De l’usage des bains dans l’hôtellerie chamoniarde
Au cours du XIXème siècle la vallée de Chamonix voit le nombre de visiteurs croître de jour en jour. On compte 10 hôtels en 1860 lorsque la Savoie devient française et dès lors Chamonix se développe rapidement. Les chamoniards édifient auberges, petits hôtels familiaux, hôtels de grand confort puis hôtels de luxe.
Un hôtel dit « confortable », au début du XIXème siècle, se devait de proposer à ses clients dans chaque chambre un « meuble de toilette » recouvert d’une plaque de marbre, avec une bassine , un broc à eau en porcelaine ainsi qu’un porte savon assorti et un pot d’aisance. A l’origine, dans les hôtels chamoniards, l’eau chaude était apportée par le personnel dans chaque chambre. Parfois il existait un réservoir d’eau chaude à chaque étage, le client allant se servir lui-même.
A Chamonix, les frères Charlet, associés aux frères Simond, propriétaires de l’Hôtel de l’Union (construit en 1816), élèvent des bains en 1825 le long de l’Arve. A partir de 1834, ils font apporter l’eau sulfureuse des Mouilles par des canalisations de bois. Le «Guide du voyageur en Suisse » de Richard insiste sur « ces bains de santé et de propreté «
L’Hôtel d’Angleterre fait construire dans ses jardins une « maison des bains » avec neuf chambres de bains proposant eau chaude et eau froide.
L’’Hôtel Mont Blanc aménage également un bâtiment « bains » dans le jardin.
De même le Grand Hôtel Couttet et l’hôtel de Paris .
Le XIXème est le siècle de la révolution hygiénique avec une notion nouvelle dans le traitement du corps. L’idée de l’hygiène, de la propreté, entre dans les mœurs. Les liens sont établis entre les épidémies et la propreté des corps. Pasteur, venu à Chamonix en 1860, faisant le constat de la réalité bactérienne ouvre une nouvelle ère dans la conscience collective. D’ailleurs en 1860, la commune fait dresser deux fontaines, l’une au centre du village, l’autre dans le haut du bourg, afin de proposer aux habitants une eau courante accessible à tous.
Cette amélioration de l’’hygiène se développe et connaît un réel succès auprès des hôteliers en contact avec une clientèle sensible à ce type de services. Les salles de bains font leur apparition. La publicité des hôtels insiste sur ces nouveaux aménagements. A savoir cependant qu’à l’origine le client devait réserver son horaire car il fallait faire chauffer l’eau pour alimenter les baignoires. Les hôtels de l’époque avaient rarement de l’eau courante en étages. On réservait une pièce où l’on disposait une baignoire et une femme de chambre apportait l’eau chaude. C’est avec le début du XXème siècle que les nouveaux hôtels, comme le Métropole en 1902, aménagent des salles de bains avec eau courante et des lavabos dans chaque chambre.
Ce nouveau siècle vantant de plus en plus les vertus du bain, Chamonix se devait d’offrir à ses clients le « nec plus ultra » du confort et des soins de propreté de l’époque. On vante l’idée d’une « station climatérique », c’est-à-dire une station saine, en contact direct avec la nature, où l’homme peut s’épanouir en toute tranquillité sans miasmes. « Chamonix est la station climatérique la plus fraîche et la plus salubre de toutes les stations estivales et alpestres » peut-on lire sur les affiches publicitaires. De nombreux médecins y vont de leurs recommandations sur la qualité de l’air à Chamonix. La « Société des hôtels réunis » envisage en 1890 de créer une station thermale aux Mouilles avec un hôtel de 300 chambres disposant de bains d’eau sulfureuse et bains de lait ! Ce projet ne voit pas le jour, mais en 1905, à côte du Casino nouvellement construit (piscine actuelle), est aménagé un établissement d’hydrothérapie à l’eau d’Arve selon le procédé de Mr Kneipp qui préconisait des bains d’eau froide pour stimuler les organismes défaillants.
La modernité arrivant, la salle de bains privée devient un concept de luxe et de grand confort. Le Savoy, édifié en 1901, propose 150 chambres dont 100 avec salle de bains. De même le Chamonix- Palace offre 200 chambres dont 150 avec salle de bains ou encore le Majestic 300 chambres dont 200 avec salle de bains. Cependant les hôtels plus modestes garderont longtemps une seule salle de bains à l’étage, mais généraliseront des lavabos équipés d’eau chaude et d’eau froide dans chaque chambre.
Sources : Le propre et le sale de Georges Vigarello – L’invention de l’habitation moderne de Monique Eleb et Anne Debarre. – Hôtels et palaces. Edition Gilletta – Il était une fois la montagne de Luc Tournier – Les folles années de Chamonix de Gaby Curral Couttet.