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La Pierre à Ruskin, un témoignage oublié d’un homme d’exception !

Livre « John Ruskin et les cathédrales de la Terre » . Auteur André Hélard – Editions Guérin – 2005
Merci à André Hélard qui m’a très gentiment proposé ce texte ci dessous sur la Pierre à Ruskin.
André Hélard est écrivain spécialiste de John Ruskin.
C’est un bloc erratique (comme la Pierre d’Orthaz de l’autre côté de la vallée), un de ces énormes blocs de pierre charriés par les glaciers, au temps très lointain où ils étaient descendus dans la vallée, et restés là lorsque ceux-ci se sont retirés.
C’est sur cette pierre qu’en 1925, selon Le Figaro de l’époque, « le 6 septembre, à Chamonix, sous la présidence du préfet de la Haute-Savoie, et en présence des autorités régionales et de personnalités de France et d’Angleterre, fut solennellement apposé, dans la célèbre pierre dite « pierre à Ruskin », le médaillon en bronze de l’illustre écrivain ». Ce médaillon était l’œuvre du sculpteur Tarnowski.
Illustre écrivain, Ruskin, que Marcel Proust mettait en 1900 sur le même pied que Tolstoï, Nietzsche ou Ibsen, l’est en effet pour son œuvre immense, qui court sur 45 années, riche d’innombrables titres, dont les principaux sont Modern Painters, Les 7 Lampes de l’Architecture, Les Pierres de Venise, Sésame et les Lys.
Chamonix, dont il tomba follement amoureux lors de sa première visite, en 1833 (il avait 13 ans et demi) tint dans sa vie comme dans son œuvre (en particulier dans « Of Mountain Glory », 4e volume de Modern Painters) une place éminente, et il n’y fit pas moins de 18 séjours (parfois de 3 jours, parfois de 3 mois), entre 1833 donc et 1888.
Il aimait, en particulier, aller s’asseoir, après le dîner, pour contempler les Aiguilles et voir se coucher le soleil, sur ce qu’il appelle « ma grosse vieille pierre sous le Brévent », et qui, pour ceux des Chamoniards qui avaient fini par bien le connaître, est donc devenue « la Pierre à Ruskin ». Beaucoup de ses descriptions de soleil couchant sur les Aiguilles ont été faites depuis cet endroit d’où il avait, de sa Pierre, une vue splendide (aujourd’hui masquée par un rideau d’arbres), une des plus belles de Chamonix, sur tout le panorama des Aiguilles.
Mais par un étrange paradoxe l’hommage qui lui fut ainsi rendu a fini par trop souvent déformer ou occulter la réalité du lien entre Ruskin et Chamonix : c’est ce que j’appellerai le cliché de la Pierre à Ruskin : un vieil homme (barbu voire un peu barbant…), assis là à regarder les montagnes. Alors que le Ruskin amoureux de Chamonix fut d’abord un homme jeune et sportif. Il a 23 ans quand paraît le premier volume de Modern Painters où figurent ses premiers textes sur les Alpes, et 37 ans quand paraît « Of Mountain Beauty ».
Bien loin d’avoir passé son temps assis sur « sa » pierre, Ruskin eut une vraie pratique de la montagne, avec, à Chamonix, des séjours hyperactifs, en particulier à partir de 1844, avec un guide exceptionnel, Joseph-Marie Couttet. Il se révèle être un marcheur, un randonneur et même un excellent grimpeur, qui n’a cessé de parcourir les Alpes (outre Chamonix, Courmayeur, Macugnaga, Zermatt, et aussi plus tard l’Oberland bernois). Et à Chamonix, il passe « de rudes journées », il fait « de dures ascensions ». Il part souvent à 6 heures, voire à 5 heures du matin. Et il est parfois 10 h du soir quand il tient son journal, où il se déclare fourbu, mais ravi, et prêt à recommencer le lendemain. Bref, comme il l’écrit en 1844 : « Je sais que je peux marcher avec les meilleurs guides et épuiser les mauvais ».
Cette intense activité physique est pour lui la condition de sa compréhension de la montagne dans toutes ses dimensions. Il s’approprie les lieux par le regard, en un étonnant mélange d’esprit scientifique (influence de Saussure), esthétique (Turner) et religieux (la Bible) qui marque son aboutissement dans ses magnifiques écrits sur les Alpes.
André Hélard
Œuvres principales de John Ruskin : Les peintres modernes( réflexions sur l’art) en cinq volumes – Les Pierres de Venise – Les sept lampes de l’architecture – Sésame et les lys –
Ruskin écrivain était avant tout un grand critique d’art mais par ailleurs était peintre, aquarelliste, dessinateur et photographe avec les tout premiers daguerréotypes de Chamonix
Histoire et patrimoine de la Vallée de Chamonix
Christine Boymond Lasserre
Une belle restauration : l’ancien hôtel Beausoleil et des guides
Peut être que certains, parmi vous auront remarqué la belle restauration de la façade de la résidence « Beausoleil et des guides », travail réalisé par une artiste murale Géraldine Ciampo .
C’est un réel plaisir de découvrir cette façade restaurée, témoignage de notre histoire et notre patrimoine.
Mais savez vous que ce petit bâtiment raconte une longue et riche histoire de ce petit coin de Chamonix ?
En 1790 un certain Michel Paccard tenait une auberge au centre de Chamonix cette auberge porte en 1853 le nom de « la Réunion des Amis » . On sait qu’elle se trouve à l’arrière d’un hôtel appelé l’hôtel de l’Union disparu de nos jours.
Cet hôtel de « la Réunion des Amis » est cité dans de nombreux ouvrages et guides entre 1868 et 1895. Selon les divers propriétaires entre 1864 et 1900, il sert d’annexe à l’hôtel de l’Union, prend le nom parfois d’ hôtel du « Palais de Cristal » puis retrouve le nom d’origine « La Réunion des Amis »
Le 20 décembre 1920 : il est passablement détruit par le feu
En 1923 il porte toujours le nom de la Réunion des Amis , période où le propriétaire loue le rez de chaussée un à usage d’épicerie.
En 1930 le bâtiment est acheté par la famille Claret qui le rehausse d’un étage et le transforme en logements puis le réaménage en hôtel en 1936. L’hôtel s’appelle tout d’abord « hôtel Claudia » puis hôtel « Beausoleil et des guides ».
La famille se réservant le rez de chaussée utilisé pour la boucherie jusqu’en 1981.. Beaucoup de chamoniards s’en souviennent !
L’hôtel est transformé en appartements en 1989.
Les médaillons d’origine avaient été réalisés par le peintre local Serge Gaffoglio, représentant divers portraits de guides célèbres de la vallée de Chamonix. Ils ont été restaurés avec soin.
Un bon point pour notre patrimoine !
Sources : Archives et bibliothèque Association des Amis du Vieux Chamonix – Guides : Joanne 1882, 1913. Guide Diamant : 1891 – Flâneries au pied du Mont-Blanc de Christine Boymond Lasserre et Joelle Dartigue Paccalet.
Histoire et patrimoine Vallée de Chamonix
Christine Boymond Lasserre
Ellie Pellegrin : Un artiste chamoniard un peu oublié
Nombreux sont les endroits dans la vallée de Chamonix où l’on retrouve la « patte » d‘un artiste qui, durant près de 50 ans, a réalisé de très belles œuvres. Nous les connaissons, mais nous avons bien souvent oublié le nom de leur auteur : Elie Pellegrin.
Né à Toulon en 1914 (d’une maman originaire de Trient), il est formé au dessin industriel et trouve un emploi à l’arsenal de Toulon . Cependant, il adore les beaux arts et prend des cours du soir pour découvrir le fascinant monde artistique. . Il dessine, il invente à tout moment des objets en tous genres, c’est le début d’une vraie passion !
Elie Pellegrin, lors d’un séjour à Chamonix, tombe amoureux de la vallée et après avoir épousé une chamoniarde, Susy Bossoney, il s’y installe en 1945..
Doué, il touche à tout. Au début, il travaille le bois, il prend plaisir à sculpter et donner forme à cette matière qui, sous ses mains, devient objet d’art. Profondément religieux, il se tourne naturellement vers des œuvres à thème chrétien : crucifix, statuettes, médailles… Il connaît vite le succès . Peu à peu, il se tourne vers les émaux sur métal, mais aussi sur bronze, cuivre, et finalement argent et or. Il développe une technique très personnelle bien vite appréciée des amateurs d’art.
Ses créations prennent toujours un aspect coloré, lumineux. Son esprit imagine et son talent développe un style presque d’avant-garde, dès les années 1960. .
Son atelier est aux Praz, près de la maison familiale. C’est une réelle petite entreprise avec un ou deux employés et les membres de la famille laquelle il est très attaché ! Il affectionne ses 11 neveux et nièces qui souvent
viennent le visiter dans son lieu de travail. Il ouvre en 1968 une boutique, rue Paccard, dont beaucoup se souviennent encore. Il vend aussi bien des médailles religieuses que des petits bijoux, souvent pièces uniques. Il a un tel succès qu’il n’arrive pas à fournir l’ensemble des commandes provenant non seulement de la France, mais du monde entier.
Son savoir faire délicat, sa technique très moderne, lui. confèrent une grande réputation. Malheureusement, n’ayant pas protégé ce savoir, il sera copié bien largement !
Durant 30 ans, il réalise gratuitement la matrice des médailles de bronze des guides honorés par la fête des guides du 15 août (visibles au musée alpin). De même, il fabrique la médaille représentant Jacques Balmat et Michel Gabriel Paccard qui se trouve juste au dessus de la porte d’entrée de la Maison de la Montagne, celle de Jean Estéril Straton et celle de Gérard Devouassoux. Et aussi à l’entrée du bureau des guides d’Argentière.
Il s’essaie à la composition du vitrail, dont deux situés à la chapelle des
Tines sont remarquables de précision et de couleurs vives.
Fier de son village des Praz, il consacre beaucoup de temps avec ses amis, René Simond, Christian Couttet et les familles Tairraz et Chamel, à l’entretien de la chapelle située tout près de son atelier. Il sculpte la très belle statue de la Vierge située au dessus de la porte d’entrée, de même celle à gauche dans le chœur, et la porte du tabernacle admirable travail d’émail sur bois.
C’est encore lui qui réalise la porte du tabernacle de la nouvelle chapelle du Tour. Et aussi l’oratoire situé en face de l’hôtel Excelsior.
Il prend sa retraite officielle à 75 ans, mais continuera de travailler jusqu’à 90 ans, tant son inspiration artistique avait besoin de s’exprimer.
Respect Mr Pellegrin !
Histoire et patrimoine Vallée de Chamonix
Christine Boymond Lasserre
Hôtel de Chamonix , devenu hôtel « le Chamonix » avec Mélanie
Pour nous, ce petit « Hôtel le Chamonix » est avant tout évocateur de la bonhomie et de la bonne humeur de Mélanie. Elle et son mari, Mr Guy Bouchard, l’achètent en 1965. Tous deux tiennent l’hôtel jusqu’au décès de Guy . Mélanie prend alors en main cette petite entreprise familiale. Elle est chaleureuse, toujours gaie et les guides et moniteurs voisins ont plaisir à se rendre au café-restaurant de l’hôtel. Leur habitude d‘aller chez Mélanie , amène le petit café à changer son enseigne pour devenir le café restaurant « Chez Mélanie». Mélanie, avec son sens de l’accueil, fera de son café le camp de base réputé des habitués du quartier.
Les témoignages chaleureux lors de la cérémonie funéraire de Mélanie témoignent de son incroyable dynamisme et gentillesse.
Mais ce petit « Hôtel de Chamonix », car tel est son nom originel, pourrait raconter bien de choses. Son histoire remonte au milieu du XIXe siècle. Il est construit selon les habitudes chamoniardes avec des murs constitués des boules d’Arve liées à la chaux puis recouverts de crépi.
Joseph Victor Folliguet, menuisier, guide, entrepreneur, achète par adjudication en 1883 un immeuble faisant partie d’un lot de trois bâtiments. Il le transforme en petit hôtel.
On y remarque les encadrements de granit aux portes et aux fenêtres qui sont l’identité locale typique en ces périodes de la Belle Epoque. De même pour les ferronneries bordant les fenêtres de l’hôtel. A sa mort en 1898, c’est son épouse Marie Dorothée Folliguet née Tairraz qui tient l’hôtel quelques temps.
Puis Emma, sa fille, hérite de l’hôtel. Femme énergique et volontaire, elle gère son petit hôtel mais aussi l’Hôtel Suisse (https://www.blogdechristineachamonix.fr/lhotel-suisse-devenu-le-park-hotel-suisse-une-belle-histoire-dune-famille-hoteliere-chamoniarde/) situé en bordure de la route nationale (rue Paccard actuellement), propriété de son mari Etienne Alphand. Ils sont pratiques, et comprennent l’intérêt de communiquer au mieux afin d’attirer les clients potentiels et c’est ainsi qu’ils diffusent une publicité accrocheuse aux deux noms : Folliguet et Alphand.
A la mort d’Emma, ce sera son fils Joseph Alphand qui le gérera avec son épouse Elise Vuarand, qu’il a épousée en 1937. Joseph décède en 1957. Elise gère un temps l’hôtel, ou plutôt le met en location. Sans héritier, elle vend l’hôtel aux époux Bouchard en 1965.
Sources : Archives personnelles de Nadine Bouchard, archives association des Amis du Vieux Chamonix
Histoire et patrimoine vallée de Chamonix
Christine Boymond Lasserre
Quelle est l’origine du nom d’Argentière ?

Argentière et son église avec sa façade baroque et son clocher en flèche !
Dans les anciens documents comme ceux de la gabelle du sel de 1561, Argentière n’existe pas en tant que hameau ou village. A cette époque, lorsque l’on évoquait les hameaux du haut de la Vallée, les documents citent les « hameaux et maisons escartés de la dimerie au dessus des Thynes » .
Ce n’est qu’en 1726 que le nom « Argentière » apparaît officiellement lorsqu’est créée sa paroisse. Au tout début, les habitants avaient pour habitude de parler de « l’Argeintire » qui deviendra dans les documents paroissiaux « l’Argentière » puis « Argentière ».
Certains prétendent que cette origine étymologique proviendrait d’une mine ou d’un filon d’argent disparu depuis. Pour d’autres, le filon se trouverait sous le glacier… A chacun son idée. Certains pensent tout simplement que seule la couleur argentée du glacier aurait pu donner ce nom au village.
A savoir qu’en France il existe de très nombreux villages appelés l’Argentière ( Ardèche – Hautes Alpes – Vivarais – Gard – Tarentaise, etc.), ayant souvent un lien avec l’exploitation de mines métallifères tirant leur nom d’ « argentaria » issu du latin « argentum » signifiant métal ( Suter).
Plus près, à Servoz, existe un lieu-dit appelé « les Argentières ».
En remontant plus loin dans le temps, la racine AR est reconnue comme étant d’origine indo- européenne (arg – ar(e)g) signifiant blanc-brillant, peut-être la couleur du glacier ? Mais aussi n’oublions pas que de nombreux noms dans le massif alpin indique une occupation pré celtique. On peut donc imaginer que depuis des temps immémoriaux, on parlait d’Argentière et cela bien avant la création de la paroisse.
Certains anciens documents évoquent une aiguille s’appelant « Argenteria » parfois nommée « Dargentire »! Dans un parchemin des archives départementales datant de 1497 à propos de transactions concernant l’alpage des Péclereys on retrouve l’appellation Argenteria ( acta fuerunt predicta apud campum munitum in villa de Argenteria ou l’on peut traduire ainsi les actes furent réglés sur le domaine d’Argentière dans la commun e de Chamonix)
N’est-ce pas resté dans la mémoire collective des habitants de la haute vallée de l’Arve? Et ne l’auraient ils pas adopté au moment de la création de la paroisse ?
Ce qui est sûr c’est qu’en 1726, on adopte définitivement le nom d’Argentière, écrit sans s final. !
Cependant, vers 1938, des documents provenant de l’évêché sont écrits « Argentières » ou « Argentière », avec ou sans s ! Au bon vouloir des instances épiscopales ? Peut être aussi pour imiter les villages dont le nom portait un s final ?
A l’arrivée du train à Argentière (1908), les publicités lancées par le PLM écrivent Argentières avec un s, et les hôtels font de même. Mais pas toujours !
Donc unanimement on écrit Argentières avec un s. Mais dans les foyers, les paroles vont bon train affirmant qu’Argentière dans les temps anciens s’écrivait sans s.
Finalement, en 1926, le conseil municipal présidé par le maire Jean Lavaivre décide qu’Argentière s’écrira définitivement sans s. Mais l’épiscopat continue encore de l’écrier avec un s
SOURCES : Site internet Henry Sutter – Revue de géographie alpine – Ouvrage : « origines des noms de montagnes de Haute Savoie » de Jean Philippe Buord – « Les noms de lieux de la région du Mont Blanc » de Roland Boyer.
Revue de la paroisse du mont Blanc. – Guide Vallot .
Histoire et patrimoine vallée de Chamonix
Christine Boymond Lasserre
L’hôtel suisse devenu le Park hôtel Suisse : Une belle histoire d’une famille hôtelière chamoniarde
C’est une histoire qui commence tôt, vers 1856, lorsqu’à à Chamonix s’ouvre un « Hôtel Suisse » tenu par Joseph Bozon. Quelques années plus tard, ce même hôtel fait de la publicité. Il est tenu par Ambroise Simond dès 1861 et ce jusqu’ en 1889, jour de son décès. Son fils Alphonse tient l’hôtel quelques années et finalement le vend à Etienne Alphand en 1892 (l’acte de vente précise : Maison située à Chamonix, portant l’enseigne Hôtel Suisse, avec grange, écurie, bûcher, place à fumier, et jardin derrière le tout. Et tout le matériel servant à l’exploitation de l’hôtel). ( archives Association Amis du vieux Chamonix).
Etienne est un personnage entreprenant, il épouse Emma Folliguet en 1899, elle-même héritière d’un autre hôtel situé près de l’église. Ils se marient en séparation de biens. Emma veut gérer ses immeubles indépendamment de son mari.
Dans son livre « Il était une fois la montagne » (, France Empire), « Pépé Luc » raconte à propos de l’hôtel et de sa future belle mère, la fameuse Emma :
« C’était un établissement confortable pour l’époque, dans chaque chambre il y avait une table de toilette à dessus de marbre avec une grande cuvette de porcelaine et le porte savon assorti. Les clients sortaient le matin pour remplir leurs brocs à un réservoir d’eau chaude placé sur le palier ; Emma était une femme d’ordre qui tenait à jour son livre de comptes. Assurant ses achats entre autres à la Samaritaine à Paris : boutons, rubans, mousseline, toiles pour torchons, taies d’oreillers, draps… Mais aussi col de fourrure, plumes d’autruche… Mais le plus étonnant : la série des œuvres de Victor Hugo, le dictionnaire Larousse et même une méthode pour apprendre à jouer du piano ! »
L’hôtel est tenu avec rigueur et, les années passant, le couple achète une maison mitoyenne, car ils désirent améliorer et agrandir ce petit Hôtel Suisse qu’ils possèdent. Ils l’appelleront désormais « Hôtel de Chamonix et Hôtel Suisse » .
En 1907, ils entreprennent de grands travaux d’agrandissement. Le projet est ambitieux, 40 chambres supplémentaires, sur six étages avec chauffage central et salles de bains à tous les étages et luxe suprême en haut de l’hôtel une patinoire ! N’est ce pas le rêve ?
Mais Emma décède brutalement en 1908.
Ses deux enfants sont jeunes. Etienne Alphand continue les travaux. L’hôtel ferme durant la guerre. iL nécessite de gros travaux de restauration pur le remettre en état. Etienne fait un emprunt important pour assurer la fin du projet d’origine , le met un temps en location. Mais sa fille Bertha, dès son plus jeune âge, s’intéresse à l’hôtel . Elle épouse Luc Claret Tournier en 1921. Elle a 20 ans. Elle dirige déjà l’hôtel de main de maître !
D’elle Pépé Luc dit : je n’avais pas marié une femme mais une Dame. Après la noce, je suis donc allé vivre avec ma femme à l’Hôtel Suisse.
En 1928 Bertha déclare à l’administration : 21 chambres dans la vieille maison, 46 dans la maison neuve, la Vieille maison étant l’hôtel d’origine et la maison neuve l’agrandissement fait en 1907-1909. Bertha tient l’hôtel durant 43 ans jusqu’à son décès. Luc prend alors le relais pendant encore une dizaine d’années puis laisse la place à son fils Jean .
Pépé Luc se retire dans sa maison natale aux Mouilles.
Dans les années 1950, l’hôtel prend le nom d’ « Hôtel Suisse et de Hollande ». Jeannot fils de Bertha et de Luc prend le relais.
Il engage le projet d’une troisième tranche et c’est ainsi que dès 1961 les travaux sont entrepris côté Brévent pour une aile comprenant 33 chambres. C’est le « Park Hôtel Suisse », mais aussi le restaurant « la Calèche »(il avait réussi à faire entrer dans le local une calèche !)e une boîte de nuit : le Tobogan ». Il réalise une piscine panoramique à la place de la patinoire qui durant l’été servait de terrasse.
Tout le monde se souvient de Jeannot image phare de la ville de Chamonix, précurseur du ski patinette mais aussi le premier à faire le «clown» en ski, il maîtrise sa discipline de manière à être un professionnel de ski sur échasse ! Il est ainsi repéré par Walt Disney, avec qui il part aux Etats-Unis durant deux ans pour tourner dans des films, et rencontrer de grands acteurs comme le célèbre Sean Connery : (Vidéo INA Pépé Luc, « L’acrobate des neiges » voir la vidéo)
Digne descendants de cette famille hôtelière arrive la quatrième génération.
De nos jours Jean Luc, aidé de sa directrice Kattia Berraho, dirige le Park Hôtel Suisse lui donnant ses lettres de noblesse d’hôtel quatre étoiles et Laurence, digne héritière de sa grand mère et de son arrière grand-mère, gère avec une grand talent et aidée de son directeur Alain Fait, le restaurant « la Calèche ».
Le restaurant n’a pas changé et on a toujours un immense plaisir à retrouver dans ces locaux les innombrables souvenirs (objets et photos) rappelant la vie et l’évolution de cette ancienne famille hôtelière chamoniarde. Laurence continue la tradition dans la création d’autres restaurants dans la vallée.
Sources : Archives familiales Claret Tournier, archives Association des Amis du Vieux Chamonix, livre de Luc Tournier (pépé Luc) : il était une fois la montagne » ( éditions France Empire).
Histoire et patrimoine Vallée de Chamonix
Christine Boymond Lasserre
Un des plus anciens magasins de Chamonix : l’ancienne boutique « A la Renommée »
Qui à Chamonix n’a pas connu « la Renommée » ? Le magasin de chaussures tenu par Luc Payot cordonnier, puis par sa fille Eva et maintenant par son petit fils Didier ? Que de souvenirs encore vivaces chez les chamoniards.
En centre ville, tout près du super-U, un des rares magasins familial de Chamonix est toujours là depuis 1860, soit il y a 160 ans !
Ici, après le terrible incendie de 1855 qui détruit une grande partie de Chamonix, François Romain Payot avec son épouse Marie Bellin, il aménage dans une veille ferme un magasin-cordonnerie. Ils ont huit enfants (dont trois morts à la naissance) : Reste trois garçons, François Léon, Henri, Joseph et trois sœurs, Léocadie, Judith et Irma. Les garçons sont cordonniers, les filles couturières. Dans les années 1880, Chamonix entre dans une période où les visiteurs et les touristes viennent de plus en plus nombreux.
Les sœurs donnent des cours de couture, mais surtout proposent à la vente des tenues plus pratiques et mieux adaptées pour les jeunes femmes empruntant les chemins et montant les mulets… Les tenues citadines ne sont pas de mise et donc les trois sœurs l’ont bien compris !
Quant aux garçons, ils proposent aux clients ce fameux bâton-canne indispensable à un bon touriste faisant les excursions traditionnelles de la vallée. Et oui, après chaque balade, on se doit de faire graver au fer rouge dans le bois des encoches correspondant à chaque promenade que le client a réalisée, le but étant de marquer son bâton jusqu’en haut. La maison a donc du matériel, avec soufflet et « fers » pour dessiner sur le bois les inscriptions demandées.
Le Guide Conty de 1885 écrit à ce propos : « le bâton est d’une nécessité presque absolue pour les ascensions et les descentes. Le meilleur est celui qui peut servir à la fois d’arme et de soutien et qui est garni d’un côté d’une pointe de fer et de l’autre d’une corne de chamois. Le bâton doit avoir deux mètres au moins de manière à pouvoir servir au besoin comme une perche pour franchir les ruisseaux et les torrents. La plupart des voyageurs font graver leur bâton au moyen d’un fer rouge tous les endroits où ils passent ; de là cette enseigne que l’on voit partout « ici on marque les bâtons ».
Dans tous les guides imprimés de l’époque on trouve les diverses publicités et recommandations pour le magasin « La Renommée » créé par François Léon qui avait hérité de la boutique. Il se consacre uniquement à la chaussure, les tenues vestimentaires disparaissent et à partir des années 1900 il devient un des très bons cordonniers chamoniards possédant la technique des chaussures dites « à tricounis et ailes de mouche », sortes de ferrures à pointes que le cordonnier Louis ajuste sur semelles de cuir. Chaussures très recherchées afin de mieux adhérer au rocher ou à la neige ! Mais que bien souvent il faut réajuster ou changer !
Ces chaussures pèsent jusqu’à 2 kg chacune !
Avec l’arrivée de la semelle Vibram, les Payot s’adaptent , Luc prend le relais. Qui n’a pas connu Luc l’habile cordonnier ! Puis sa fille Eva tient le magasin quand son père continue à se consacrer à la cordonnerie. Et finalement c’est Didier qui modernise le magasin et c’est ainsi qu’au cœur de Chamonix on peut encore voir dans une des vitrines une photo exceptionnelle des ancêtres Payot à l’origine de ce magasin de chaussures.
Sources : Archives familiales de la famille Payot –
Histoire et patrimoine de la Vallée de Chamonix
Christine Boymond Lasserre