Du temps ou la vallée avait une activité essentiellement agro pastorale les villages étaient délimités et regroupés afin de conserver au maximum les terrains de culture. Ceux-ci étaient précieux. Aussi afin d’éviter que les vaches ou les chèvres divaguent et saccagent les champs on dressait des clôtures autour des terrains. Dans la vallée ces barrières étaient diverses et variées. Les plus originales étaient les « gires » ces pierres hautes et pesantes dressées le long des chemins ce qui permettait de canaliser les troupeaux. Mais on trouvait également des petites colonnes de bois de granit entre lesquels étaient suspendues des perches de bois, ou encore entre lesquelles on disposait des palines dont on pouvait facilement changer les segments endommagés.
Que sont elles donc devenues ?
Peu subsistent. A part Vallorcine et Servoz ou l’on maintient l’ouverture vers l’extérieur comme au temps de nos anciens la plupart de ces clôtures ont disparues.
Dommage.
Les haies de thuyas « le béton vert » de la vallée, ont définitivement clos les espaces privés et nos traditionnelles clôtures disparaissent peu à peu de nos paysages.
Bien caché, accessible uniquement à pied, ce petit hameau de la Poya est plein de charme. Ses habitants ont trouvé là un lieu de tranquillité où ils ont délibérément choisi de vivre isolés. La Poya abrite une dizaine de maisons, plutôt petites et regroupées les unes contre les autres. Ici la voiture ne peut accéder que pour des raisons impérieuses mais elle doit repartir immédiatement. Elle n’a pas de raison de stationner dans ce milieu préservé.
Mais qu’était-il donc avant que la vie moderne s’en empare ?
Ces maisons trapues n’étaient pas des maisons d’habitation, mais de petites écuries de printemps. L’usage de ces écuries a varié avec le temps. L’hiver, entièrement recouvert par la neige, le hameau était inoccupé. C’était un « mayen » (terme venant du Valais) désignant des écuries construites un peu plus haut dans les pentes et utilisées au mois de mai après les longs mois d’hiver. Ici, pendant quelques jours, à la remue, puis, ensuite, à la descente d’alpage, les bêtes pouvaient trouver l’herbe nécessaire à leur nourriture.
A la Poya, ce sont des chèvres qui occupaient essentiellement les pâtures, qui d’ailleurs s’étendaient jusque dans le vallon de Bérard ! Regroupées en troupeau collectif, la gestion en devint communautaire. Ces écuries étaient équipées parfois d’une chambre où pouvait dormir un membre de la famille. La commune de Vallorcine impose alors la présence d’un chevrier engagé pour la saison, mais ce pouvait être aussi un petit vallorcin qui se voyait là confier une charge bien lourde! On embauche ainsi de jeunes enfants parfois de moins de 10 ans ! Ces chevriers devaient être nourris par les propriétaires de chèvres. Et celui qui avait la charge du chevrier devait alors l’aider à sortir les chèvres. D’ailleurs, après la période de la scolarité obligatoire en 1881, ce sont des jeunes valaisans qui seront embauchés, les enfants vallorcins ayant l’école obligatoire jusqu’au 14 juillet ! Au début, matin et soir, chaque famille venait traire ses bêtes et ramenait le lait à la maison où était fabriqué le fromage.
En 1893, pour aider les paysans, est créée une société laitière et l’on construisit en haut du village une laiterie « tournaire » ouverte à tous. Il a fallu alors s’organiser. Chacun allait traire ses chèvres et portait à la laiterie son lait qui était mesuré dans un bidon de 10 litres. Bidon muni d’un voyant transparent sur le côté gradué par hectolitre. Le nombre de litres de lait de chacun était inscrit sur un livre de comptes. Par ailleurs, chaque propriétaire, en fonction du nombre de chèvres qu’il possédait, était inscrit à un tour de rôle. En fonction de ce tour de rôle chaque sociétaire fabriquait chacun à son tour les fromages de la traite générale du jour. Et les fromages étaient répartis au prorata des litres de lait que donnait chaque traite.
Aujourd’hui, ce hameau bien préservé, fait l’objet de soins attentifs de la part de ses habitants locaux ou secondaires , dont deux y vivent à l’année .
Passant, souviens toi de ces vallorcins et de ces jeunes chevriers qui menaient là une vie bien rude !
Sources : Vallorcine de Françoise et Charles Gardelle, Revue du musée vallorcin Evlya numéro 7, Vallorcine autrefois de Nathalie Devillaz, article du Dauphiné Libéré de Nathalie Devillaz