qui échappe ainsi aux initiateurs d’origine. C’est à ce moment-là que paraît pour la première fois l’idée de proposer du théâtre et des concerts, La commune lui confère la qualité de « Casino Municipal » bien qu’elle ait peu appréciée le changement répété des propriétaires ! En 1904, les travaux sont lancés par l’architecte Paul Henri Furet. Un beau bâtiment voit le jour en 1905 sur les prés en bordure du Bouchet. Ce Casino obtient les diverses autorisations accordées par l’État pour ouvrir une salle où se pratiquent entre autres les jeux de baccara. Deux saisons animent le casino : de juin à octobre et du 15 décembre au 15 mars. La commune peut enfin proposer à ses clients « toutes les attractions des villes d’eaux ». Théâtre, concerts animent la vie touristique de la vallée d’autant qu’un café, un restaurant, un bar américain complètent l’ensemble des services. Juste à côté est aménagé aussi un établissement d’hydrothérapie «  à l’eau d’Arve » ! En raison de son éloignement, on lance un service de calèches avec le centre-ville. Cependant, il semblerait que les propriétaires de cette société changent continuellement ce qui rend les rapports avec la commune bien souvent houleux !

Par ailleurs, en raison des directeurs qui changent bien souvent, ce casino peine à fonctionner. D’autant qu’il est mal chauffé en hiver, les charges sont lourdes, les revenus faibles et le bâtiment se délabre d’année en année. En 1915, une partie du toit s’effondre, non reconstruit.  La pluie apporte son lot de moisissures et de destructions des murs.  Il ferme dans les années 1920.

La commune cherche à rompre le monopole des jeux de la société et se met en quête de trouver un autre emplacement. Plusieurs projets voient le jour ! Dès la mi-1923 la ville autorise la Société  Hôtelière Franco-Suisse, propriétaire du Chamonix Palace,   à ouvrir un « Grand Casino de Chamonix Mont Blanc » en tant que concessionnaire de jeux qu’on installera  au  rez de chaussée.

 

 

En 1926, la commune se lance dans l’idée d’un casino édifié au-dessus de l’Arve. Typique de la période Art Déco, ce bâtiment se caractérise par une façade à quatre colonnes surmontées d’un fronton triangulaire. Puis l’édification d’une galerie commerciale de part et d’autre anime cette nouvelle rue qui avait été tracée au moment de l’arrivée du train en 1901. La Société du Grand Casino de Chamonix Mont -Blanc est née.

Il propose non seulement des salles de boules et de baccara mais aussi un bar, un dancing et de nombreuses animations en tous genres :  thés et soupers dansants, manifestations de sports et d’élégance et attractions artistiques.

 

Dès les années 1950   les chamoniards peu à peu s’approprient le lieu. Un grand nombre de festivités se déroulent dans ses magnifiques salles construites au-dessus de l’eau, beaucoup se souviennent des galas, des spectacles des groupes scolaires, des démonstrations de danse, des rencontres folkloriques, des concerts en tous genres ou encore de de l’élection de Miss France.

Finalement, dans les années 1970, la partie jeux du casino est transférée au Royal (emplacement actuel) et l’ancien bâtiment est modernisé avec une avec une nouvelle façade.  L’intérieur est transformé en salles des fêtes. Qui ne se souvient pas de ces fêtes organisées avec la piste de danse éclairée de lumières colorées ! Il prend le nom de SALLE MICHEL CROZ (du nom de la rue).

L’animation continue alors de plus belle : concerts, théâtre, fête des guides, fêtes de Noël, etc… font la joie de tous les chamoniards qui se souviennent encore avec nostalgie de ces événements et fêtes en tous genres.

Tout s’arrête avec le terrible incendie de 1999 qui détruit l’ensemble du bâtiment.

Rien n’est reconstruit au-dessus de l’Arve en raison de la difficulté à en assurer la sécurité.

 

 

Ce 2 décembre 2021 est inaugurée une nouvelle salle des fêtes dans une des coupoles de l’ensemble de Chamonix Nord, transformée pour offrir aux chamoniards fêtes, concerts, théâtre.

Suite à un vote des habitants, elle prend le nom de EMC2 c’est dire Espace Michel Croz 2 pour rappeler l’ancienne salle mythique adorée des chamoniards.

 

Sources :
Archives Amis du Vieux Chamonix, Paul Payot, Archives départementales (4M67-68).
Recherches sur l’histoire des casinos français de Mr André Reynckens.

Histoire et patrimoine Vallée de Chamonix

Christine Boymond Lasserre

 

 

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