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Étiquette : compagnie des guides de Chamonix

DEUX HEROS MECONNUS : ALFRED ARISTIDE BALMAT ET SON FILS LEON : deux destins de guides marqués par l’histoire mais différente pour chacun

Texte réalisé avec l’aide de Catherine Cuenot

En juillet 1927 le client W.A.Wright engage Alfred Aristide  Balmat comme guide. Alfred  est originaire des Pèlerins. Surnommé « à la Maître » car sa mère et sa tante étaient institutrices  ce qui le distingue des autres Balmat nombreux au village des Pèlerins. Bien que menuisier et cultivateur il aime la lecture, il apprend l’anglais  et se constitue ainsi une belle clientèle. Alfred est un spécialiste des grandes courses de neige et d’arêtes et compte à son actif quelques très beaux 4000 du Valais. Il assume la présidence de la compagnie des guides de 1921 à 1931. Personnage actif il restructure avec Armand Couttet la caisse de secours et c’est sous son mandat  qu’en 1924 est relancée  la fête des guides dont nous fêtons cette année le centenaire.

Forte personnalité il est reconnu par ses pairs pour son talent à diriger cette équipe de guides. Alfred reçoit la légion d’honneur pour les très nombreuses et périlleuses caravanes de secours qu’il mène dans le massif. Il meurt en mars 1945.

Son fils Léon, né en 1904, suit les traces de son père. Cultivé, curieux, généreux  il est recommandé par le guide-chef en 1942 au jeune prêtre  Henry Grouès  (devenu plus tard en résistance l’abbé Pierre). Celui-ci cherche à organiser avec de jeunes délinquants des courses en montagne afin de les aider à se réinsérer.  Très vite Il se lie d’amitié avec ce jeune guide avec qui il partage une foi forte et inébranlable. Henry Grouès est déjà par ailleurs une âme vive de la résistance. .IL est vicaire à Grenoble et héberge au cours du mois d’août  deux familles juives qu’il ne peut garder chez lui trop longtemps. Il se rend alors à Chamonix avec  ces deux familles. et demande à Léon son cher ami, d’héberger ces 12 juifs qu’il a emmené avec lui.

Léon guide engagé dans la protection des plus faibles

La ferme de Léon n’est  pas grande mais immédiatement il ouvre sa grange aux  pauvres malheureux qui se réfugient ainsi  une nuit dans la maison. Dès  le lendemain Léon s’engage à les emmener en Suisse. Par le train l’abbé Pierre les conduit à Montroc . Léon prend le relais Par une longue marche partant de Montroc,  il emmène cette équipe au Tour  puis au refuge Albert 1er qui était tenu par un de ses amis. La voie est ainsi plus discrète. Puis par le col du Tour  et le glacier du Trient l‘équipe arrive en Suisse. On imagine ces citadins traverser ce monde de la haute montagne…il fallait un guide avisé et motivé  pour les accompagner avec sureté. Huit heures de marche harassante …Léon sauve ainsi 12 juifs. Léon s’engage dans ce chemin d’aide, pour lui c’est évident… Parfois les groupes sont trop nombreux et on sait que Léon  fait appel à  son collègue Camille Couttet pour l’aider à faire passer ces juifs en fuite souvent par le même chemin hasardeux du col du Tour   lorsque le col de Balme était trop surveillé. Combien ? On ne sait pas. . L’abbé Pierre lui a demandé quelquefois son aide pour ces passages de frontière mais  on ignore  tout de l’engagement de Léon car celui-ci   en aout 1945 décède dans un accident à la Nonne et son passé de guide passeur tombe alors dans l’oubli.

Père et fils décèdent la même année en 1945 l’un en mars l’autre en août. On imagine la douleur pour la famille.

Nous avions envie avec Catherine de les honorer pout que nul oublie leurs engagement mutuel

Sources : livre Médailles et légendes. Compagnie des guides. Edition Esope . Historien Pierre Dupraz – Association des Amis du Vieux Chamonix

Fritz Schuler et son frère Henri ne seraient ils pas les premiers étrangers à intégrer la compagnie des guides de Chamonix ?

La tradition chamoniarde a pour habitude de raconter que Roger Frison Roche, admis à la compagnie des guides de Chamonix en 1930, a été le premier guide étranger (c’est-à-dire non natif de Chamonix) à être accepté au sein de cet organisme déjà prestigieux. Il est vrai qu’il fut un des meilleurs « ambassadeurs » des guides, tant sa sympathique énergie, sa belle simplicité, ont été une des meilleures publicités pour la compagnie.

Cependant, à la lecture de la presse et des revues spécialisées de la fin du XIXème, on voit quelques fois cités un nom de guide chamoniard dont la consonance n’est ni Balmat, ni Ravanel, ni Charlet, ni Simond…Des guides qui seraient étrangers à la vallée ? Et même deux frères ! Et oui… Ils s’appellent Schuler :  Fritz et Henri Schuler. Certes pas très chamoniard  comme patronyme! Et pourtant !

Nés à Bonneville de parents originaires de Stuttgart, Fritz (né en 1856) vient avec son frère Henri  (né en 1861) à Chamonix chercher du travail et naturellement se passionnent pour ce massif. Tous deux parlent allemand, et leur mère leur ayant enseigné l’anglais, ils parlent couramment cette langue si utile pour échanger avec des clients déjà nombreux venant de Grande Bretagne ou des USA. Rapidement ils deviennent porteurs, se font remarquer pour leurs capacités et sont bien décidés à devenir guides.  Leur connaissance des deux langues  a  probablement joué en leur faveur !Peu de détails sur Henri sinon que, selon la légende familiale, il portait une barbe de Toussaint à Pâques, pour, disait il, avoir plus chaud . Son nom est listé par Edouard Whymper dans son livre sur Chamonix et précise qu’il est devenu guide en 1887.. . Henri est par ailleurs cité dans une caravane de secours en août 1901.

Fritz réalise officiellement en tant que porteur son premier Mont Blanc le 4-5 septembre 1878 ! Il passe son diplôme et rentre à la compagnie le 1er juin 1882.

Dès 1883, son carnet est riche de témoignages de clients français, allemands, américains, anglais, lui reconnaissant son extrême gentillesse et sa grande disponibilité. Il épouse en 1886 une jeune fille de Morges, Jeanne Rauschert. Il       l’emmène aux Grands Mulets pour passer  leur nuit de noce !  Puis décide sa jeune épouse à monter au Mont blanc. Ce qui sera fait. Jeanne deviendra  ainsi une vedette locale. Le Mont Blanc gravi  par des femmes de guides n’était pas encore un événement très courant !

Les deux frères sont inscrits en juillet 1890 par Henri Vallot sur la liste des 110 guides ayant participé au transport des charges pour le refuge construit par ses soins. Fritz d’ailleurs travaille à l’édification du refuge dont il est le chef des ouvriers. Noté par Henri Vallot dans son récit sur la construction de l’observatoire.

Il sera, par ailleurs, en 1891, le guide de Mr Infeld, ingénieur suisse chargé par Mr Janssen et Mr Eiffel de réaliser des sondages au sommet du Mont Blanc afin de trouver le fond rocheux de cette cime. Fritz est signalé pour son ardeur et son courage au travail face aux terribles températures  lors des travaux !

Dans les journaux suisses de 1891, c’est Fritz Schuler qui raconte le terrible accident subvenu au Mont Blanc en août 1891 où  mourut Mr Roth, autre scientifique pris dans une terrible avalanche avec son guide Simond. Il fera partie de l’équipe de secours.

Généreux,  il intègre l’équipe des pompiers de Chamonix dont il sera un temps le capitaine.

Installé à la Mollard, Fritz aura 4 enfants

Fritz ne figurait pas sur le registre civil français . Né à Bonneville, sous régime sarde, les registres d’état civil savoyards de l’époque étaient tenus par les curés des paroisses. Donc Fritz et son frère Henri , de religion protestante, ne figuraient nulle part ! Leur situation sera régularisée en 1901.

Un jour de septembre 1902, revenant d’une course au Mont Blanc, Fritz tomba dans une crevasse. Ses compagnons ne pouvant l’aider à s’extraire de celle-ci  descendent à Chamonix pour organiser une équipe de secours,  mais le temps qu’elle arrive,  Fritz probablement  en hypothermie s’était beaucoup affaibli. Il fut tiré d’affaire mais ne se remit jamais de cette terrible chute.  Diminué, il perdit peu à peu ses forces et mourut le 25 juin 1903. Il avait 45 ans.Il fut inhumé dans le petit cimetière protestant situé derrière l’église « anglaise » devenue temple protestant où l’on peut toujours voir sa tombe.

Sources : Archives familiales Schuler et Démarchi – Livre de Charles Schuler : L’histoire d’une vie peu ordinaire (édition Gérard Châtel) – Revues Club Alpin Français – Livre d’Edouard Whymper : Escalades dans les Alpes

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