
Pierre Martel – 1744 – « Veüe de la vallée de Chamonix et des glacières ». « Divers animaux qui habitent en montagne ». Gravure à l’eau forte – Collection privée
Chamonix n’a jamais été une vallée ignorée.
Depuis le tout début du Moyen Age elle voit passer du monde : des marchands, des prêtres, des collecteurs d’impôts, des diacres, des juges etc… De même, le chamoniard a l’habitude de circuler hors de sa vallée. Nombreux sont les documents relatifs à la vie du ,En 1580, un archidiacre Bernard Combet décrit d’une manière précise les glaciers de la vallée. Nicolas de Crans, commissaire de la chambre des comptes de Savoie, se rend à Chamonix en 1601 puis en 1616 et évoque les glaciers et la destruction des villages de Bonnenay et Châtelard. En 1606, lors d’un voyage pastoral, l’évêque François de Sales évoque ces « monts affreux » qui l’impressionnent particulièrement. Puis viendront tout au long du 17ème ses successeurs pour exorciser ces montagnes de glace. En 1626 accompagnant l’atlas de Mercator, on trouve cette allusion au sommet des Alpes , « …la plus haute montagne du pays est la « glaciale » appelée maudite par les habitants à cause des neiges perpétuelles dont se forme le cristal ». De même en 1669 Chamonix est mentionné par René le Pays .
Et finalement en 1730 sera cartographiée avec précision toute la vallée de Chamonix, sur un cadastre instructif mais dont seront exclus montagnes et glaciers.
Mais en juin 1741, pour la première fois, deux voyageurs viennent pour contempler, pour observer cette montagne maudite que l’on voit de Genève. Messieurs William Windham et Robert Pocoke, gentlemen anglais, sont les premiers visiteurs qui désirent voir ces montagnes maudites. C’est totalement nouveau.
L’un d’eux, William Windham, relate son voyage dans un récit manuscrit qui circulera dans la haute sphère bourgeoise de Suisse. Il évoque le Montenvers et ce glacier des Bois qui l’impressionne, il le compare à un lac gelé. Il ne fait cependant aucune allusion au Mont Blanc.
L’année suivante, en 1742, Mr Pierre Guillaume Martel (ingénieur – mathématicien savant), après un échange de courriers avec Mr Windham, décide de se rendre en ce lieu si étonnant. Ce sera au mois d’août. Il vient avec quelques amis, apportant avec lui baromètres et instruments de mesure. Il monte découvrir le Montenvert et la « vallée de glace ». Il mesure les hauteurs diverses des lieux où il se rend, il évoque avec minutie « les glacières et leurs fentes ».
Pour la première fois dans l’histoire des Alpes il donne le nom de Mont Blanc à la sommité la plus élevée. Il comprend que cette pointe « mousse « (mot pour dire arrondi) est le point culminant malgré les apparences.
La montagne maudite est donc baptisée « MONT BLANC » en ce mois d’août 1742 ! Jusqu’à ce jour, aucun sommet du massif n’avait été nommé. L’ensemble s’appelait « les glacières » ou « la montagne maudite ».
En 1743, la relation de ce voyage est publiée dans le Journal Helvétique de Neufchâtel, puis l’année suivante en 1744 à Londres sous forme de livret le texte de Mr Widham et le récit de Pierre Martel sont édités dans une brochure intitulée « An account of the glacières or Ice in Savoy ».
Dans celle-ci se trouvent deux planches, gravées à l’eau forte, représentant les glacières de Chamonix. C’est la première représentation du Mont Blanc et du village de Chamonix ! Mont Blanc qui d’ailleurs apparaît plutôt comme une aiguille rocheuse !
De même sur ce document figure un vue intitulée « view of ice valley, and mountains that surround it, from Mont Anver » . Elle est signée Robert Price, il ne s’était pas rendu dans la vallée mais il avait réalisé ce dessin d’après les descriptions que lui avaient faites Mr William Windham.