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La mappe sarde Qu’é sa co ?

Mappe sarde du centre de Chamonix Copyright Archives départementales

 Les 16ème et 17ème siècles sont des périodes au cours desquelles, en Savoie, la perception de l’impôt est particulièrement confuse. Victor Amédée II, roi de Piémont Sardaigne, conscient de l’anarchie de ces levées d’impôts dont l’origine est médiévale et imprécise, impose une remise en ordre fiscale qui cherche à établir une estimation juste  des biens fonciers par catégories et par biens.  Dans la foulée est décidée l’élaboration d’un cadastre détaillé.

L’édit du 9 avril 1728 ordonne la mensuration générale de la Savoie.

Immense gageure pour l’époque !

L’innovation principale est l’élaboration des « mappes », (cartographie généralisée des parcelles de toutes les communes). Commencé en 1730 et achevé en 1738, ce relevé concernera 638 communes qui seront cadastrées dans le détail. Celle de Chamonix sera la plus grande de toutes.

20 équipes sillonnent tout le territoire.

Chaque équipe est composée de :

1 géomètre : il dessine les parcelles, les arbres, les biens …

1 métreur : il mesure les propriétés.

1 estimateur (il estime la valeur du bien). Il  est aidé d’un indicateur (seul personnage local autorisé, sa présence est nécessaire pour donner des informations sur les lieux.)

La mappe est composée de :

** Un plan cadastral dessiné à l’échelle de 1/2372. C’est à dire 1 mm=2m372. C’est un rouleau de papier entoilé portant le dessin en couleurs de toutes les parcelles (avec n° d’ordre), des chemins, des cours d’eau, des arbres,  etc…

** Un registre des parcelles appelé « livre de géométrie » qui répertorie chaque parcelle, le nom du propriétaire et l’étendue du bien

 ** Un second registre appelé « livre d’estime » qui donne le degré de « bonté » (c’est à dire la productivité) de chaque terrain.

Le tout est  envoyé à Chambéry. Des « calculateurs » sont alors  chargés de fixer pour chaque parcelle la valeur foncière et le montant de l’imposition. 

De ces deux registres on rédige la « tabelle préparatoire » qui est alors  mise en consultation dans chaque commune afin que chacun puisse faire état de  ses réclamations. Les habitants disposent d’une quinzaine de jours pour contrôler plan et registres. Réclamations inscrites dans un registre appelé «  cotes à griefs »

Puis tout retourne encore une fois à Chambéry  ou l’on établit la synthèse de toutes les informations rassemblées  dans un ouvrage final la tabelle.

 

                                                                         Exemple d’une page de tabelle


Ces tabelles  sont des registres où se  trouve le nom des propriétaires par ordre alphabétique, et 
leur condition (noble, ecclésiastique, bourgeois, laboureur…),

Le numéro de la parcelle,

La nature de cette parcelle (champ, maison, alpages, murger..),

Le nom du lieu dit,

Le degré de bonté chiffré de 0 à 3 (de bonne terres à mauvaises), 

La superficie,

Les frais de culture (déduits  des revenus),

Son estimation et sa taille (pour l’impôt).

Dans chaque commune est alors établi un cahier de mutation donnant les informations des changements de propriétaires, de propriétés, de valeurs, Le cadastre se heurte bientôt  à la difficulté de suivre les mutations foncières malgré le travail de fourmi réalisé par les secrétaires de mairie.

 Il n’est reste pas moins que la mappe donne une vue géographique très précise des parcelles et des confins. Elle resta jusqu’en 1852 le seul instrument de référence pour les limites de parcelles.

Il existait une mappe pour Chambéry, une mappe pour Turin et une mappe pour le village concerné

La mappe de Chamonix, restaurée récemment par les archives départementales, est exceptionnelle par sa taille puisque mesure 12 mètres de long. Elle n’est montrée que très rarement car, pour la voir, il faudrait la dérouler sur toute sa longueur, hors (malgré la restauration) celle-ci reste bien fragile.

A savoir que la mappe de la vallée de Chamonix est la plus grande de toutes les mappes réalisées.

Elle  est cependant visible sur le site des archives départementales    sous sa forme numérisée . Tout en sachant que la multitude des vignettes  (156) rend bien difficile l’identification d’un hameau ou d’une propriété particulière.

La marie de Chamonix possède quelques extraits dont certains ont été restaurés.

Pour la petite histoire, lors des mesures par les géomètres des montagnes et glaciers, les chamoniards craignant d’avoir à payer un impôt trop élevé personne (ni le clergé, ni la bourgeoisie ni les alpagistes ni les paysans) ne  voulait être propriétaires de ces « monts affreux »,  sous prétexte  que ceux-ci appartenaient  forcément aux habitants de Courmayeur  

Sources : L’ancien cadastre de Savoie. Max Bruchet. Archives de la Haute Savoie.

Sites : http://www.sabaudia.org

           http://www.savoie-archives.fr

 

Histoire et patrimoine de la Vallée de Chamonix

Christine Boymond Lasserre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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