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Étiquette : Servoz

Samuel Birmann peintre romantique à Servoz

Tout au long du XVIIIe siècle et début du XIXe, Servoz était une étape bien agréable pour les voyageurs harassés par le chemin périlleux emprunté pour se rendre dans la vallée de Chamonix. A l’époque, on utilisait des chars à bancs, seul moyen de locomotion jusqu’à la construction de la route entre 1862 et 1870. Le trajet était épuisant. Lorsque les voyageurs arrivaient à Servoz, nombreux étaient parmi eux les artistes frappés par la beauté du site. Ils immortaliseront ce paysage calme et paisible. Le panorama exceptionnel découvert à la sortie de la forêt sera chanté aussi bien par des peintres que par des écrivains.

Samuel Birmann (peintre romantique bâlois  1793-1847) vient dans la vallée en 1823 et édite en 1826 son ouvrage intitulé « Souvenirs de la Vallée de Chamonix » . Il fait une longue étape à Servoz. Il est séduit par l’aspect tranquille que dégage le village après le cheminement si difficile provenant de Chedde.

Il écrit » :«Les Alpes offrent au regard leurs sommités couvertes de neige et de glaces éternelles…. Une force inconnue attire l’homme vers ces régions élevées …C’est quand le voyageur arrive à Servoz que le mont Blanc se présente à ses regards d’une manière grandiose ;… c’est aussi de là que l’on commence à saisir d’une manière distincte les détails de cette masse imposante. A son pied l’on distingue les Montées, plus bas commence la plaine de Servoz et le château saint Michel s’élève sur un rocher que baignent les flots de l’Arve…

Avant de quitter cette belle vallée, on fera bien de s’arrêter quelques instants et de contempler le beau paysage que présentent les environs de Servoz… La commune de Servoz se compose de plusieurs villages, Servoz même, le Bouchet où sont l’église et l’auberge, les villages du Mont, la Combe, la Côte – au pied du rocher des Fiz – le village du lac près du château Saint Michel, la Vaudagne, à droite des Montées, le Châtelard sur le sentier des chèvres. Les arbres fruitiers prospèrent encore sur ce point, on y trouve de forts beaux noyers… »

Au cours de son séjour, il peint la petite plaine de Servoz et dans ses représentations d’arbres, on note la vision romantique qu’il a des forces qui animent la nature .

Cependant  il rentre dans le détail de la vie locale ainsi il représente des bergères au pied de l’oratoire de Notre Dame du lac. Mais aussi un four à pain qui ressemble à celui du Vieux Servoz.

A ce propos il écrit : Communément chaque ménage fait plusieurs fournées à la fois et se pourvoit de pain pour un ou deux mois quelquefois pour quatre, on trouve même du pain d’une année ; vieux il devient si dur qu’on est obligé de le couper à la hache. Aussi les indigènes mangent peu de pain, surtout du pain de qualité inférieure qui contient beaucoup de son. En général on l’accommode  avec du bouillon chaud et du fromage.

 Il continue ensuite son chemin vers Chamonix, immortalisant la vallée, l’église, le glacier des Bois puis Argentière.

Un beau témoignage à découvrir.

Source : Ouvrage écrit par Samuel Birmann,( peintre bâlois) »Souvenirs de la Vallée de Chamonix » avec 25 feuilles en aquatinte. Association des Amis du vieux Chamonix

La maison du Lieutenant au village du Mont à Servoz

La maison du lieutenant au village du Mont de Servoz trône au cœur du village. Nettement plus importante que tous les autres, elle se remarque car foncièrement différente des fermes traditionnelles qui l’entourent. Adossée à la pente, sa face nord présente un large auvent couvrant l’entrée actuelle. En face sud, une belle façade s’ouvre au soleil. Deux larges galeries sont composées de grandes dalles de schistes, les deux supérieures sont en bois . De part et d’autre, deux tourelles encadrent l’ensemble, l’une d’elle abrite un escalier.

Certes d’un aspect imposant on aurait pu imaginer une ancienne maison forte mais d’après Elisabeth Chalmin Sirot, spécialiste des maisons fortes du haut Faucigny aucune n’apparait au village du Mont, seul figure dans la région le château saint Michel.

L’accès intérieur à l’habitation se fait par un bel escalier de trois marches arrondies qui ouvre sur  une salle dont le sol est couvert de dalles irrégulières. Dans celle-ci on distingue les restes d’une bourne (cheminée ancienne des maisons locales) dont la poutre traverse l’ensemble de la pièce. Au pied de la fenêtre se trouve une pierre creusée de deux vasques dont le fond est percé d’une ouverture afin de laisser s’écouler un liquide ou des grains. Sur le côté droit, un évier de pierre. Au sol, deux sortes de cannelures creusées dans ces dalles épaisses intriguent. Sur le côté existe encore un très beau four à pain.

L’étage supérieur est quasiment identique au précédent.

Les combles sont magnifiques. A l’intérieur, la bourne est intacte, chevillée selon la technique ancienne elle est un élément majeur du passé de cette maison.

Dans la cave se trouvent deux énormes  pressoirs, un à huile, un à fruits et une cheminée.

Après étude des maçonneries et des encadrements des baies, on peut imaginer la possibilité d’une construction ancienne totalement rénovée fin XVIIIe voir milieu du XIXe. Il n’est pas impossible que, compte tenu de l’aménagement intérieur, cette maison ait tenu un rôle collectif important. En effet toutes les fenêtres sont dotées de barreaux ou de protections jusqu’au dernier niveau, ce qui est rare pour une maison domestique. A t-elle été un lieu de collecte de biens, d’impôts?

Dans le passé, lors de la réalisation de la mappe sarde en 1731, figuraient  en ce lieu quatre maisons bien distinctes.  L’association  » Servoz  Histoire et Traditions » reconstitue peu à peu l’histoire de ces familles propriétaires dont deux portaient le nom de Devillaz et les autres apparentées à cette famille..

Le nom de Maison du Lieutenant provient d’inscriptions aux frontons de portes de cette maison étonnante. Sur l’un d’eux est gravé « 1798 , De Villaz Joseph Marie, Lieutenant » et sur une autre « 1798, De Villaz Jean Claude Lieutenant » d’où le surnom de cet édifice.

Joseph Marie Devillaz est un personnage important de l’histoire de Servoz, Jean Claude est son fils. On retrouve aussi inscrit le nom de Bernard  son second fils. Par héritage, Joseph Marie récupère en indivision avec son cousin deux parcelles sur lesquelles se retrouvent deux maisons. IL occupe ensuite l’ensemble de ces deux propriétés.

Favorable aux idées jacobines, Joseph Marie Devillaz  mène la vie dure aux curés lors de la période révolutionnaire. Secrétaire de mairie de Servoz, gardien des mines, guide naturaliste reconnu de Servoz. Il était très apprécié des scientifiques pour ses connaissances. A-t-il été lieutenant? Pour le moment on l’ignore. C’est son petit fils Jean Pierre Devillaz qui hérite de l’ensemble des parcelles. Géomètre patenté il est probable qu’il soit à l’origine de la transformation de ces deux maisons en une seule.

Sans héritier, sa femme se remarie avec Achille Blondaz dont elle aura trois enfants qui en deviendront les propriétaires. Ils  vont eux même transformer cette maison en deux appartements distincts. Elle servira même d’école un temps. Finalement en 1963, Guy Félisaz acquiert cette maison, la modernise afin de la rendre plus confortable. C’est en 2014 que la communauté de communes de la Vallée de Chamonix l’acquiert enfin d’en faire un centre orienté vers une meilleurs connaissance de la vie rurale.

Sources :Deux brochures intitulées  « le Mont » édités par  l’association  « Servoz Histoire et traditions  » –  Monographie de l’abbé Michel Orsat –  Archives départementales :  Mappe sarde Servoz cote 2253W445-44.  Archives départementales : Servoz affaires communales : 4L 141 – Note d’information du CAUE –  diagnostic de la ComCom de la vallée de Chamonix,

Les pérégrinations de l’église de Servoz !

L’église saint Loup est la plus ancienne église de la Vallée de Chamonix

En 1091,  lors de la donation de la vallée de Chamonix à l’abbaye bénédictine de Saint Michel de la Cluse,  le village de Servoz dépendait des sires du Faucigny  pour la partie située au nord  du confluent de l’Arve et de la Diosaz.  En ce XIe siècle,   une  paroisse  dénommée «  paroisse du lac » existait déjà et, semble t’il, dépendant du prieuré de Peillonnex  situé en Faucigny pas loin de Bonneville.

L’église était  située à peu près  au niveau de l’actuelle chapelle Notre Dame du lac  et donc sur la rive gauche de l’Arve. Avec cette donation,  elle se trouvait sur  le territoire du prieur de Chamonix ! Mais la paroisse, elle,  s’étendait sur l’ensemble des hameaux aussi bien rive droite que rive gauche. Pas simple !  Donc une église sur le territoire du prieur mais une paroisse sur le territoire des Faucigny…!  Cette limite de territoire ambiguë entraîne, dès les débuts de l’histoire de notre vallée,  des conflits,  ou des accords signés  en fonction des besoins et  des pouvoirs de certains que ce soit du côté du prieuré de Chamonix, de  la famille de Faucigny, de la noblesse locale ou encore de  la paroisse qui a dépendu pendant longtemps du prieuré de Peillonex. Peu de documents existent sur cette première église.

En 1337, il est décidé de reconstruire une nouvelle église sur la rive droite de l’Arve, est ce pour échapper au prieur de Chamonix ? Peut être bien ! Cette église n’était sans doute pas très riche à la lecture de l’inventaire et du procès verbal réalisés par Mgr Jean de Bertrand venu le 15 août 1413. « Eglise pauvre, mauvais toiture, bons paroissiens » !

Mais c’était sans compter sur les éboulements du massif des Fiz qui jalonnent l’histoire de la plaine de Servoz. L’effondrement  de 1471 modifie les cours de l’Arve et de la Diosaz et l’église, du coup,  se retrouve à nouveau sur la rive gauche de l’Arve, si bien que le  prieur de Chamonix  estime que la paroisse doit tomber sous sa juridiction. Il  proteste à chaque venue de l’évêque pour en obtenir la gouvernance.  C’est vers 1484 que l’appellation passera de notre Dame du Lac à Eglise Saint Loup, en effet la légende raconte  que l’archevêque de Tarentaise fit don à la paroisse des reliques de ce saint.

Les « chirves » résistent au prieur de Chamonix ! Pour échapper définitivement « aux atteintes de l’inondation et de la juridiction du prieur »  les paroissiens décidèrent en 1537 de construire  l’église du Bouchet   à son emplacement actuel.

L’église, telle que nous la connaissons’ sera construite de  1694 à 1697 et consacrée en 1702. Il est évident que les bâtisseurs de l’époque utilisent des éléments qui appartenaient à l’église antérieure puisque la date 1537 est inscrite en haut de la porte latérale.

Cette église a conservé son très bel aspect  d’origine, la façade élégante est  typique des églises baroques  du XVIIIe.Le porche abrite la porte d’entrée dont les vantaux, bien qu’endommagés durant la période révolutionnaire,  sont un magnifique travail d’ébénisterie. Là on retrouve saint Loup, vocable de la paroisse,  en tenue d’évêque,  écrasant un petit dragon.

Le décor intérieur démantelé aux cours de la frénésie révolutionnaire  retrouvera un nouveau décor en 1838 pour le maître autel et  en 1842 pour les deux autels latéraux.

le clocher édifié en 1746 mais détruit lors de cette même période de la révolution sera refait en 1854.

Les divers travaux réalisés dans les années 1930 puis 1950 ne seront que des petits travaux qui hélas n’empêcheront pas la détérioration progressive des murs « mangés » par le salpêtre .

Enfin en  2015 la fondation du patrimoine offre une somme conséquente pour entamer des travaux de rénovation. L’église de Servoz va enfin retrouver son éclat des temps anciens.

Sources : Histoire des communs savoyardes, monographie de Servoz de l’abbé Michel Orsat, Le Mont un hameau de Servoz ( association histoire et traditions)

Un patrimoine méconnu mais menacé : les anciennes mines de la vallée de Chamonix

Un patrimoine méconnu mais menacé

Lors de  balades  il  nous arrive de découvrir des  apparences  de grottes  débouchant sur  des galeries. Elles sont nombreuses dans la vallée. Sous leur mystère,  elles  nous racontent  un passé un peu oublié.  Certaines de ces galeries sont d’anciennes mines, d’autres  sont simplement des  ouvertures exploratoires.

Quels minerais trouvait-on  donc dans  notre vallée?

De nombreux  types de  minerais ont été  exploités,  tels ceux contenant  du cuivre, du plomb ou de l’argent. Ces métaux ne sont pas trouvés à l’état pur mais font souvent partie  d’un filon dit « polymétallique »,   c’est-à-dire qui  contenait plusieurs métaux dont l’extraction est très complexe.

Servoz  hérite d’une histoire minière riche. Au 15ème siècle,  un document atteste d’un contrat signé entre le prieur de Chamonix et un exploitant pour des mines d’or, d’argent, de plomb de cuivre et autre minéraux. Mais c’est avant tout au 18ème siècle que  l’on retrouve des contrats  souscrits  avec des maîtres mineurs. Peu de temps avant la période révolutionnaire, les chanoines signent  et accordent l’édification d’un complexe abritant la maison du directeur, les logements des ouvriers,  les dépôts de bois, etc…  Une importante société est créée…  Des directeurs sont nommés, on exploite dans toute la   zone de Pormenaz à Coupeau.  Mais la révolution sonnera le glas de cette exploitation.

Jamais Servoz ne retrouvera une activité minière très active.

Cependant des gisements un peu partout dans la vallée continueront d’être exploités durant encore une grande partie du 19ème siècle. Des techniques plus modernes pouvaient laisser espérer un travail  plus facile.  Ainsi de 1873 à 1925  des mines d’anthracite ont été ouvertes ou 50 à 60 personnes travaillaient tirant de ces mines 2 wagons de 10 tonnes par jour ! Il y a eu jusqu’à 7 galeries

.

Mais ce qui m’intéressait,  c’était de comprendre comment  travaillaient ces mineurs dans ces  sombres galeries.

Aussi ai-je demandé à Stéphane de m’emmener visiter une galerie, je ne vous dirai pas où, ces vestiges doivent rester confidentiels. Stéphane est un passionné, il explore depuis sa plus tendre enfance toutes ces mines… Je crois bien qu’il les connaît toutes …

C’est fascinant et passionnant de pénétrer dans ces boyaux,  car hormis le fait que l’on y trouve des minerais différents,  ces mines racontent  une histoire d’hommes. Etroites, creusées à la main  dans une roche particulièrement compacte, sur une bonne centaine de mètres,  elles  sont impressionnantes. Elles montent,  puis descendent, à la poursuite d’un filon repéré par les mineurs.  Certaines de ces mines sont encore étayées  de madriers de bois. Dans l’obscurité totale, les mineurs  déposaient leurs lampes à huile sur de petits rebords. Ils parvenaient ainsi à discerner les filons qu’ils recherchaient.  Ils devaient en extraire  le minerai intéressant,  c’est-à-dire creuser, tailler dans la roche dure,  extraire des blocs et ensuite les  transporter  (on imagine le poids !) à l’extérieur. De là,  ils étaient emmenés à l’exploitation pour qu’il soit  triés, concassés et réduits en poudre.

Dans les mines de Servoz l’ouvrier travaillait de 6 h du matin à 18h. Payés soit à la journée, soit au mètre d’avancement. Souvent les mineurs œuvraient  à deux et on déduisait de leur salaire  le prix des fournitures (poudre huile pour lampes etc).

Quel travail !

Aussi avons-nous un devoir de respecter et de protéger ces mines qui ont une valeur patrimoniale certaine. Elles sont le témoignage  du dur labeur de mineurs qui ont œuvré au cours des 18ème et 19ème siècles.

Malheureusement,   certaines sont aujourd’hui dégradées,  voire pillées. Beaucoup peuvent y pénétrer  impunément  et sont responsables des détériorations. Quel intérêt y trouvent ces intrus? Ils n’y trouveront ni or, ni argent, ni cristaux…  Rien qui puisse les enrichir!

N’oublions pas que ces petits trésors sont protégés par la loi. Ces dégradations peuvent  relever  du code pénal…

Sources  : Stéphane Briand – Livret édité par l’association Histoire et traditions «  Mines et Ardoisières de Servoz » – Archives association des Amis du Vieux Chamonix.

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