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A Chamonix en 1898, l’air conditionné avant l’heure ?
Écrit par Christine BOYMOND LASSERRE le . Publié dans L'histoire de Chamonix, Tous les articles du blog. Aucun commentaire sur A Chamonix en 1898, l’air conditionné avant l’heure ?
Dès le XVIIIe siècle Chamonix est fréquenté par des scientifiques à l’époque appelés « naturalistes ». Les premières ascensions vers le Mt Blanc seront, avant tout, réalisées par des hommes désireux d’en connaître la formation géologique, ou de comprendre les questionnements liés à l’altitude, sans parler évidemment de l’intérêt pour les formations glaciaires,etc…
La période de la Belle Époque, avec sa révolution scientifique et technique en Europe, verra un accroissement de fréquentation encore plus important des scientifiques en tous genres. On connaît les plus connus, Pasteur et ses recherches bactériologiques, Janssen et ses études sur l’astronomie, Vallot et sa curiosité pour les glaciers. A la lecture des revues spécialisées de l’époque, on découvre l’incroyable attrait de la vallée pour des scientifiques de tous bords. Nombre de rassemblements y sont organisés régulièrement qui les attirent fréquemment. C’est ainsi que Viollet le Duc, découvrant ce lieu magnifique, imaginera la maison idéale à construire dans ces montagnes au climat rude. Article à consulter sur l’article ci joint.Viollet le Duc à Chamonix. Qui s’en souvient ?
Dans un numéro de la revue « Nature » de 1898, un petit article éveille l’attention. « Nature » est l’une des revues scientifiques les plus anciennes et les plus réputées au monde de l’époque. Elle a été lancée en 1869 avec une vocation d’excellence dans les domaines des sciences et la liste des articles en tous genres est impressionnante.
Parmi ceux-ci, une publication de Max de Nansoutty, ingénieur civil des Arts et Manufactures, évoque la construction à Chamonix d’une maison bien particulière réalisée par Monsieur Caron, architecte, ancien élève de l’École Centrale. Mr Caron, montagnard, réside dans la vallée. Il prend conscience de la particularité de ce climat glacial en hiver et chaud en été. Il imagine une maison à température constante c’est-à-dire insensible aux variations thermiques. S’inspirant des chaudières tubulaires adaptées aux locomotives à vapeur, il conçoit une maison avec des murs de bois à double paroi. Entre les deux murs, une charpente tubulaire à circulation d’eau permettrait de donner à l’air de l’espace sa température optimale En été on ferait circuler de l’eau froide qui rafraîchirait les murs et en hiver l’eau passant tout d’abord dans un serpentin de calorifère pourrait être envoyée chaude dans ces tubulures réchauffant l’ensemble de la maison ! L’idée est séduisante !
Un peu comme un radiateur géant les murs seront donc toujours à la bonne température.
La maison est rapidement construite. Le montage de cette charpente creuse se fait sans l’aide d’un ouvrier spécialisé. Tous les planchers, tous les plafonds et tous les murs communiquent entre eux ; les murs sont en bois, formés de planches clouées sur des madriers liés aux tubes par des colliers métalliques. Commencée le 7 juillet 1898, elle est habitable le 15 septembre.
L’article s’arrête là, mais qu’est donc devenue cette maison ? C’est dans une autre revue de 1902 , « La science curieuse et amusante », que l’on apprend, hélas, que l’hiver suivant, très froid, l’eau s’était congelée à l’intérieur des tuyaux et le calorifère en surchauffe, mit le feu aux murs, détruisant l’ensemble de la maison. Ce fut donc un essai pour rien !
Une vingtaine plus tard l’architecte Marcel Cochet réalise en 1930, à Chamonix, un bâtiment (Banque Payot) qui sera citée par l’école d’architecture de l’époque comme un exemple remarquable de bâtiment conçu pour lutter contre le froid et le chaud Article ci joint : Une remarquable expression de l’art déco : la Banque de Paul Payot maire de Chamonix de 1888 à 1901
Bibliographie : Revues scientifiques : « Nature », « La science curieuse et amusante » , revues « Architecture moderne « .
L’histoire du SAVOY Hôtel devenu Folie Douce en 2018
Écrit par Christine BOYMOND LASSERRE le . Publié dans Le patrimoine de Chamonix, Tous les articles du blog. Aucun commentaire sur L’histoire du SAVOY Hôtel devenu Folie Douce en 2018
L’hôtel le Savoy était occupé depuis 1963 par le CIT puis en 1970 par le Club Méditerranée. Cette année il va vers un nouveau destin. Mais connaissez vous son histoire ?
Elle s’appelle Sarah, est la quatrième de la fratrie de 5 enfants de la famille François Couttet dit « Baguette ». Elle a 16 ans à la mort de son père, 18 à la mort de sa mère. Élevée dans la pure tradition hôtelière depuis sa petite enfance, elle seconde sa sœur aînée Aline pour gérer l’hôtel familial du Grand Hôtel Couttet, jusqu’à la majorité de ses frères Jules et Joseph.
En 1899 à l’âge de 26 ans elle se marie avec Adolphe Tairraz le frère du grand photographe Georges Tairraz. Dans la succession elle hérite d’un beau terrain au pied du Brévent. Et c’est là qu’en 1901 elle lance avec l’aide d’un emprunt auprès d’une banque suisse la construction d’un hôtel de luxe. Elle l’appelle le Savoy Hôtel, nom choisi en raison du célèbre « Savoy Hôtel » de Londres connu par toute la clientèle internationale. C’est le cabinet d’architecture genevois De Morsier et Weibel qui construit cet élégant hôtel à l’image des palaces européens. Celui-ci connait immédiatement un vif succès. C’est le premier hôtel à posséder l’eau courante dans toutes les chambres dont les suites possèdent des salles de bain. Un ascenseur est installé
en 1903 et un orchestre joue tous les soirs dans la grande et magnifique salle à manger de l’hôtel.
Adolphe meurt en 1906 la laissant seule avec 2 enfants Armand et Germaine. Elle a 33 ans. Seule, elle gère avec brio l’hôtel. En pleine Belle Epoque le Savoy Hôtel connait un réel succès. On y voit la reine d’Italie, son altesse impériale et royale Otto de Habsbourg, la belle actrice Rose Caron ou le milliardaire américain Pierpont Morgan et même le légendaire Buffalo Bill en 1907 ! Elle s’engage alors dans le projet d’un agrandissement. Sous la conduite d’un autre cabinet d’architecture genevois c’est Joseph Guglielmetti entrepreneur ambitieux qui le réalise. Ce sera la magnifique aile couronnée d’un toit pyramidal et sur lequel elle fait sculpter une croix de Savoie de chaque côté du balcon supérieur. Dans la même année elle inaugure cette aile particulière et épouse l’entrepreneur le 7 juillet 1911 avec qui elle aura 4 enfants.
L’hôtel prend le nom de Savoy Palace.
Il connait alors ses heures de gloire jusqu’à l’entrée en guerre de la première guerre mondiale. Les années d’après guerre appelées les « années folles » voient arriver au palace une clientèle excentrique, riche.Les journaux locaux se font l’écho de ces fêtes somptueuses se déroulant au Savoy palace : « orchestres, danse, bals masqués, fêtes mondaines et galas, compétitions de tennis » sont les publicités de l’époque. Avec l’arrivée de la seconde guerre mondiale son fils Armand Tairraz prend la relève et gère le palace un temps avec son demi frère Charles Guglielmetti.
En 1945-1946 l’architecte Henri Jacques le Même aménage la terrasse supérieure. L’hôtel reprend en 1947 son nom d’origine « Savoy Hotel » perdant sa qualité de palace, Armand ayant beaucoup de peine à maintenir à flot cet ancien hôtel de luxe. Les travaux de modernisation sont trop coûteux et de plus il ne s’entend guère avec son demi frère et les frais liés à l’indivision sont particulièrement élevés pour Armand.
Le glorieux établissement sera finalement acheté en 1960 par le baron Elie de Rotschild, très vite il se rend compte qu’il perd chaque année 50 millions de francs. Confié à un fond de pension l’hôtel est loué au CET ( (club européen du Tourisme) en 1963 . Ce CET Absorbé par le Club Méditerranée le Savoy deviendra en 1970 un de ses fleurons.
Depuis de nombreux travaux ont été réalisés. Mais quasiment tout du décor original disparaît dans des travaux de modernisation. Fort dommage car on aurait pu, à l’image du Majestic, garder et rénover au moins l’ensemble des salons et salle à manger ! Même l’escalier principal a disparu !
Le Savoy Hôtel n’est plus occupé par le Club Méditerranée. Propriété d’un fond de pensions il est à ce jour loué à un nouveau groupe hôtelier appelé Folie Douce.
L’ensemble du rez de chaussée a été entièrement détruit pour ne faire qu’un seul et unique espace . Plus rien n’existe du palace d’antan , ici les murs sont bruts de décoffrage! Le décor est surprenant ! parfois intrigant. En tout cas très décalé. Certains peuvent aimer !
La façade principale est , de nuit, éclairée par une lumière passant du bleu au rose…à l’image des maisons closes des années 1900 !
L’entrée ouvre sur un bar monumental, de là un escalier conduit dans une fosse où musique , danseurs , clients se mêlent dans une rumeur houleuse et bruyante. Trois restaurants aux thème différents se trouvent sur le même niveau. 250 chambres aux tarifs variés du très cher au bon marché, 220 personnes y travaillent….
Le temps passe, que restera t’il de cet ancien palace fleuron de l’architecture chamoniarde .