Qui donc se souvient de notre toute première championne de ski chamoniarde ?
En ces débuts du XXe siècle le ski est loin d’être à Chamonix une pratique courante. La station doit aux frères Jules et Joseph Couttet ainsi qu’au docteur Payot d’avoir fait connaître ce nouveau moyen de déplacement sur la neige vers 1903. Il en faudra des chutes et des essais pour arriver à se tenir debout sur la neige avec ces longues planches arrivées de Norvège rivées aux pieds ! Mais quel enthousiasme ! On ose aller sur les routes et chemins chamoniards. et parmi ces jeunes passionnés figurent des «jeunes filles » qui sont bien souvent encombrées avec leurs longues jupes traînant dans la neige, mais peu importe … On tente de glisser !
Parmi elles une certaine Hélène Simond qui adore cette activité si excitante. Certes, elle travaille en hôtellerie, mais dès qu’elle peut elle se lance avec quelques unes de ses amies sur les itinéraires de la vallée. A l’époque le ski consiste à se déplacer essentiellement à plat ! Une sorte de ski de fond.
En 1908 le docteur Michel Payot, après avoir créé le Club des Sports, organise avec le Club Alpin Français le second concours international de ski (le 1er ayant eu lieu à Montgenèvre l’année précédente). La course a lieu du 03 janvier au 19 janvier. Certes certains viennent de Suisse, d’Italie ou de Norvège et les chamoniards espèrent participer à ces concours. Les hommes bien sûr, mais les jeunes femmes veulent ,elles aussi, en être.
Ci dessous lien pour cette course de 1908
Elles seront neuf, toutes chamoniardes et elles innovent leur tenues.
Elles se permettent de remonter leurs jupes au dessus de la cheville et si certaines portent un corsage à manche « gigots », d’autres se permettent de porter un gilet de laine. Nouveau pour une jeune femme ! Sur la tête certaines portent un chapeau à large bords tenu par un foulard de mousseline mais d’autres plus audacieuses adoptent un bonnet de laine …oh so shocking ! Mais surtout elles adoptent deux bâtons, suivant le conseil du moniteur norvégien Durban Hansen qui œuvre à Chamonix.
Leur parcours se déroule sur 4km en terrain particulièrement gelé, varié avec obstacles, marche en forêt et différences de niveau de 50 mètres, dénivelé bien difficile pour l’époque. Les neuf se précipitent mais Hélène, forte de sa belle expérience, sait qu’il faut ménager sa monture.
Elle part lentement et remonte l’ensemble de cette petite équipe. Hélène est la 1er en 29 min 40sec, suivie de Marthe Simond en 31min51s, puis Marie Simond en 32min35s, Léa Benoît en 35min17s, puis Elise Burnet en 38 min 55s, Julie Gouze en 40 min 8s, Anna Devouassoud en 44 min 42s, Andréa Devouassoud en 47min 43s et Mme Payot Lachmayer en 56 min 43s.
Belle performance pour Hélène SIMOND !
Ces jeunes femmes forcent l’admiration des spectateurs. Ce qui fait dire à un journaliste de l’époque, Mr Gelinet. : « Ce serait une grosse injustice, toute question de galanterie mise à a part, que de ne pas mentionner la virtuosité des dames, que nous avons pu juger et dont nous avons pu admirer l’allant au cours cette course de dames. De cet exercice qui ne demeurera pas l’apanage de l’homme, la femme est susceptible de nous montrer non seulement son courage, son habileté mais encore toute sa grâce ! On croyait que ce sport violent n’était pas fait pour nos compagnes …Il n’en n’est rien ! Les jeunes femmes qui ont enfin adopté le gracieux costume féminin (jupe courte et chandail) n’ont pas, comme quelques années auparavant, l’entrave obligatoire de la jupe longue.Le ski est bien un sport féminin. Il ne donne pas, comme on peut le croire, l’impression de l’effort admirable chez l’homme mais l’impression de légèreté, de grâce, de vitesse. C’est l’opinion de ceux qui ont vu et admiré vers les Frasses la hardiesse et la sûreté d’un groupe charmant de jeunes femmes et jeunes filles.
Mr Gelinet. Journaliste pour la revue du Club Alpin Français
Dès la fin de sa course Hélène retrouve son travail, ravie de sa performance et oublie de se rendre au casino où sont donnés les prix aux trois premières. Pour elle une jardinière en étain, une médaille de bronze offertes par le Club Alpin et un ouvrage intitulé « Voyage en France ».
La presse française et suisse s’empare de cet évènement. On parle d’elle, on publie sa photo. Hélène reçoit une quantité de courriers la félicitant pour son exploit !
Elle est effectivement la première championne de France ! Beau succès.
Si bien que l’année suivante, en 1909, lorsque le Club Alpin organise avec le Touring Club la grande quinzaine hivernale avec de multiples compétitions : patin, hockey, luge , ski. Hélène se remet à la tâche. Elle accepte de participer à nouveau à la course de Dames. Forte de son expérience et malgré la présence de la fameuse Marie Marvingt (qui devient dans les années suivantes la « star » de la neige et de l’alpinisme ( https://www.blogdechristineachamonix.fr/une-sportswoman-oubliee-de-chamonix-marie-marvingt/)
Hélène gagne de nouveau haut la main cette course. Course qui compte alors une trentaine de participantes venues de diverses stations françaises ! C’est sa seconde victoire.
Hélène SIMOND est donc notre première championne de ski chamoniarde de France en 1908 et 1909 !
Film de la course de 1908 appartenant à l’association des Amis du Vieux Chamonix
Sources :
Archives Association des Amis du Vieux Chamonix – Revues « la Montagne » 1908 et 1909 – film de 1908
Archives presse suisse : « La gazette de Lausanne ». Journal « La Suisse »
Archives Jussy Editions, Rémy Naville -: Revue : « La vie au Grand Air » – Revue « La Mode »