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Les Soldanelles (2) :

Écrit le : 23 janvier 2016

Suite à l’article sur les préventoriums des Soldanelles et Miremont j’au reçu de nombreux mails de  réactions d’anciens « jeunes malades ». Certains de ces courriers sont effectivement intéressants aussi  je vous propose de partager avec vous quelques uns de ceux-ci. Tous parlent avec émotion de ces moments passés aux Soldanelles au pied du Brévent. Beaucoup se souviennent de l’extrême gentillesse de Mr et Mme Aulagnier. Leurs souvenirs d’enfants sont touchant voire poignants. Je ne peux m’empêcher de vous les transmettre.

Bonjour Madame, j’ai trouvé par hasard  votre communication sur le préventorium des Soldanelles, duquel j’ai été pensionnaire de Mars à Juin 1964 à l’âge de 13 ans Cela m’a permis de revivre avec émotion ces quelques mois passés à Chamonix, de revoir le docteur Aulagnier, son épouse – ils étaient très gentils tous les deux, le Miremont où nous passions nos radiographies et les visites médicales, enfin plein de souvenirs, de visages et de noms, des anecdotes qu’il faudrait que j’écrive un jour sur la vie dans cet établissement. Je l’ai recherché lors d’un séjour à Chamonix vers 1995 mais les bâtiments n’existent plus, remplacés par des immeubles d’habitations de masse. Merci Madame de m’avoir donné l’occasion de me remémorer tout cela,

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Madame,

Merci de votre disponibilité. Je vous confirme donc que mon père, le Dr Armand Olivennes ( a l’époque Oliewenstein) a été gardé pour une primo infection tuberculeuse au sana des Soldanelles. Il y est resté pendant plusieurs mois (ou années??) et a été caché dans un grenier par le Dr Aulagnier lors d’une (une c’est sur ou plus??) rafle a la recherche d’enfants juifs (par des français ou allemands?). 

Je recherche donc la famille de ce Dr Aulagnier. 

Si vous avez des informations sur les prénoms des enfants Aulagnier, je suis intéressé. Peut être par l’état civil de la mairie de Chamonix. 

Bien a vous. 

Pr François OLIVENNES

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Livre  « L’autre éducation sentimentale » de Pierre-Jean REMY, de l’Académie française, qui raconte son séjour aux Soldanelles en 1951, à partir de la page 70  jusqu’à la page 85.

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En tant qu’ancien pensionnaire, J’ai pris connaissance de votre page sur les préventoriums le Miremont et les Soldanelles avec émotion…

Christian Leygnier

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SOUVENIRS DE MON SÉJOUR AUX SOLDANELLES,

préventorium de Chamonix, de mars à juin 1964.

Comte DP

Si je dois remonter le fil de ma mémoire pour me remémorer ce court séjour en Haute-Savoie, je me revois d’abord quittant un soir le port de Marseille avec Maman, disant adieu à Papa et à mes frères et sœurs qui nous avaient accompagnés depuis la Corse jusque là, pour rejoindre la Gare Saint-Charles en exergue d’un voyage nocturne dont la perspective ne m’enchantait guère…Une atmosphère fébrile enveloppait alors l’immense halle métallique, un brouhaha de cris, de sifflets, des porteurs qui se bousculaient, s’invectivaient, des voyageurs pressés, la fumée de quelques locomotives bruyantes dont les tampons s’entrechoquaient violemment contre des wagons ou des butoirs, rien de rassurant pour un gamin de treize ans qui venait tout juste de quitter sa montagne natale et qui se préparait à sa première séparation d’avec le cocon familial.

Depuis plusieurs mois je traînais avec  une mauvaise toux, assez légère mais accompagnée d’une petite fièvre qui avait inquiété mes parents. N’avions-nous pas avec nous notre grand-oncle paternel, dont on disait qu’il était poitrinaire, et dans les bras duquel j’étais toujours fourré, souvent pour écouter à la radio une émission qu’il affectionnait particulièrement, « Les Grandes Voix Humaines », les grands airs d’opéra que j’ai grâce à lui appris à aimer…De fait, au cours de l’année 1963, j’avais appris à l’Institution Sainte-Marie que ma cuti-réaction à la tuberculine était devenue positive et il avait fallu dès lors, d’examen en examen, de radiographie en radiographie, se résoudre à l’idée qu’une « primo-infection » tuberculeuse était à l’œuvre. Nous étions même venu consulter, à Marseille, l’éminent professeur de Lannoy, un ami de Papa, chez lequel on m’avait pratiqué une des toutes premières tomographies, examens qui confirmaient la nécessité d’un traitement au P.A.S. ( Para-Amin salicylate de Sodium ) , sorte de granulé amer qu’il me fallut ingurgiter plusieurs fois par jour, juste avant les repas, durant des mois, sans qu’une amélioration ne se dessinât vraiment.

Après de nouvelles consultations, provisoirement déscolarisé, je passais le triste hiver 1963/64 devant la télévision, alité ou en chambre, isolé de mes frères , sœurs et cousins, que je ne voyais qu’à certaines heures de la journée pour de courts intermèdes de jeux.

Mes parents avaient opté pour un séjour en haute-montagne, non pas en sanatorium comme cela avait été décidé pour un de mes frères aînés cinq ans auparavant, et qui était parti deux années chez les sœurs du Roc des Fiz, non. Pour moi , il n’y avait pas nécessité d’un traitement de choc, un séjour à Chamonix devait normalement suffire avec une poursuite médicalisée du traitement au PAS. Les médecins conseillaient alors volontiers le préventorium du docteur Aulagnier, un établissement de taille humaine, pratiquement en ville ou aux abords immédiats de Chamonix, une structure quasi familiale, catholique, dotée d’une institutrice, en lien permanent avec les parents constamment informés des progrés de la santé de leur progéniture, bref rassurante pour les enfants qui ne se sentaient pas ainsi complètement coupés de leur milieu familial et pour les parents qui suivaient de très près les progrès de leurs fils.

Le train Marseille-Valence entrait en Gare au moment où nous en franchissions l’entrée, une belle locomotive électrique très différente des noires motrices suant et crachant des jets de vapeurs. Mais à Valence, à la nuit tombée, il avait fallu en changer pour prendre la direction de Saint-Gervais, sur une ligne non encore électrifiée. A Saint-Gervais, à demi-endormi, il avait fallu quitter le train pour une micheline qui allait nous conduire à Chamonix, où nous attendait au matin un chauffeur de l’hôtel Savoy. Installés à cet hôtel, il nous était possible d’apercevoir alors les chalets du préventorium des Soldanelles, dont j’ai appris bien plus tard que l’un d’eux avait été construit par Violet le-Duc. En haut d’un vaste pré, trois bâtisses en bois plus ou moins tarabiscotées  des balcons ouvragés, des grands sapins, le décor en arrière-plan du sommet du Brévent ponctué d’énormes pylônes d’un téléphérique, voilà ce que je découvrais de la fenêtre de ma chambre. Celle de Maman donnait sur la ville et sur le massif du Mont-Blanc, les Grandes Jorasses, le Dru dont je n’allais pas tarder à apprendre qu’une pâtisserie réputée composait des spécialités au chocolat ainsi dénommées dont j’allais faire mon régal à chaque visite de mes parents.Nous étions attendus au Miremont, sorte de villa blanche de la montée de la Mollard, au dessus de l’église paroissiale. Je revois le bon docteur Aulagnier qui, dès notre arrivée, sût gagner ma confiance par des paroles rassurantes, une grande gentillesse alliée à une sorte d’autorité naturelle

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SOUVENIRS DE MON SÉJOUR AUX SOLDANELLES,

préventorium de Chamonix, de mars à juin 1964.

Comte DP

Si je dois remonter le fil de ma mémoire pour me remémorer ce court séjour en Haute-Savoie, je me revois d’abord quittant un soir le port de Marseille avec Maman, disant adieu à Papa et à mes frères et sœurs qui nous avaient accompagnés depuis la Corse jusque là, pour rejoindre la Gare Saint-Charles en exergue d’un voyage nocturne dont la perspective ne m’enchantait guère…Une atmosphère fébrile enveloppait alors l’immense halle métallique, un brouhaha de cris, de sifflets, des porteurs qui se bousculaient, s’invectivaient, des voyageurs pressés, la fumée de quelques locomotives bruyantes dont les tampons s’entrechoquaient violemment contre des wagons ou des butoirs, rien de rassurant pour un gamin de treize ans qui venait tout juste de quitter sa montagne natale et qui se préparait à sa première séparation d’avec le cocon familial.

Depuis plusieurs mois je traînais avec  une mauvaise toux, assez légère mais accompagnée d’une petite fièvre qui avait inquiété mes parents. N’avions-nous pas avec nous notre grand-oncle paternel, dont on disait qu’il était poitrinaire, et dans les bras duquel j’étais toujours fourré, souvent pour écouter à la radio une émission qu’il affectionnait particulièrement, « Les Grandes Voix Humaines », les grands airs d’opéra que j’ai grâce à lui appris à aimer…De fait, au cours de l’année 1963, j’avais appris à l’Institution Sainte-Marie que ma cuti-réaction à la tuberculine était devenue positive et il avait fallu dès lors, d’examen en examen, de radiographie en radiographie, se résoudre à l’idée qu’une « primo-infection » tuberculeuse était à l’œuvre. Nous étions même venu consulter, à Marseille, l’éminent professeur de Lannoy, un ami de Papa, chez lequel on m’avait pratiqué une des toutes premières tomographies, examens qui confirmaient la nécessité d’un traitement au P.A.S. ( Para-Amin salicylate de Sodium ) , sorte de granulé amer qu’il me fallut ingurgiter plusieurs fois par jour, juste avant les repas, durant des mois, sans qu’une amélioration ne se dessinât vraiment.

Après de nouvelles consultations, provisoirement déscolarisé, je passais le triste hiver 1963/64 devant la télévision, alité ou en chambre, isolé de mes frères , sœurs et cousins, que je ne voyais qu’à certaines heures de la journée pour de courts intermèdes de jeux.

Mes parents avaient opté pour un séjour en haute-montagne, non pas en sanatorium comme cela avait été décidé pour un de mes frères aînés cinq ans auparavant, et qui était parti deux années chez les sœurs du Roc des Fiz, non. Pour moi , il n’y avait pas nécessité d’un traitement de choc, un séjour à Chamonix devait normalement suffire avec une poursuite médicalisée du traitement au PAS. Les médecins conseillaient alors volontiers le préventorium du docteur Aulagnier, un établissement de taille humaine, pratiquement en ville ou aux abords immédiats de Chamonix, une structure quasi familiale, catholique, dotée d’une institutrice, en lien permanent avec les parents constamment informés des progrés de la santé de leur progéniture, bref rassurante pour les enfants qui ne se sentaient pas ainsi complètement coupés de leur milieu familial et pour les parents qui suivaient de très près les progrès de leurs fils.

Le train Marseille-Valence entrait en Gare au moment où nous en franchissions l’entrée, une belle locomotive électrique très différente des noires motrices suant et crachant des jets de vapeurs. Mais à Valence, à la nuit tombée, il avait fallu en changer pour prendre la direction de Saint-Gervais, sur une ligne non encore électrifiée. A Saint-Gervais, à demi-endormi, il avait fallu quitter le train pour une micheline qui allait nous conduire à Chamonix, où nous attendait au matin un chauffeur de l’hôtel Savoy. Installés à cet hôtel, il nous était possible d’apercevoir alors les chalets du préventorium des Soldanelles, dont j’ai appris bien plus tard que l’un d’eux avait été construit par Violet le-Duc. En haut d’un vaste pré, trois bâtisses en bois plus ou moins tarabiscotées  des balcons ouvragés, des grands sapins, le décor en arrière-plan du sommet du Brévent ponctué d’énormes pylônes d’un téléphérique, voilà ce que je découvrais de la fenêtre de ma chambre. Celle de Maman donnait sur la ville et sur le massif du Mont-Blanc, les Grandes Jorasses, le Dru dont je n’allais pas tarder à apprendre qu’une pâtisserie réputée composait des spécialités au chocolat ainsi dénommées dont j’allais faire mon régal à chaque visite de mes parents.Nous étions attendus au Miremont, sorte de villa blanche de la montée de la Mollard, au dessus de l’église paroissiale. Je revois le bon docteur Aulagnier qui, dès notre arrivée, sût gagner ma confiance par des paroles rassurantes, une grande gentillesse alliée à une sorte d’autorité naturelle. Un homme aux cheveux blancs coupés en brosse, des lunettes cerclées d’or, une blouse blanche, et son épouse, également médecin, une femme digne, dont je me rappelle qu’elle usait d’une canne, et que d’elle aussi émanait une certaine autorité presque masculine, qui me rappelait la directrice des louveteaux, une « continentale » qui commandait aux cheftaines pour tout le district de Corse…

A mon grand effroi, c’est là qu’il a fallu me séparer de Maman, qui repartait le soir mais qui ne restait pas pour mon entrée dans l’établissement. C’est le docteur qui me conduisit aux Soldanelles où j’allais maintenant découvrir le cadre de ma nouvelle vie.

L’établissement était composé de trois chalets, en plus du Miremont: le petit chalet accueillait je crois bien les tous petits, le chalet des filles ensuite, puis le chalet des garçons où m’attendaient Mademoiselle Mermier, et son adjointe Mademoiselle V. exactement), deux « vieilles demoiselles » plutôt revêches, mais dont j’allais apprécier par la suite une certaine bonté d’âme. J’entendais dans les locaux des galops d’enfants dégringolant les escaliers pour le goûter ce qui n’augurait rien de bon pour moi, plutôt d’un naturel inquiet.

On me présentât ensuite aux infirmières, ou monitrices, je n’ai jamais vraiment su, puis au personnel de chambre et de service, dont une vieille italienne prénommée Florentine, brocardée par les enfants à cause de son accent marqué, et la cuisinière, une dame forte d’allure paysanne plutôt bourrue, mais au cœur d’or, puis d’autres dont je ne me souviens plus. L’aumônier enfin, en soutane noire, comme tous les prêtres que nous avions fréquentés jusque là.Puis on me conduisit à ma chambre, où j’allais demeurer quelques jours en observation, avant de pouvoir me joindre aux autres enfants pour partager leur vie quotidienne

Le Dimanche nous avions la messe au sein de l’établissement: tout le monde s’y retrouvait, les filles que l’on ne croisait jamais en semaine, les garçons, le personnel… après nous avions un repas amélioré, plus digne et plus copieux, présidé par  Monsieur  l’aumonier, précédé du Benedicite. Peut-être même nous exemptait-on ce jour là de PAS ?

Le soir, le téléphone de l’établissement était ouvert aux appels des parents, plus ou moins réguliers selon les familles. J’y avais eu droit tous les soirs au début mais j’avais ensuite jugé que cela me démarquait trop des autres enfants et je crois bien que j’avais moi-même demandé à ce que l’on espaçât ces appels. L’extinction des feux arrivait assez tôt après le dîner, et les nuits étaient entrecoupées des visites discrètes et feutrées de la surveillante, une autre vieille demoiselle qui résidait à demeure dans le chalet des filles, au dernier étage, et qui passait à plusieurs reprise dans chaque chambre.

Les repas se passaient dans une atmosphère disciplinée, la table des garçons, une quarantaine autant que je men souvienne, était au bout de la salle, près des cuisines, puis ensuite deux grandes tables étaient disposées pour les filles , deux tables de 50 environ, mais tout cela se passait dans le calme. Les repas étaient de très bonne qualité mais pas forcément à mon goût: ainsi fûs-je amené à goûter aux purées d’épinards qui me firent presque regretter le PAS tellement je les détestais. Moi si discret à l’ordinaire, j’avais osé m’en plaindre au docteur Aulagnier, à faire intervenir mes parents, à refuser d’en absorber voire même à retourner mon assiette à la cuisinière à plusieurs reprises au grand amusement de mes camarades, peut-être plus habitués à manger de cette mixture, et qui découvraient étonnés chez ce petit garçon docile des accès inattendus de rébellion.

Finalement le bon docteur m’avait exempté d’épinards.

C’est au Soldanelles que je vis pour la première fois, à mon grand scandale, un prêtre sans soutane! L’aumônier avait du nous quitter et il avait été remplacé par un prêtre de retour d’Afrique, un missionnaire d’allure militaire en civil et col romain, ce qui m’avait paru tout à fait déplacé. C’est peut-être pour cela que je suis resté par la suite et avec toute ma famille un fidèle inconditionnel de Mgr Lefebvre.

Des colis arrivaient de la part de nos parents, très attendus au moment de Pâques par exemple. Il était d’usage d’en partager le produit avec les autres enfants, usage auquel je me pliais volontiers car les colis arrivaient sommes-toutes assez souvent. De même, en alternance, Papa et Maman me rendaient visite à tour de rôle. J’avais alors une permission de deux jours, où je pouvais manger et dormir à l’hotel Savoy où ils descendaient, pour peu que je continue mon traitement au PAS. Et je faisais fièrement découvrir à mes parents les beautés de la ville et de ses environs, la cueillette des myrtilles, les balades en forêts, le train à crémaillères de la Mer de Glace , les téléphériques. Et je pus donc goûter aux fameux « drus » dont j’allais devenir un fervent consommateur à chaque visite parentale. On les achetait dans une pâtisserie du centre ville, près du Casino Municipal je crois, au début de l’avenue qui conduit à la Gare.

Mes résultats médicaux étaient plus que meilleurs, les traces de toute infections disparaissaient de jour en jour et le Docteur Aulagnier pût bientôt rassurer mes parents sur mon sort. Garçon « méritant », il avait voulu me récompenser en m’invitant à déjeuner dans la grande villa qu’il occupait avec sa famille, et je l’entends toujours téléphoner à Papa: « Venez le chercher, il n’attend que ça. Un été en Corse achèvera de perfectionner sa guérison, venez-donc. « 

Si vo

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Christine Boymond Lasserre

Guide conférencière

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