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Mois : juin 2014

Les 750 ans de Vallorcine

Cette année, Vallorcine commémore les 750 ans de son entrée dans l’histoire de la vallée de Chamonix

« Nous frère (Richard), prieur du prieuré de Chamonix , du diocèse de Genève, à tous ceux qui liront le présent texte, faisons savoir que sciemment et de plein gré, sans y avoir été conduit par quelque ruse ou crainte, mais assuré de droit et de fait, nous avons donné et concédé, en notre nom et au nom de nos successeurs, à titre d’albergement perpétuel, aux Teutoniques de la vallée des ours et à leurs héritiers, la moitié de la vallée des ours susdite.
« Cette vallée est délimitée d’un côté par l’eau appelée Barberine , d’un autre par la montagne appelée Salenton , d’un autre par le lieu où naît l’eau appelée Noire jusqu’à la limite qui sépare le territoire de Martigny et le territoire de l’église de Chamonix .
« De même, nous signifions que les hommes susdits nommés Teutoniques, et leurs héritiers demeurant au même endroit, soient les hommes liges du susdit prieuré de Chamonix et soient tenus d’acquitter annuellement à la fête de saint Michel archange huit deniers de service et à la Toussaint chaque année quatre livres de cens au prieur de Chamonix du moment, sommes à verser et à acquitter intégralement.
« Et si quelqu’un des susdits Teutoniques veut se déplacer en un autre lieu, nous faisons savoir qu’il pourra emporter ses biens meubles avec lui librement et absolument, ainsi que vendre ses propriétés, le droit du domaine de Chamonix étant sauvegardé, mais à des hommes liges du dit prieuré et non à d’autres.
« D’autre part, ils pourront demeurer en paix et libres de menées , de visites et de corvées et, dans le respect des autres usages, droits et coutumes de l’église ou du prieuré de Chamonix, ils doivent obéir au prieur du dit lieu et sont tenus de répondre en tous points, dans le respect des droits de propriété et de seigneurie du dit prieuré conformément à ce qui est en usage et jouissance chez les autres hommes de Chamonix. En foi de quoi nous, prieur susdit, avons apporté notre sceau pour qu’on l’appose sur la présente page.
« Fait au cloître de Chamonix, l’année du seigneur 1264, le deuxième des ides de mai
« 

Ce document est riche de détails. Nous apprenons ainsi que la vallée de Vallorcine est appelée déjà « la vallée des ours », que celle-ci est confiée à une population dénommée les « teutoniques ». On y retrouve également la délimitation assez précise du territoire concerné. Par ailleurs, ces teutoniques resteront libres, c’est-à-dire que le prieuré de Chamonix leur reconnait le statut enviable de propriétaires des lieux.
Mais qui sont donc ces « teutoniques », pourquoi cette appellation ? Ont-ils été appelés ainsi par les prieurs de Chamonix ? Occupaient-ils déjà les lieux ? A-t-on simplement régularisé une situation nouvelle?
C’est difficile de le dire avec précision.
Actuellement, les chercheurs estiment que cette population serait probablement constituée de colons venus du haut Valais appelés les Walser. Ceux-ci, issus d’une population plus ancienne originaire de tribus germaniques arrivant du nord de l’Europe, auraient colonisé peu à peu les hautes vallées des Alpes, profitant d’une période climatique plus clémente pour le passage des cols alpins.

Qui sont les Walser :

source : Dominique Ancey . Association Valors’na

La migration Walser s’est effectuée par la colonisation de hautes terres d’altitude (près des cols) sous l’entreprise des monastères
De cette culture, peu d’éléments précis dans la vallée de Vallorcine permettent d’en affirmer l’implantation formelle. Cependant, quelques éléments d’architecture encore visibles dans le paysage vallorcin tels les regats ou raccards (commun à des vallées suisses et italiennes de culture Walser) sont peut être bien le témoignage de l’installation de ces « teutoniques » dans la vallée des ours.

1264-2014 Vallorcine a célèbré le 750e anniversaire de la charte d’albergement octroyée par Richard prieur de Chamonix aux Teutonici de Valloursine et à leurs héritiers à perpétuité.
La migration à travers les Alpes et la colonisation de ces terres d’altitude par les Walser est un fait unique par son amplitude et sa durée. Ces paysans défricheurs provenant de Souabe puis du Haut Valais ont été appelés par les pouvoirs ecclésiastiques et seigneuriaux. Les actes témoignant de cet appel sont les chartes d’albergement, en allemand Erblehenbriefe. Ils se sont installés dans le haut des vallées près des cols ce qui était stratégique au moment où le trafic de transit se développait. Là où ils se sont implantés, il s’est avéré que ce sont les territoires les plus soumis aux aléas tels que les glissements de terrains, avalanches etc. Au XIIIe siècle, l’émigration s’est d’abord produite vers l’ouest dont Vallorcine puis sur le versant méridional par les cols du Théodule et de Gries, ils ont fondé des colonies dans les vallées en étoile autour du Mont Rose ( dénommées la garde allemande par De Saussure): Macugnaga, le Val Sésia, Gressoney, le val d’Ayas. de Formazza à Bosco-Gurin et par les cols de la Furka et l’Oberalp ils ont essaimé les Grisons où ils se sont fortement implantés par touches. La fin de la diaspora se situe au XVe siècle, au moment du petit âge glaciaire, dans le Haut Prättigau et les deux Walsertal. Walser, contraction de Walliser (valaisan), est le terme utilisé pour les distinguer des autres populations alémaniques.
Max Waibel, spécialiste suisse des études Walser, décrit ainsi Vallorcine dans son ouvrage, « En chemin vers les Walser »

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