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Étiquette : alpinisme

Petite histoire du refuge du Couvercle

GUIDO REY  (alpiniste, écrivain italien):

 » LE COUVERCLE EST SITUE DANS LE LIEU LE PLUS ADMIRABLE DU MONDE

Fin XIXe, les alpinistes se rendant aux pieds des montagnes mythiques situées au-dessus de la Mer de Glace avaient pour habitude de s’abriter sous une grosse pierre, où avait été  édifié une simple cabane  dite la « cabane de Pierre à Béranger » située sur la rive gauche du glacier de Talèfre. Modeste cabane en bois construite en 1867 adossée à un énorme bloc à 2466m.

Celle-ci est détruite en 1903 . Elle est remplacée en 1904 par une une autre cabane prévue pour 12 personnes et  située plus en amont à 2698m sur la rive droite du glacier de Talèfre . Elle est inaugurée le 7 août 1904. C’est monsieur Lucien Tignol, délégué du C.A.F de la section de Chamonix, remplaçant le docteur Payot empêché, qui préside la petite fête d’inauguration. La cabane s’appellera désormais cabane du Couvercle car édifiée à l’abri de cette immense pierre de 20mètres de long. Agrandie en 1911 la cabane peut accueillir une trentaine de personnes avec un dortoir, un réfectoire et une chambre pour un gardien. Le dernier gardien a été le célèbre guide Joseph Ravanel, dit le Rouge, auteur de nombreuses premières décédé dans l’automne 1931.

Dès 1929, en raison d’une fréquentation de plus en plus importante, la commission des travaux en montagne du C.A.F décide la construction d’un grand refuge à 80 mètres de l’existant.

Grâce à la donation de Mr F.  Lung, les travaux commencent en 1931 sous les ordres de Mr Bernadet. (Président de la section de Chamonix du C.A.F). Le bâtiment en granit mesure 11 m 40 par 8 m 15 pour 8 m 80 de hauteur au faîtage, deux grandes terrasses l’entourent. Sa capacité d’accueil est de 106 personnes réparties en deux dortoirs et un réfectoire de 80 places. Les dortoirs sont par la suite cloisonnés en cinq dortoirs indépendants. L’intérieur est en lambris de bois et parquet de chêne. En ces années le monde montagnard est encore un  milieu religieux et le lundi 29 août 1932 a lieu l’inauguration devant plus de 500 personnes. Une messe solennelle est célébrée et chantée par la chorale de Chamonix. Le chanoine Rhuin lit un télégramme de S.S. Pie XI, puis le pasteur Dartigue célèbre un office protestant.  De nombreux discours sont prononcés dont  celui de Mr Alfred Tairraz, premier adjoint de Chamonix. Durant le déjeuner, pendant que la chorale chante, le capitaine Thoret, avec son avion plane longuement au-dessus de l’assistance.

20 ans après, un nouveau projet est de nouveau mis sur pied et terminé en début de l’été 1952. Il est le plus important et le plus moderne de France pour l’époque, pouvant accueillir jusqu’à 200 personnes. On aménage 7 dortoirs. Sur les bases duu précédent refuge, celui-ci est également en granit, une couverture de cuivre rouge sur une solide charpente sert de paratonnerre et de mise à la terre. L’inauguration a lieu le dimanche 10 août 1952 en présence de Mr Masson secrétaire d’état. A 10 heures, une messe est célébrée sous un magnifique soleil malgré l’énorme orage de la veille.

Chacun à Chamonix se souvient du gardien du refuge Ulysse Borgeat (et de sa sœur Gilberte Maerten) qui, avec sa gentillesse légendaire, est resté 16 ans aux commandes du refuge.

Depuis quelques temps, le site est moins fréquenté, mais il reste un objectif important pour de nombreux alpinistes car le refuge reste un point de départ idéal pour accéder aux sommets mythiques du massif: l’aiguille Verte, le   Moine, les Droites, la pointe Isabella, etc…

Le refuge étant devenu un peu surdimensionné, il a donc été décidé de le rénover. Sa capacité est divisée  par deux. Au lieu des 128 couchages, celui-ci n’en abrite plus que 64. La rénovation s’est faite dans l’optique de préserver l’héritage architectural, le confort des occupants et l’environnement exceptionnel de ce site classé du Mont-Blanc, en respectant les volumes existants et la forme d’origine.

Il est inauguré ce 23 juillet 2022. 

LISTE DES GARDIENS

1911 / 1925 François Couttet dit François à la comtesse, remplacé par Léon Claret Tournier qui restera en place jusqu’en 1925
1926 / 1931 Ravanel le Rouge devient le gardien, le dernier dans le vieux refuge.
– 1932 / 1945 Arthur dit Arthur au rouge (fils de Ravanel le rouge) est le premier à garder le nouveau refuge.
– 1946 / 1960 Clément Com aidé par Raymond Claret Tournier C’est eux qui assisteront aux travaux d’agrandissement du refuge au cours des été 1950 et 1951. Puis Alexis Caux à partir de 1950.
– 1961 / 1962, Clément Hugon et Alexis Caux .
– 1963 / 1979 Ulysse Borgeat et Gilberte Maerten (sa sœur)  en deviennent les gardiens.
– 1980 / 1985 Régis Mugnier est le gardien en titre. Il connaît bien le refuge car il a travaillé avec Gilberte et Ulysse.
– 1986 : Pascale et Michel Tavernier à cheval sur le XXème et XXIème siècle.
– 2015 : Christophe Lelièvre, après onze ans à la Charpoua, migre de l’autre côté de l’arête des Ecclésiastiques

 Sources : Mémoire d’Armand Comte guide, cristallier . Archives et photos Association Amis du Vieux Chamonix – Archives CAF – Revues CAF . Refuge du Couvercle.

Une « sportswoman » oubliée de Chamonix : Marie Marvingt

«  Il n’y a pas une femme au monde qui possède un bagage sportif aussi universel que Mlle  Marie Marvingt et je ne voudrais pas garantir qu’il existe un seul représentant du sexe mâle qui en ait un semblable ». Voilà en quelques mots un article de la revue aérienne du 25 décembre 1910 qui parle avec autant d’admiration d’une femme d’exception.

Pionnière de l’aviation, championne de ski, nageuse virtuose, aventurière, héroïne de guerre, tels sont les qualificatifs donnés à Marie Marvingt dans les diverses publications de la Belle Epoque lorsque peu à peu les femmes soutiennent des paris sportifs incroyables.

1899, elle obtient l’équivalent du permis de conduire. 1904, elle participe à la première  course cycliste Nancy Bordeaux. 1906, 1ère française à effectuer les 12kms de la traversée de Paris à la nage. 1908, elle termine le tour complet du Tour de France, malgré le refus de l’administration de sa participation à la course. Elle le fera  jour après jour, avec quelques heures de décalage,  dans la foulée de la vraie course.1909, première femme à traverser la Manche en ballon. 1910,Brevet de pilote. 900 vols en avion avant la première guerre mondiale. Puis elle se fera remarquer par son implication et sa participation en tant que pilote durant la guerre, où elle invente le concept d’aviation sanitaire !

ET A CHAMONIX ?

Elle est proche de la famille Vallot, amie de Madeleine Namur, fille de Joseph Vallot, avec qui elle invente des tenues adaptées pour le ski, le patin à glace et l’alpinisme.

Elle loge dès 1903 à l’hôtel Couttet, car très proche des deux frères Joseph et Jules avec qui elle s’initie au ski avec l’aide de deux  moniteurs norvégiens : Durban Hansen et Nyqwist !

En 1903, elle découvre l’escalade avec Camille Ravanel à l’aiguille de l’M.

1905, elle est la première femme à faire la traversée Grands Charmoz- Grépon avec Edouard et G. Payot, guides chamoniards. Elle échappe de peu à une avalanche de rochers dans le couloir Mummery !

1907, le 5 août avec Joseph Démarchi et Jacques Tissay, elle fait l’aiguille du Moine. Puis le 8 août la traversée col du Passon et col du Tour Noir. Le 9 août le Chardonnet et le 13 août  la dent du Requin !

Quelle santé cette femme ! On la voit à la Dent du Géant où elle prononce ces mots : «  j’ai le mal des hauteurs et n’en veux plus guérir », se fait remarquer en Suisse au Mont Rose, à la Jungfrau, au Wetterhorn …

1908, première ascension féminine du Buet à ski.

1909, troisième à la course féminine de ski mise en place dans la vallée.

1909, première féminine  au col de Balme à skis.

1909, première en luge à Gérardmer.

1910, première en patinage au Ballon d’Alsace.

1910,première femme au Col de Voza à skis.

1910, première au championnat féminin international de bobsleigh ! Première au concours de saut  à Chamonix!

1912, première à la compétition de luge organisée à Chamonix

1924, elle survole en hiver avec Mr Thoret l’ensemble du massif du Mont Blanc, un grand bonheur pour elle. Très amie avec Jean Lavaivre, maire de Chamonix, ils mettent en place les journées de l’aviation qui connaissent beaucoup de succès.

Puis, dans les années 1930, elle invente un ski métallique pour se déplacer sur le sable et parcourt le sud tunisien et le sud Marocain avec ses skis. Elle explore tout le Maghreb avec son avion…  et ses skis.

Ses conférences attirent un grand nombre d’étonnés et de curieux. Elle est prolixe, vivante, amusante.

A l’âge de 85 ans elle passe son diplôme de pilote d’hélicoptère.

Elle décède deux ans après dans un certain dénuement ! Mais dans son pays d’origine, la Lorraine, elle sera honorée par  nombre de places, écoles et terrains d’aviation à son nom.

A Chamonix ? Rien !

Sources : Revues « la vie au grand air », Revue universelle et populaire illustrée, « Aviation Magazine, « Femina », « Revue aérienne », « la montagne », Archives Vallot de l’association des Amis du Vieux Chamonix

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