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Sur la commune des Houches une statue monumentale : le Christ Roi
A 1265 m d’altitude, on la distingue à peine dans le paysage, perdue qu’elle est dans l’immensité de la montagne. Il faut être à son pied pour prendre la mesure de cette statue monumentale. Elle mesure 25 mètres de haut, pèse 500 tonnes. Imposante, campée sur un éperon rocheux de 50m, elle domine de 200 m le fond de la vallée face au Mont-Blanc.
Mais quelle est donc l’histoire de cette statue inaugurée en août 1934? Pourquoi à cet endroit dans la vallée de Chamonix une statue du Christ Roi ?
C’est un abbé, l’abbé Claude Marie Delassiat, curé des Houches en 1926, qui rêve de rendre hommage au pape Pie XI mieux connu, dans la vallée, sous le nom d’Achille Ratti. Il avait gravi le Mont Blanc côté italien en 1890, il avait logé aux Houches. Devenu pape, il avait proclamé, dans une encyclique, la royauté universelle du Christ c’est-à-dire la primauté du Christ Roi sur l’homme alors que monte en Europe la vague des dictatures. Cette statue veut symboliser l’amour et la paix entre les hommes. Projet soutenu non seulement par l’évêque, le Vatican et les instances politiques mais aussi par les habitants de la vallée. Désir de paix de la part de l’église ? volonté de domination par la foi ? Les années 1930 sont troubles, elles annoncent un chaos que nul ne peut imaginer.L’Eglise cherche à prévaloir sa volonté sur l’esprit laïc dominant de l’époque.
L’abbé lance une souscription. En 3 ans il récolte la somme nécessaire pour la réalisation de son projet.
On fait appel à un sculpteur parisien, George Serraz , spécialiste de l’art religieux. L’architecte Viggo Féveile, installé à Chamonix, supervise l’ensemble des travaux. Ce sera donc une statue monumentale en béton, matériau devenu à la mode depuis l’après guerre. On imagine les difficultés rencontrées pour la réalisation des travaux dans ce lieu qui n’était desservi par aucune route carrossable. La base de la statue sera composée de blocs de béton coupés en tranches, puis assemblées sur place. Le buste, les bras, la tête sont réalisés tout d’abord en terre. De ces réalisations on en ferra des moules en plâtre. Le béton sera alors coulé dans ces moules. Quelques détails seront travaillés directement sur le béton frais.
Le socle de ce monument abrite une chapelle avec deux autels où deux prêtres pouvaient officier en même temps. Elle et est décorée de diverses statues dont un buste du pape Pie XI et d’une statue de « Marie reine du monde ». Un escalier tournant de 84 marches à l’intérieur permet d’accéder à une plateforme dissimulée derrière la couronne. On dit même qu’un passage existe le long du bras qui bénit !
Cette statue est non seulement typique de l’art religieux de l‘époque dans un contexte international de gigantisme mais elle est par ailleurs une émanation explicite de l’Art Décoratif. Cette expression artistique de l’entre deux guerre se révèle ici dans cette statue monumentale. L’ « art déco » est l’art du modernisme. Tout d’abord on utilise les nouveaux matériaux, ici ce sera le béton. Puis « l’art déco » est l’art de la géométrie, de la symétrie, en rupture avec « l’art nouveau » qui est l’art des circonvolutions. La statue du Christ Roi est représentative de cette vision moderne.
Grâce aux drones on peut aujourd’hui mieux apprécier cette statue emblématique quelque fois moquée pour sa silhouette massive.
Son intérêt historique mérite qu’on l’apprécie.
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Autres statues monumentales de Christ Roi :
Brésil à Rio : statue de 25m de haut sur un piédestal de 85m – 1931
Portugal à Almada Lisbonne : 28m de haut sur un portique de 82m – 1949-
Suisse dans le Valais à Lens: statue de 15m su socle de 15m – 1935
Pologne à Świebodzin : statue de 33 m de haut – 2010
Bibliographie :
Gilbert Gardes Histoire monumentale des deux Savoies
Revue de l’illustration 1934
Yves Borrel : document écrit pour la commune des Houches
Paul Guichonnet : Encyclopédie savoyarde
Histoire et patrimoine de la Vallée de Chamonix
Christine Boymond Lasserre
Un des plus charmants hôtels de notre vallée : l’Hôtel de la Prairie au village des Bois
Il évoque une petite maison du bonheur, une exception dans cette vallée où profit jongle avec urbanisation. On est sous le charme de cet hôtel construit au cœur des champs face au Mon Blanc. On admire sa façade ancienne et traditionnelle, on aime sa tonnelle luxuriante et ses nappes à carreaux… Ici on ressent ce sentiment d’un passé suranné qu’évoque ce lieu hors du temps.
Henri Claret Tournier construit entre 1900 et 1905 un petit hôtel sur une jolie parcelle de terre appelée « les Carrés », dont il a hérité tandis que son frère recevait la ferme familiale proche. Les habitants du village participent à la construction, les graniteurs de la carrière voisine réalisent tous les encadrements en granit des fenêtres et portes de l’hôtel.
Henri avait compris que la poussière et l’agitation du centre de Chamonix pouvaient faire fuir des clients qui seraient alors à la recherche d’un lieu verdoyant et tranquille. Pari gagné. L’hôtel n’ouvrira que l’été, mais ne désemplira pas de saison en saison d’été.
C’est bien chez Henri que les clients citadins viendront se reposer et profiter du calme absolu de ce village authentique. A l’arrière de la maison, selon la tradition, il y eut longtemps une écurie qui permettait ainsi de fournir la clientèle en lait frais. De même un potager jouxtait l’hôtel. Du bio avant l’heure…
Henri était guide. Il sera guide chef en 1920, et aussi conseiller municipal pour la commune de Chamonix. Avec ses clients qui logeaient chez lui il parcourra la montagne, les emmenant partout dans le massif. Il ira, entre autres, 99 fois au sommet du Mont Blanc, le plus souvent avec eux. Belle performance !
Henri avait pour épouse Aline, une Charlet venue d’Argentière. C’est elle qui tiendra l’hôtel lorsque son mari de guide partait en montagne. C’est elle qui saura recevoir cette clientèle citadine. L’hôtel ne désemplissait pas de tout l’été. La clientèle anglaise prenait plaisir à passer un mois ou deux ici au village des Bois, loin des fumées londoniennes.
Le livre d’or est de ces années là est un vrai plaisir à lire. Nombreux sont les annotations, les poèmes sur l’extrême gentillesse des propriétaires de l’hôtel.
Perlina, la fille adorée d’Henri , prendra la succession. D’une main de maître elle tiendra l’hôtel jusque dans les années 1950. C’est à cette époque que Jean Louis Barrault et Madeleine Renaud résideront à la chambre n°16 face au Mont Blanc, dans cette pension au cachet si rare .Ce petit hôtel se transforme doucement. Il était difficile pour les héritiers de moderniser un hôtel datant des années 1900. Cependant, contrairement à beaucoup d’autres hôtels de la vallée qui changeront de mains, il restera la propriété de la famille. En 1950 Jean et Louisette font de cet hôtel une pension de famille chaleureuse et appréciée de tous, connue entre autre pour son excellente cuisine .On gardera jusqu’en 1990 la veille tradition chamoniarde d’appeler les clients pour les repas à l’aide d’une cloche… C’est dire à quel point cet hôtel était apprécié à sa juste valeur pour l’authenticité de ses habitudes.
De nos jours il est tenu par Geneviève, la petite fille de Perlina. Elle entretient avec bonheur la tradition familiale, elle modernise peu à peu les lieux, leur conservant ce charme d’une autre époque.
On ne peut que souhaiter que cet hôtel, à l’attrait si indéfinissable, puisse rester encore longtemps au milieu des prés méritant son nom de « la Prairie ».
On lui souhait longue vie…
Sources : archives de la famille Claret Tournier
Histoire et patrimoine de la vallée de Chamonix
Christine Boymond Lasserre
La rue de l’église Aujourd’hui – Hier (en image)
A gauche on distingue très bien le magasin musée « Au Cristal de Roche » construit par Venance Payot ancien guide, ancien maire de Chamonix, éditeur, collectionneur scientifique passionné .
Le magasin fut détruit et remplacé par la banque Payot édifiée en 1930 par Paul Payot, neveu de Venance Payot
A l’arrière un bâtiment, second hôtel du « Mont Blanc » construit en 1857, détruit pour être remplacé par le bâtiment Kursaal (actuellement le bar Cheval rouge et boulangerie).
Ici était le carrefour , le lieu de rencontre entre les guides chamoniards et leurs clients venus des divers hôtels.
A droite on voit très bien l’hôtel le Terminus et l’ancien relais des diligences devenu pharmacie , un peu plus loin se trouvait le bureau des guides (emplacement actuel du magasin hightech) et un peu plus loin encore on reconnaît l’hôtel Impérial devenu hôtel de ville en 1907.
Histoire et Patrimoine de la Vallée de Chamonix
Christine Boymond Lasserre
La tourne de l’église de Vallorcine
La vision de l’église de Vallorcine protégée par sa tourne est saisissante.Elle est seule face à l’adversité, face aux avalanches, et on éprouve de la crainte pour elle. Depuis toujours, elle est édifiée à cet emplacement et depuis toujours elle est protégée par une tourne…
Une tourne, turne en patois vallorcin est une digue en forme d’étrave dressée en amont d’un bâtiment pour le protéger. Si à Chamonix on parle d’une tourne, attention à Vallorcine on parle d’une turne.
En 1272 ici fut construite une église, détruite 16 ans plus tard, probablement par une avalanche. Puis reconstruite dans la foulée et inaugurée le 8 juin 1288. On sait peu de choses de cette église médiévale sinon qu’elle était protégée par une tourne en bois.
Le 1er mars 1594 la nef et une maison furent détruites par une avalanche.
Le 5 mars 1674 le hameau du Siseray proche, situé à environ 300m fut totalement enseveli.
Le 20 février 1720 la chapelle dans la tourne fut soufflée, le cimetière autour de l’église endommagé.
La turne n’était pas assez haute pour protéger l’ensemble.
Sur la mappe sarde de 1733 on distingue clairement l’église protégée par sa tourne. Cette église ancienne est dans le sens ouest -est (donc contraire à l’église actuelle) et dans les bras de la tourne on distingue clairement une chapelle la chapelle de la confrérie du saint Esprit .
L’église étant devenue vétuste, les Vallorcins désirèrent la reconstruire. Que de palabres entre eux ! Et oui… Ceux du haut de la vallée souhaitaient une église plus sécurisée et plus proche de leurs lieux d’habitations, et ceux du bas voulaient la maintenir au même endroit. C’est le curé, le curé Cruz, qui parvint finalement à convaincre ses paroissiens de maintenir l’église dans son lieu d’origine.
Mais avant tout, on se devait de reconstruite la « turne ».
On la voulait bien , plus résistante, plus forte, plus large que la précédente.. Un projet titanesque pour l’époque !
Les travaux furent engagés en 1720. Il fallut deux ans aux Vallorcins et une volonté d’airain pour l’édifier. Ils donnèrent 4500 journées de travail pour la construire. Durant l’été, les bonnes pierres étaient repérées dans les éboulis, pierres que l’on faisait glisser sur la neige en fin d’hiver. Le sable nécessaire était porté le soir après les travaux des champs. La chaux, indispensable pour lier l’ensemble provenait d’un four situé aux Jeurs (en Suisse), elle fut acheminée en un jour au moyen de hottes.
Mais quel travail ! Quelle volonté ! Quelle réalisation !
Cette tourne se montra efficace car en 1803 l’avalanche évita l’église alors qu’elle s’étendit dans toute la pente environnante.
En 1843 l’avalanche détruisit le haut du clocher et endommagea le presbytère, le chœur et la nef furent épargnés. La turne a joué son rôle ! On la renforça en 1863, puis en 1954. Désormais on l’entretient avec beaucoup d’attention. Encore en 1999 elle protégera l’église de l’énorme avalanche descendue jusque dans le lit de l’Eau Noire, la rivière de fond de vallée.
Cette turne est impressionnante.
Actuellement la tourne d’origine de 1721 est à l’intérieur de la turne actuelle .Haute de 3m et large de 5m.
Les murs ont été renforcés en 1863 par un mur supplémentaire de 3m de haut pour renforcer la turne d’origine.
Ce qui lui donne en côté ouest une hauteur de 5m au niveau de l’église.
La construction est en pierres sèches, sans liant.
Compte tenu de leur taille et de la précision de l’ouvrage, c’est un travail colossal ….On ne peut qu’être admiratif !
Elle jouera encore son rôle lors du déclenchement de l’avalanche de 1999.
Bibliographie
Germaine Lévi-Pinard : Vallorcine au 18ème siècle .
Françoise et Charles Gardelle : Vallorcine-
E v’lya : la revue n° 4 du musée vallorcin
Jean Yves Mariotte : Henri Baud – Alain Guerrier : Histoire des communes savoyardes.
Histoire et patrimoine de la Vallée de Chamonix
Un patrimoine méconnu mais menacé : les anciennes mines de la vallée de Chamonix
Article réalisé avec l’aide de Stéphane Briand
Lors de balades il nous arrive de découvrir des apparences de grottes débouchant sur des galeries. Elles sont nombreuses dans la vallée. Sous leur mystère, elles nous racontent un passé un peu oublié. Certaines de ces galeries sont d’anciennes mines, d’autres sont simplement des ouvertures exploratoires.
Quels minerais trouvait-on donc dans notre vallée?
De nombreux types de minerais ont été exploités, tels ceux
contenant du cuivre, du plomb ou de l’argent. Ces métaux ne sont pas trouvés à l’état pur mais font souvent partie d’un filon dit « polymétallique », c’est-à-dire qui contenait plusieurs métaux dont l’extraction est très complexe.
Servoz hérite d’une histoire minière riche. Au 15ème siècle, un document atteste d’un contrat signé entre le prieur de Chamonix et un exploitant pour des mines d’or, d’argent, de plomb de cuivre et autre minéraux. Mais c’est avant tout au 18ème siècle que l’on retrouve des contrats souscrits avec des maîtres mineurs. Peu de temps avant la période révolutionnaire, les chanoines signent et accordent l’édification d’un complexe abritant la maison du directeur, les logements des ouvriers, les dépôts de bois, etc… Une importante société est créée… Des directeurs sont nommés, on exploite dans toute la zone de Pormenaz à Coupeau. Mais la révolution sonnera le glas de cette exploitation.
Jamais Servoz ne retrouvera une activité minière très active.
Cependant des gisements un peu partout dans la vallée continueront d’être exploités durant encore une grande partie du 19ème siècle. Des techniques plus modernes pouvaient laisser espérer un travail plus facile.
Ainsi de 1873 à 1925 des mines d’anthracite ont été ouvertes ou 50 à 60 personnes travaillaient tirant de ces mines 2 wagons de 10 tonnes par jour ! Il y a eu 7 galeries.
N’oublions pas non plus les ardoisières très nombreuses dans toute la vallée.
Mais ce qui m’intéressait, c’était de comprendre comment travaillaient ces mineurs dans ces galeries sombres.
Aussi ai-je demandé à Stéphane de m’emmener visiter une galerie, je ne vous dirai pas où, ces vestiges doivent rester confidentiels. Stéphane est un passionné, il explore depuis sa plus tendre enfance toutes ces mines… Je crois bien qu’il les connaît toutes …
C’est fascinant et passionnant de pénétrer dans ces boyaux, car hormis le fait que l’on y trouve des minerais différents, ces mines racontent une histoire d’hommes.
Étroites, creusées à la main dans une roche particulièrement compacte, sur une bonne centaine de mètres, elles sont impressionnantes. Elles montent, puis descendent, à la poursuite d’un filon repéré par les mineurs. Certaines de ces mines sont encore étayées de madriers de bois. Dans l’obscurité totale, les mineurs déposaient leurs lampes à huile sur de petits rebords. Ils parvenaient ainsi à discerner les filons qu’ils recherchaient. Ils devaient en extraire le minerai intéressant, c’est-à-dire creuser, tailler dans la roche dure, extraire des blocs et ensuite les transporter (on imagine le poids !) à l’extérieur. De là, ils étaient emmenés à l’exploitation pour qu’il soit triés, concassés et réduits en poudre.
Dans les mines de Servoz l’ouvrier travaillait de 6 h du matin à 18h. Payés soit à la journée, soit au mètre d’avancement. Souvent les mineurs œuvraient à deux et on déduisait de leur salaire le prix des fournitures (poudre huile pour lampes etc).
Quel travail !
Aussi avons-nous un devoir de respecter et de protéger ces mines qui ont une valeur patrimoniale certaine. Elles sont le témoignage du dur labeur de mineurs qui ont œuvré au cours des 18ème et 19ème siècles.
Malheureusement, certaines sont aujourd’hui dégradées, voire pillées. Beaucoup peuvent y pénétrer impunément et sont responsables des détériorations.
Quel intérêt y trouvent ces intrus? Ils n’y trouveront ni or, ni argent, ni cristaux… Rien qui puisse les enrichir!
N’oublions pas que ces petits trésors sont protégés par la loi. Ces dégradations peuvent relever du code pénal…
En savoir plus livret :
Mines et ardoisières de Servoz de
l’Association Histoire et Traditions de Servoz
Deux très bon sites WEB
Site WEB géologie : http://www.geologie-montblanc.fr
Site WEB minéralogie http://www.mineralogie-chamonix.orgineralogie-chamonix.org/
Merci à Stéphane Briand pour son aide.
Histoire et patrimoine de la Vallée de Chamonix
Christine Boymond Lasserre