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Étiquette : Chamonix

Belle surprise près du Col de Balme : une borne du XVIIIème siècle

Nos randonnées chamoniardes nous réservent parfois de belles surprises !

Combien de fois sommes nous allés avec enfants, petits enfants ou amis au col de Balme pour une balade dominicale Le site est magnifique, la randonnée est facile, c’est toujours un plaisir de parcourir ces crêtes d’où le panorama est exceptionnel. Le plus souvent nous empruntons les chemins balisés.

Si l’on s’en écarte un tant soit peu, en longeant tout simplement la ligne de crête qui court de la tête de Balme vers le col des Posettes, nous buttons sur deux bornages dressés au cours des siècles passés sur cette ligne frontalière. Ils marquent l’emplacement exact de la frontière entre la France et la Suisse.

Certes nous connaissons la borne située au col de Balme avec l’inscription France d’un côté et Suisse de l’autre. Ou encore celle de la Tête de Balme avec un F et un S. Toute deux réalisées en 1891 au temps où le gouvernement érigea le long de ses frontières ces bornes de granit afin d’en préciser ses nouveaux contours.

Mais ici sur l’arête, juste au dessus de la gare supérieure du télésiège des Esserts, nous découvrons, à côté de la borne classique de 1891, une borne rare datant de 1737-1738.
Celle-ci d’ailleurs figure sur un tableau du XVIIIème siècle.

D’un côté figure la croix de Savoie couronnée. Cette représentation correspond effectivement à l’emblème de la maison royale de Savoie en 1738. Les couleurs sont passées mais on devine la croix blanche sur fond rouge. Celle-ci est surmontée de la couronne du royaume de Sardaigne. Cette couronne est formée d’un cercle surmontée de 8 fleurons, ceux-ci servant de base à des diadèmes perlés qui se réunissent au sommet par un globe et une croix.
De l’autre côté nous retrouvons sur la partie basse de la borne le blason de l’évêque de Sion, une épée et une crosse surmontée de la mitre et au dessus le blason des sept dizains valaisans représentés par sept étoiles en représentation de la république fédérale du Valais de 1600 jusqu‘à 1802 .

Il est intéressant de noter qu’en cette période le Valais était une république fédérale appelée la république des sept dizains et l’évêque de Sion en était un des princes électif, d’où la double représentation évêque et Valais sur cette borne.
Cette république disparaitra avec le rattachement du Valais à la confédération helvétique en 1815. Le Valais sera alors représenté par treize étoiles sur fond rouge et blanc.

Une belle découverte à faire par ces belles journées d’automne.

Les 750 ans de Vallorcine

Cette année, Vallorcine commémore les 750 ans de son entrée dans l’histoire de la vallée de Chamonix

« Nous frère (Richard), prieur du prieuré de Chamonix , du diocèse de Genève, à tous ceux qui liront le présent texte, faisons savoir que sciemment et de plein gré, sans y avoir été conduit par quelque ruse ou crainte, mais assuré de droit et de fait, nous avons donné et concédé, en notre nom et au nom de nos successeurs, à titre d’albergement perpétuel, aux Teutoniques de la vallée des ours et à leurs héritiers, la moitié de la vallée des ours susdite.
« Cette vallée est délimitée d’un côté par l’eau appelée Barberine , d’un autre par la montagne appelée Salenton , d’un autre par le lieu où naît l’eau appelée Noire jusqu’à la limite qui sépare le territoire de Martigny et le territoire de l’église de Chamonix .
« De même, nous signifions que les hommes susdits nommés Teutoniques, et leurs héritiers demeurant au même endroit, soient les hommes liges du susdit prieuré de Chamonix et soient tenus d’acquitter annuellement à la fête de saint Michel archange huit deniers de service et à la Toussaint chaque année quatre livres de cens au prieur de Chamonix du moment, sommes à verser et à acquitter intégralement.
« Et si quelqu’un des susdits Teutoniques veut se déplacer en un autre lieu, nous faisons savoir qu’il pourra emporter ses biens meubles avec lui librement et absolument, ainsi que vendre ses propriétés, le droit du domaine de Chamonix étant sauvegardé, mais à des hommes liges du dit prieuré et non à d’autres.
« D’autre part, ils pourront demeurer en paix et libres de menées , de visites et de corvées et, dans le respect des autres usages, droits et coutumes de l’église ou du prieuré de Chamonix, ils doivent obéir au prieur du dit lieu et sont tenus de répondre en tous points, dans le respect des droits de propriété et de seigneurie du dit prieuré conformément à ce qui est en usage et jouissance chez les autres hommes de Chamonix. En foi de quoi nous, prieur susdit, avons apporté notre sceau pour qu’on l’appose sur la présente page.
« Fait au cloître de Chamonix, l’année du seigneur 1264, le deuxième des ides de mai
« 

Ce document est riche de détails. Nous apprenons ainsi que la vallée de Vallorcine est appelée déjà « la vallée des ours », que celle-ci est confiée à une population dénommée les « teutoniques ». On y retrouve également la délimitation assez précise du territoire concerné. Par ailleurs, ces teutoniques resteront libres, c’est-à-dire que le prieuré de Chamonix leur reconnait le statut enviable de propriétaires des lieux.
Mais qui sont donc ces « teutoniques », pourquoi cette appellation ? Ont-ils été appelés ainsi par les prieurs de Chamonix ? Occupaient-ils déjà les lieux ? A-t-on simplement régularisé une situation nouvelle?
C’est difficile de le dire avec précision.
Actuellement, les chercheurs estiment que cette population serait probablement constituée de colons venus du haut Valais appelés les Walser. Ceux-ci, issus d’une population plus ancienne originaire de tribus germaniques arrivant du nord de l’Europe, auraient colonisé peu à peu les hautes vallées des Alpes, profitant d’une période climatique plus clémente pour le passage des cols alpins.

Qui sont les Walser :

source : Dominique Ancey . Association Valors’na

La migration Walser s’est effectuée par la colonisation de hautes terres d’altitude (près des cols) sous l’entreprise des monastères
De cette culture, peu d’éléments précis dans la vallée de Vallorcine permettent d’en affirmer l’implantation formelle. Cependant, quelques éléments d’architecture encore visibles dans le paysage vallorcin tels les regats ou raccards (commun à des vallées suisses et italiennes de culture Walser) sont peut être bien le témoignage de l’installation de ces « teutoniques » dans la vallée des ours.

1264-2014 Vallorcine a célèbré le 750e anniversaire de la charte d’albergement octroyée par Richard prieur de Chamonix aux Teutonici de Valloursine et à leurs héritiers à perpétuité.
La migration à travers les Alpes et la colonisation de ces terres d’altitude par les Walser est un fait unique par son amplitude et sa durée. Ces paysans défricheurs provenant de Souabe puis du Haut Valais ont été appelés par les pouvoirs ecclésiastiques et seigneuriaux. Les actes témoignant de cet appel sont les chartes d’albergement, en allemand Erblehenbriefe. Ils se sont installés dans le haut des vallées près des cols ce qui était stratégique au moment où le trafic de transit se développait. Là où ils se sont implantés, il s’est avéré que ce sont les territoires les plus soumis aux aléas tels que les glissements de terrains, avalanches etc. Au XIIIe siècle, l’émigration s’est d’abord produite vers l’ouest dont Vallorcine puis sur le versant méridional par les cols du Théodule et de Gries, ils ont fondé des colonies dans les vallées en étoile autour du Mont Rose ( dénommées la garde allemande par De Saussure): Macugnaga, le Val Sésia, Gressoney, le val d’Ayas. de Formazza à Bosco-Gurin et par les cols de la Furka et l’Oberalp ils ont essaimé les Grisons où ils se sont fortement implantés par touches. La fin de la diaspora se situe au XVe siècle, au moment du petit âge glaciaire, dans le Haut Prättigau et les deux Walsertal. Walser, contraction de Walliser (valaisan), est le terme utilisé pour les distinguer des autres populations alémaniques.
Max Waibel, spécialiste suisse des études Walser, décrit ainsi Vallorcine dans son ouvrage, « En chemin vers les Walser »

Une remarquable expression de l’art déco : la Banque de Paul Payot maire de Chamonix de 1888 à 1901

Dans les revues spécialisées d’architecture des années 1930, la construction de la banque Payot à Chamonix est souvent donnée en exemple. Réalisée par l’architecte Marcel Cochet, elle attire l’attention des spécialistes de l’époque pour l’originalité et la qualité du bâtiment.


A Chamonix, jusqu’à cette période, on construisait avec des boules d’Arve que l’on cimentait entre elles et que l’on enduisait de crépi ou d’enduit.
Marcel Cochet innove totalement.

Il élève l’ossature du bâtiment en béton armé. Il connaissait les aléas de ce type de ce matériau, notamment face aux différences de températures extrêmes de la vallée. Cette armature est ensuite comblée aux étages de briques creuses et est complétée par une cloison en dolomite (panneaux de paille, ligaturée réalisant un matelas isolant). En 1930, en Savoie, ce type de construction n’était pas chose courante, d’autant plus que Marcel Cochet ose utiliser le béton pour le toit ce qui provoqua bon nombre de questionnements de la part de ses confrères.
Son esprit vigilant le conduira à imaginer des méthodes complémentaires pour assurer l’étanchéité des terrasses. Il saura aussi profiter de l’expérience locale en adoptant des doubles cloisons et des doubles fenêtres pour mieux lutter contre le froid.
Les façades ont été traitées par une méthode simple : un revêtement de plaques moulées en simili granit poli, agrafées aux piliers de béton armé.
Le procédé est vraiment révolutionnaire à Chamonix.


Le 1er étage est occupé par l’appartement de Mr Payot, deux appartements occupent le second et un seul plus petit le troisième. Dans la partie supérieure, une zone plate « non aedificandi » est aménagée en terrasse pour qu’un hôtel, l’Impérial situé à l’arrière, conserve la vue sur le Mont Blanc.
Les façades de la banque sont décorées de panneaux de ferronneries d’une remarquable finesse (hélas disparues depuis) qui avaient été réalisées par la maison Schmidt de Chamonix.
L’architecture Art Déco a horreur des angles droits si bien que pour les immeubles d’angle on s’arrange toujours pour les couper ou les arrondir. Exemple frappant ici sur la banque :


Lorsque l’on parle Art Déco le décor joue évidemment son rôle. Ainsi sur la banque au dessus des grilles est inscrit en mosaïque le mot « change » en français, anglais, italien et allemand de même pour la Sur la façade où sont incrustés des panneaux de mosaïques de grès et d’émaux réalisées par une entreprise lyonnaisse.

Ceux-ci rappellent le souvenir de l’oncle Venance Payot, naturaliste, botaniste et collectionneur de cristaux qui tenait à cet endroit quelques dizaines d’années auparavant un muséum.
L’une d’elles représente une fleur d’edelweiss qui pourtant n’est pas une fleur de chez nous ! Peu importe, seul le décor compte.

Plus de 80 ans après, on ne peut que rester admiratif devant ce bâtiment unique trônant au cœur de Chamonix.

Publicité pour oxygène parue en 1898

En feuilletant  la  » Revue illustrée du Mont Blanc et de Chamonix » parue en  juillet 1898 on y trouve une publicité tout à fait  amusante sur la possibilité de commander de l’oxygène à emporter pour aller en altitude.

Il est précisé : « indispensable contre les troubles de la respiration et le mal des montagnes »

Dans une de ces revues, un long article écrit par Mr Joseph Vallot décrit d’ailleurs les difficultés que beaucoup ont lorsqu’ils tentent le mont Blanc. Il se plaint déjà du trop grand nombre de personnes se trouvant en haute montagne et méconnaissant le milieu

La source sulfureuse des Mouilles

La source sulfureuse de Chamonix
Dans un lieu secret peu connu des chamoniards se nichent les ruines d’un bâtiment abritant une ancienne source sulfureuse, découverte au début du XIXème siècle.


En 1823, une eau jaillissant des Mouilles, analysée par un médecin, Mr le Dr de Gimbernat, se révèle « minérale, froide, saline, sulfureuse», et obtient une autorisation royale d’exploitation.
Les frères Charlet , propriétaires du site et propriétaire ainsi que de l’hôtel de l’Union au centre ville, aménagent des canalisations de bois depuis la source des Mouilles jusqu’à l’hôtel afin de proposer à leurs clients des bains, luxe incroyable à cette époque.


En 1834, Mr Morin, chimiste de Genève, la considérait riche en « qualité thérapeutique ». Mais l’idée d’utiliser ces eaux fait toujours son chemin. En 1863, le docteur Depraz lance une demande d’autorisation d’exploitation Les sources des Mouilles sont alors étudiées avec soin par l’Académie de médecine de Paris. Celle ci estime « la sources sulfureuse conforme aux eaux les plus réputées contre les maladies de la peau, les ulcères et les cachexies » et les sources d’eau naturelle toutes proches se révèlent des « eaux ferrugineuses appropriées aux malades souffrant de constitutions lymphatiques et débilitantes ».
Cependant, le Conseil général des Mines estime qu’il ne sera pas possible d’accorder une autorisation définitive avant « qu’un captage convenable de la source ait été opéré ».
L’autorisation tarde à venir. Les hôteliers chamoniards rêvent de créer une station hydrominérale à l’image des stations thermales en vogue à cette période. On veut une belle station « climatérique ».
Le projet est relancé néanmoins toujours d’actualité.
Il faut attendre 1876, pour qu’une nouvelle étude soit faite, cette fois-ci par le docteur Duchosal : « l’eau jaillissante est une eau claire, limpide, dont l’odeur est celle des œufs couvés, dont la température est de 9 centigrades… ». Il indique, après analyse des eaux et enquête auprès de la population locale, « que ces eaux peuvent être employées en boisson, en douches, bains, injections, en inhalation et même peut être embouteillée. « Leur emploi peut être étendu à presque tous les cas de maladies chroniques dans lesquels on emploie les eaux de St Gervais… Peu de pays peuvent offrir autant de facilités pour un établissement hydrothérapique… ».
La société des hôtels réunis de Chamonix envisage un grand projet une grande installation avec hôtel de 300 chambres, exploitation de la source, couplée avec des bains de lait. Ce beau projet ne sera jamais réalisé. Cependant, les conduites seront emportées les inondations régulières de l’Arve et de l’Arveyron et elles seront abandonnées.


La première guerre interrompt toute idée de création d’une station thermale.
En 1930, nouvelle tentative. Le nouveau propriétaire, Mr Alphand, entreprend de remettre au goût du jour l’exploitation de la source. Les analyses sont réalisées quatre années de suite par le ministère de la Santé publique, qui lui accorde enfin en 1936, et pour 30 ans, l’autorisation d’exploiter les eaux. Mr Alphand construit alors un petit édifice au dessus de la source, aménage un kiosque à musique dégustation et se lance dans l’exploitation de sa source.


Elle prend le nom de « La vivifiante ». Les analyses seront faites très régulièrement. On abandonne vite l’idée d’embouteillage, l’eau ne conservant pas ses propriétés minérales.


Le petit établissement fonctionne ainsi une trentaine d’années, recevant quelques curistes et surtout des curieux et des habitués, la source ayant toujours sa réputation locale. Les médecins de la vallée recommandent à leurs malades d’en boire régulièrement l’eau.
Le débit de la source se réduit peu à peu, en raison des travaux de canalisations des sources naturelles voisines réalisés afin d’assécher les zones marécageuses de ce secteur de la vallée.
Les chamoniards continueront jusque dans les années 1970 à venir faire provision de cette eau aux qualités médicinales incontestées.

La source est abandonnée, mais les chamoniards s’y rendent toujours régulièrement, lui attribuant des qualités curatives appréciées de tous. Depuis, la source s’est tarie et le lieu est laissé à l’abandon.

n lieu secret peu connu des  chamoniards se nichent les ruines d’une ancienne source

Moulins : Une activité essentielle de l’économie chamoniarde des siècles passés

MOULINS : Une très ancienne activité chamoniarde.

De nombreuses lithographies et dessins nous apportent le témoignage d’une activité oubliée de nos jours, essentielle pour l’économie locale,  celle des moulins actionnés par le courant des torrents et cascades abondants dans la vallée.

Dès le moyen âge, se tiennent de nombreuses et âpres négociations avec les prieurs pour la mise en œuvre de machines actionnées par la force de l’eau. Moulins à farine, moulins à « foulon »  (chanvre et lin ), moulins de scierie. (voir dossier ci après)

Les plus nombreux seront les foulons associés à des tanneries pour travailler le chanvre.  Cette plante répandue dans toute la vallée était utilisée pour nombres d’objets : cordes, vêtements, draps. Travail fastidieux, pénible, avec de nombreuses opérations. 

Le plan des archives départementales  (1531)  indique onze moulins .  2 au Lac, 2 à Vaudagne, 1 aux Esserts, 1 à Merlet,  1 aux Tines, 2 à l’Outraz, 1 aux Frasserands. Ceux-ci  étaient toujours couplés avec des tanneries, des forges, des fouloirs ou des pressoirs.

HISTORIQUE DES MOULINS CI DESSOUS :

Avec l’arrivée des visiteurs et une nette amélioration des conditions de vie La vallée connaît   un nouvel essor, les moulins se développent et se généralisent.

Pour la conservation on utilisait de l’écorce de mélèze qui servait de tanin et des acides naturels pour la souplesse, d’où les odeurs fortes qui rejetaient les tanneries à l’extérieur des villages. On travaillait également le lin que l’on réservait pour les vêtements « du dimanche » et parfois quelques draps.

Mais encore plus fréquents étaient les moulins de scieries dont le  bois servait à la construction, à la fabrication du mobilier, aux  outils et alimentait les chauffages des maisons. Ce matériau était à la base de l’économie locale. Chaque hameau possédait une à deux scieries.

Il est intéressant de noter qu’en 1829 l’administration cherchait à contrôler ces scieries qu’elle considérait « comme nuisible » à la conservation des forêts, car nombreux étaient les propriétaires faisant des coupes de bois dites bois de lune (c’est-à-dire coupé de nuit sans aucun contrôle). Il y avait aussi quelques moulins couplés avec des forges. La forge comprenait un martinet indispensable pour travailler les outils agricoles.

 Ex le 28 octobre 1861 : Joseph Auguste Tronchet meunier cède aux frères Michel et Pierre Devouassoud, maréchaux et serruriers,  «le droit de placer dans la « bezière »  provenant de la rivière Arve qui fait mouvoir les moulins que le dit venant possède au sommet du bourg de Chamonix deux roues pour la mouvance d’un martinet et autres artefacts que les frères Devouassoud vont établir ».

moulin de la famille Tronchet en bordure’ d’Arve

Un moulin dépendait d’une installation hydraulique pour amener l’eau. Celle-ci était conduite au dessus de la roue à aubes par une canalisation de bois inclinée, sorte de chenal suspendu à ciel ouvert.  Souvent l’eau était détournée du lit principal du torrent par une bédière. 

Par sa force, l’eau actionnait le mouvement de la roue. La plus grande difficulté était d’avoir une amenée d’eau régulière. Les rapports de syndics du 18ème précisent que beaucoup de ces scieries ne fonctionnaient qu’en période de « hautes eaux », c’est à dire à la fonte des neiges ou en période de grandes pluies. D’ailleurs les scieries ne pouvant fonctionner toute l’année, les scieurs se faisaient bûcherons ou louaient leurs bras.

La charmante petite chapelle protestante d’Argentière

Nous connaissons tous la chapelle anglaise de Chamonix, face à la gare SNCF, implantée depuis 1860. Mais combien connaissent la chapelle protestante d’Argentière, située au fond du village, en retrait dans un lieu calme et protégé .


Dans le territoire des Savoies, depuis la rude période de la réforme du XVIè siècle, l’église catholique était omniprésente, veillant au salut de ses paroissiens. Elle reconstruit avec éclat nombre d’églises et chapelles, afin que chacun se mette sous la protection divine, mais catholique. Cependant, dans le pays du Mont Blanc, avec l’arrivée des visiteurs étrangers au cours du XIXè, six temples protestants seront édifiés au fil des ans sur les lieux de villégiature.
La chapelle anglaise de Chamonix deviendra, au cours du XXème siècle, un temple de l’Eglise réformée de France.

Un résident, protestant, Raoul Allier, normalien, professeur de philosophie à Paris, avait pour habitude de séjourner durant ses vacances à Argentière et de descendre au culte à Chamonix. Dans la chaleur de l’été 1914, il voit partir son fils Roger avec les jeunes hommes d’Argentière vers les champs de bataille de l’est de la France. Il n’aura plus de nouvelles jusqu’en mai 1916 quand lui est apportée la terrible annonce du décès de son fils dans la tourmente de cette guerre meurtrière.
Terrassé par cette douleur indicible, il réagit en organisant de nombreuses conférences ayant pour sujet la guerre. Il consacre son énergie à essayer de réconforter les souffrances humaines tout autour de lui.Quoique laïc, il est nommé doyen de la faculté de théologie protestante de Paris.Il aime à séjourner à Argentière. Ce monde de la montagne l’apaise. Il donne des conférences dans les salles de restaurants d’Argentière. Il se constitue ainsi tout un réseau d’amis qui partagent avec lui les mêmes convictions. C’est ainsi qu’ils conçoivent l’idée de construire une chapelle.

Avec eux il acquiert des terrains au pied de la moraine. Ces parcelles de piètre qualité ne laissent pousser qu’arbustes et buissons. Sera construite ici, dans ce lieu reculé et champêtre, une chapelle en bois de mélèze avec un toit d’ancelles, selon la coutume locale.
Elle fut Inaugurée en 1920. Raoul Allier en sera le premier prédicateur. Deux ans après est construit le presbytère pouvant héberger les pasteurs de passage

Durant la sombre période de l’occupation de 1943-44, le presbytère sera un des relais mis en place dans toute la vallée par la CIMADE pour le passage des familles juives vers la Suisse. Elles seront cachées dans la cave en attendant le moment pour franchir, avec les passeurs, la frontière toute proche.

Chargée d’histoire, sobre mais lumineuse, notre chapelle protestante, toujours dans son aspect d’origine, toujours sans électricité, mérite le détour par les confins d’Argentière.

Source : Archives de l’église réformée Arve mont Blanc

A Chamonix une ancienne villa typique de l’Art Nouveau : l’hôtel de l’Aiguille Verte

Cet hôtel en sortie de ville, riverain de la route des Praz, mérite plus qu’une observation rapide de sa façade. Construit en ces débuts du XXème siècle, il est l’une des plus belles expressions architecturales de l’art nouveau à Chamonix. Jules Bossoney, maire de Chamonix entre 1908 et 1920, est l’initiateur de la construction de cette superbe villa en 1906, à titre privé.


Tout d’abord guide, il participe à la construction de l’observatoire Janssen et à l’édification des refuges de la Charpoua et du Couvercle. Par la suite, élu de la commune, il se révèle un maire dynamique et entreprenant en cette période faste de la Belle Epoque.
Dès l’origine, cette villa est destinée à recevoir des visiteurs, qui sont de plus en plus nombreux dans la vallée. La construction comporte deux maisonnettes identiques reliées par une entrée commune.
Chaque habitation possède un salon, une salle de bains, une cuisine, des chambres en étage, une loggia et un logement pour le personnel.
Mais l’originalité de cette villa réside dans le choix de son décor résolument art nouveau.
La façade réunit une grande diversité de matériaux : bois, faux colombages, larges verrières dans la véranda, briques dans les angles, le tout typique de cette expression artistique.


Des céramiques aux couleurs éclatantes ont résisté au temps. Magnifiques, variées, elles ornent, selon la tradition de l’art nouveau, les dessous de fenêtres. Les ferronneries en volutes des rambardes sont à l’image de ce style décoratif nouveau en France.
L’intérieur se singularise par des sols faits de carreaux de ciment joliment décorés. Différents selon les pièces, ils ont été conservés et portent témoignage des nouvelles techniques découvertes à cette période.
Cette ancienne villa illustre avec réussite la fantaisie de cette expression architecturale qu’est l’Art nouveau en cette période de la Belle Epoque. Elle montre par ailleurs la volonté d’un maire sensible aux modes décoratives et faisant preuve de modernisme.

Venance Payot (1826-1902) : guide naturaliste, éditeur, collectionneur, conseiller municipal, maire

Un chamoniard naturaliste mais aussi guide, élu local, marchand, collectionneur, éditeur…Un homme actif de son temps. Il fait le Mont Blanc à 15 ans, il sera naturellement guide et son intérêt pour la géologie, la faune, la flore, les glaciers le conduira à participer aux expéditions des scientifiques venant à Chamonix. Il accompagnera ainsi le fameux Dr Pitschener.

A plusieurs reprises conseiller municipal il deviendra maire pour deux mandats le 1er de 1863 à 1864 puis de 1881 à 1882. Il obtiendra également un siège de conseiller d’arrondissement de la Haute Savoie de 1892 à 1898. Il s’opposera farouchement au projet de la construction du train du Montenvers publiant un pamphlet virulent contre la décision de la préfecture.

Il possédait au centre de Chamonix un magasin au nom de « Cristal de roche »ou il proposait à la vente cristaux, pierres diverses, papillons, objets en tous genre, livres etc.…

Il est l’auteur de nombreux guides et brochures destinés aux touristes qu’il vendait dans son magasin ou déposait dans les hôtels de Chamonix.

Ce naturaliste atypique avait accumulé tout au cours de sa vie coléoptères, minéraux, fossiles herbiers….se constituant ainsi une des collections les plus intéressantes de la région. Il échangeait très régulièrement avec les scientifiques de l’époque et de nombreuses sociétés savantes européennes.

Un érudit à part entière.

Conscient de sa collection étonnante il décide à l’âge de 70 ans de léguer ses diverses collections à la ville d’Annecy. Les objets seront accompagnés d’une somme d’argent dont les intérêts devaient servir à perpétuité à l’entretien de ses collections. Celles-ci furent exposées a partir de 1900 dans une pièce particulière du musée d’Annecy.

Actuellement les collections sont rangées dans les magasins et réserves de la bibliothèque d’Annecy. Elles furent exposées temporairement il y a quelques années au sein même de la bibliothèque de Bonlieu à Annecy.

Celle-ci a désormais, grâce à ces collections exceptionnelles, mis en ligne  sur le site de Lectura un parcours très intéressant  et très instructif sur Venance Payot.

                              

La dernière exécution capitale à Chamonix d’un crime réalisé à Vallorcine


Elle remonte au 28 janvier 1868, huit ans après l’annexion.

Le drame de Vallorcine raconté par Stephen d'Arve

Elle est relatée par Stephen d’Arve, commissaire de police et chroniqueur de la vie chamoniarde, qui a assisté à la mise à mort sur le pré de foire, actuelle Place du Mont-Blanc.
L’homme qui a été guillotiné, condamné à mort pour assassinat par la Cour d’Assises d’Annnecy, n’avait pourtant pas tué sa victime qui avait réchappé à son agression. C’est dire à quel point la justice de cette époque était expéditive !
Depuis 1814, la décapitation n’avait plus cours en Savoie, sous le régime de laquelle la pendaison était la règle.

Le « crime » eut lieu dans la nuit du 12 au 13 août 1867, dans le petit village de Vallorcine. A 10h du soir, un homme vint frapper à la porte du presbytère et réveilla l’abbé Mariaz, curé de Vallorcine. Il lui demanda de venir porter secours à son camarade très malade, recueilli à la caserne des douaniers du Chatelard. Le curé suivit l’homme en toute confiance, mais arrivé au pont sur l’eau noire, celui-ci lui assena plusieurs coups de gourdin sur la tête puis le poussa dans le torrent. Blessé mais vivant, entrainé par le courant, le prêtre parvint un peu plus loin à se hisser hors de l’eau et alla chercher secours chez un voisin. Le bon curé n’avait pas moins que 14 blessures à la tête !
Pendant ce temps, le bandit retournait au presbytère et, sous la menace, exigeait de la servante Mélanie qu’elle lui remit les économies du curé, quatre pièces de cinq francs et sa montre en or, puis s’enfuyait.
Aussitôt, les villageois, les gendarmes et les douaniers se mirent à la recherche de l’ « assassin ». Celui-ci fut arrêté pas loin de la frontière par les douaniers. C’était un valdotain du nom de Vicquery François-Basile, scieur de long de son état. Il nia farouchement être l’auteur du crime, mais un enfant avait retrouvé son chapeau dans l’Eau noire, perdu au cours de la rixe. Le chapeau portait la marque d’un fabriquant d’Aoste, c’était une preuve ! Il fut transféré pour une nuit dans la cave de la mairie, puis à la prison de Bonneville.
Durant l’enquête, le maire de Saint Gervais fit savoir qu’en avril dernier, le sieur Vicquery s’était rendu coupable d’escroquerie auprès de deux de ses administrés en fournissant une fausse identité et de fausses lettres de crédit. Ce fait fortifia l’accusation, on avait bien à faire à un homme à l’esprit retors, capable d’ourdir les plus sordides machinations et de préméditer un crime avec des ruses d’Appache.

Le procès d’Assises s’ouvrit à Annecy le 17 décembre 1867 devant une foule nombreuse. L’accusé continua à nier toute participation au crime.
Des discussions animées survinrent entre les spectateurs du procès. Pour certains, « la peine du talion ne semble pas applicable puisque la victime a survécu ». Pour d’autres, « la loi prévoit ce cas d’assassinat prémédité, non suivi de mort, mais avec intention de la donner ».
Le jeune avocat commis fit, en vain, tout ce qu’il put pour atténuer sa culpabilité en arguant des « coups et blessures sans intention de donner la mort ». Malgré cette plaidoirie, le jury, à l’unanimité, répondit par l’affirmative aux cinq questions posées par le président. Le verdict fut rendu après une courte délibération : « La cour condamne l’accusé Vicquery à la peine de mort et ordonne que l’exécution publique aura lieu à Chamonix ».
Le pourvoi en cassation et le recours en grâce par Napoléon III furent rejetés.
La veille du jour fatidique, deux « Messieurs » sont venus à Annecy « prendre livraison » du condamné pour le conduire sur le lieu de son exécution. L’un était l’exécuteur en titre de Grenoble, l’autre celui de Chambéry. Ils étaient accompagnés de l’abbé Laffin et de quelques gendarmes . On fit croire à Vicquery qu’on devait le conduire à Chamonix pour un complément d’enquête, mais apparemment il n’en crut pas un mot. Pendant le voyage qui se fit par un froid glacial, le prisonnier refusa toute nourriture et toute boisson tandis que les Messieurs et leurs accompagnants se restauraient lors des étapes. A Servoz la calèche fut remplacée par un traineau à neige.
Pendant ce temps était arrivée à Chamonix, en provenance de Grenoble, une lourde charrette chargée de la guillotine en pièces détachées.

Après une nuit passée à la caserne de Chamonix, le condamné fut emmené à 7h du matin au Pré de foire.
Une foule d’environ 1500 personnes se pressait autour de l’échafaud, c’est-à-dire l’équivalent de la population de Chamonix. On y dénombrait une majorité de femmes. Les témoins privilégiés, dont Stephen d’Arve, assistaient à la scène depuis les balcons de l’Hôtel d’Angleterre.
Le condamné reçut de l’aumônier une dernière absolution, baisa le crucifix, et gravit les huit marches de la plateforme, soutenu par les deux exécuteurs.
C’est ainsi que fut guillotiné à Chamonix le valdotain François Basile Vicquery . « Ce n’était heureusement pas du sang français » commenteront les spectateurs…

Stephen d’ Arve ne relata toute cette histoire que 30 ans plus tard, en 1901, dans un petit livre intitulé « Le drame de Vallorcine ». Dans son épilogue, citant Victor Hugo, il pose franchement la question de l’inhumanité de la peine capitale, supprimée depuis longtemps en Suisse et en Italie. « Etait-il nécessaire de faire jaillir à si grands frais tant de sang humain sur la neige immaculée de Chamonix ? »

De quand date la route Chamonix – Martigny :

Après le rattachement de la Savoie à la France,   Napoléon III veut visiter ses nouveaux territoires  et vient dans la vallée de Chamonix. Lors de sa venue, il fait un temps épouvantable. Effaré par le dangereux chemin muletier qui le conduit à Chamonix, Il décide de financer la construction d’une route carrossable de Sallanches à Chamonix, route qui sera terminée en 1870.

Diligence au départ de Chamonix

Très vite, les diligences assureront la liaison entre Genève et Chamonix. La route nationale est tracée vers Argentière puis arrive dans la vallée de Vallorcine entre 1882 et 1886. Un nouvel itinéraire vers la Suisse est alors tracé.

Mais qu’en est il de la route de l’autre côté de la frontière en direction de Martigny ?

Autrefois, pour accéder en Suisse, les voyageurs empruntaient le col de Balme (récit de Goethe lors de son passage dans la vallée en novembre 1779) : « …notre guide nous propose de passer le col de Balme, haute montagne au nord de la vallée du côté du Valais …  de ce point élevé nous pouvons encore , si nous sommes heureux,  contempler d’un coup d’œil la vallée de Chamonix…. ».

C’est à partir de 1825 que les valaisans déposent un projet de « route à chars » pour relier Martigny à Chamonix. On décide alors de passer par la Tête noire et le col des Montets.

Le passage de la Tête noire était connu de longue date comme un étroit chemin appelé le « mauvais pas ».  Le voyageur était contraint de descendre de son mulet en raison de la difficulté du passage au dessus du vide. Le percement d’un tunnel s’impose donc, et les travaux de la « roche percée » de Tête noire sont réalisés entre 1827 et 1836. C’est à cet endroit que s’ouvre en 1834 une auberge, futur hôtel qui ne sera détruit que lors de la modernisation de la route en 1950.

Le pont au niveau de la frontière suisse-sarde est refait à neuf en 1840.

Cependant, en raison des gros frais engagés, les travaux de la route avancent lentement.

Théophile Gautier, en 1868, nous précise dans son ouvrage « Les vacances du lundi » que le trajet se fait encore à pied ou à dos de mulet, mais que la route commence à être praticable aux chars légers. Mais la pente est  si raide entre  Martigny  et  le col de la Forclaz qu’en 1871 le conseil d’Etat doit rappeler  que le parcours reste un chemin muletier interdit à tout véhicule. La route ne devient officiellement carrossable qu’en 1875 et le passage du Châtelard sera élargi en 1888. La concurrence de la route des diligences de Vernayaz, Salvan, les Marécottes et Finhaut  sera longtemps d’une vive concurrence.

De plus l’itinéraire resta longtemps dangereux et impressionnant. Dans le livre «les folles années de Chamonix », Gaby Curral Couttet raconte : « … Tête noire porte bien son nom, je n’osais regarder dans un décor triste et sombre, ces abîmes à pic… Deux voitures ne pouvaient se rencontrer sans friser la catastrophe si bien qu’il était obligatoire de téléphoner du Châtelard à Tête noire et de Tête noire à Martigny pour savoir si la voie étai libre : que de fois avons-nous été contraints de nous arrêter à Tête noire pour attendre souvent plus de deux heures le passage de la voiture engagée dans l’autre sens… maman nous racontant le parcours qu’elle avait fait en diligence où le lourd véhicule risquait à tout moment de basculer … »

Ce n’est que plus tard dans les années 1950 que la route sera modernisée devenant largement plus accessible.

Sources : Sandro Benedetti : les voies de communications et le développement touristique. Les chemins historiques du canton du Valais. Berne : 2003

Le plus ancien hôtel d’Argentière toujours en activité ?

Construit vers 1863 – 1865 celui-ci n’a jamais changé d’activité depuis son origine. Édifié sous le régime de du nouvel Empire sous le nom d’Hôtel de la Couronne, il gardera ce nom jusqu’à nos jours.


D’après la famille Mortier ancien propriétaire, l’hôtel prit le nom de « Couronne » à l’instigation de la famille Devouassoux d’Argentière en succession de l’Hôtel de la Couronne de Chamonix détruit par l’incendie dévastateur de Chamonix en 1855. Cet hôtel (résidence Terminus actuellement), construit en 1832, était d’excellente réputation. Et reprendre le nom devait porter chance aux nouveaux aubergistes.

A Argentière, à cette même période, existait déjà une auberge, le Bellevue, datant de 1816, qui servait de relai pour les mulets. Ce village où les visiteurs commençaient à être de plus en plus nombreux manquait d’hébergement confortable.

vue hôtel de la couronne
Carte postale

L’hôtel de la Couronne sera plus agréable, sur deux étages, avec une vingtaine de chambres, certaines avec une cheminée (les conduits ont été retrouvés lors des travaux de rénovation). Ce nouvel établissement sera une étape très prisée sur le chemin vers la Suisse. Il deviendra à parti des années 1870 un relai de diligences.
Les familles propriétaires se succèdent, tout d’abord les Devouassoux, puis madame Muller, fille de la maison, ensuite Mme Lamy, petite fille, chacune apportant la modernité des temps présents.
En 1932, la maison s’agrandit d’un étage, ce qui lui donne son aspect actuel. On installe le chauffage central, grand luxe pour l’époque. Ce fut un bon choix, puisque l’hôtel sera grouillant de monde en 1937 lors des championnats du monde, sur la piste de la FIS, marquée par la victoire d’Emile Allais.

Carte postale


Monsieur Mortier prend le relai en 1958. Il affectionne cet hôtel, qu’il entretient avec persévérance et sens pratique. D’année en année il le modernise, installe des salles de bain dans chaque chambre et aménagera même une patinoire dans le jardin pour mettre à profit les froids sibériens des années 1960. Marcel Wibault assurera la pérennité de cette innovation par un superbe tableau qui rappelle aux anciens Argentérauds ces moments exceptionnels où tout Argentière se retrouvait au bord de la patinoire.
Mr Mortier, passe le relais à sa fille. Mais à 92 ans, toujours présent sur les lieux et toujours passionné, il prenait un réel plaisir à vous raconter avec moult détails ses souvenirs liés à Argentière. Une mémoire vive et intacte qui hélas s’éteint. L’hôtel connait de nos jours un nouveau propriétaire voulant lui donner son renouveau et ses éclats du siècle passé !

Il est probable que Mr Mortier serait très heureux .

Sources : famille Mortier

Viollet le Duc à Chamonix. Qui s’en souvient ?

Eugène Eugène Viollet Le Duc découvre Chamonix en 1868. Connu pour ses travaux de rénovation de bâtiments historiques, on a parfois oublié sa passion pour la montagne et ses études sur le massif du Mont Blanc.


Promeneur infatigable, il va durant plus de 10 ans se rendre l’été à Chamonix et arpenter chemins et sentiers, explorant chaque petit coin du massif du Mont Blanc. Accompagné de ses guides, il travaille du lever du jour au coucher du soleil, dormant parfois deux ou trois nuits consécutives en altitude. A Chamonix, il se raconte que Mr Viollet le Duc avait conçu un tabouret spécial. Celui-ci, monté sur des pieds aux hauteurs différentes, lui permettait de se positionner au mieux dans la pente lors de ses longues séances de dessin.
Ses études, ses esquisses, ses croquis, nous montrent un homme méticuleux soucieux de précision. Ses tableaux nous révèlent un peintre subtil maitrisant avec talent le travail de l’aquarelliste. Les atmosphères sont ressenties avec beaucoup de force et de justesse. Il réalisera plus de 600 tableaux et dessins

D’une étonnante modernité, il s’initie enfin à la cartographie et publiera en 1876 une carte à 1/40.000 du Mont Blanc admirable de minutie.

Quand il arrive à Chamonix pour la première fois en 1868, il loge à l’Hôtel Terminus tenu par Madame Tairraz.
Celle-ci, sachant à quel point il apprécie peu la clientèle séjournant à Chamonix, le recevra dès 1869 dans sa maison familiale située à la lisière de la forêt au pied du Brévent, au lieu dit « la Côte ». Madame Tairraz lui demandera alors de concevoir une seconde maison dite « maison à loyer » (une maison à loyer étant innovatrice pour l’époque puisqu’il s’agissait de construire une maison avec un logement pour le propriétaire et des logements aux étages supérieurs que l’on pouvait louer). Du jamais vu à cette époque
Viollet le Duc s’était depuis longtemps intéressé à l’architecture de montagne. Il estimait que celle-ci des était des mieux intégrées au paysage et à la morphologie des terrains accidentés.
Il se met vite à la tâche et dresse les plans de cette maison.
Il s’inspire des fermes locales pour élaborer son projet. Telle la ferme traditionnelle adossée à la pente, sa maison se composera d’une base en pierre surmontée de deux étages en bois. En amont, se trouvent cuisine, sanitaires et tout ce qui concerne la domesticité. En aval, les chambres s’ouvrent sur de larges fenêtres et balcons donnant sur le midi et les sommets.


Mais Viollet le Duc comprend aussi la nécessité d’avoir une maison moderne avec tout le confort… Chaque chambre disposera d’une cheminée et d’une salle de bain… Ce qui était révolutionnaire pour l’époque. Construite de 1872 à 1873, cette maison de Viollet le Duc se veut exemplaire. Il y montre ses talents d’architecte capable de construire une demeure confortable néanmoins inspirée de l’habitat traditionnel.

L’eau coulera bien longtemps sous les ponts avant qu’un autre architecte, Mr Henry Jacques le Même, de Megève, invente, 60 ans après, ce qu’il appellera « le chalet skieur » directement inspiré de l’habitation locale. Que de points communs entre eux !

La maison de la Côte deviendra, avec son annexe, « l’Hôtel des chalets de la Côte », tenu par Mr Harang. Puis les bâtiments seront partiellement transformés dans les années 1920 pour être occupés par une maison de santé pour enfants appelée « les Soldanelles ».

Chamonix oubliera vite ce personnage étonnant qu’était Mr Viollet le Duc.
Dans les années 1970, tout sera balayé par des promoteurs plus intéressés par le profit d’une grande résidence que par cette veille maison pour eux sans intérêt. Nul ne s’en est ému …
Dommage ! Sa vision de l’architecture moderne avait 60 ans d’avance !
Mais qui s’en souvient à Chamonix ?

Le « lac à l’Anglais ».

Pourquoi s’appelle t’il à l’anglais

Ce charmant petit lac, niché dans la forêt tout près du mur d’escalade, raconte une histoire étonnante. Celle d’un anglais si amoureux de Chamonix qu’il décide, en 1886, d’acheter ces parcelles situées à la sortie du hameau des Pècles.


A l’époque, les diligences empruntent cette route, d’où la vue est magnifique. A cet endroit, il y a deux fermes protégées par un paravalanche, et très peu d’arbres. Quelques bêtes paissent près de l’Arve. Il n’est pas difficile pour Lord Sinclair d’acquérir ces quelques prés sans grand intérêt, hormis la source qui jaillit et offre une eau limpide et surtout si fraîche. Est-ce cette belle eau qui incite notre anglais à choisir ce lieu ?

Lord Sinclair est client de François Couttet, guide et propriétaire du tout nouvel « Hôtel Couttet et du Parc ». Il vient régulièrement à Chamonix. Certainement fasciné par cette vallée enchanteresse, il cherche à créer ce qui, partout en Europe, est en vogue : un « parc à fabriques ».
En effet, depuis quelques décennies déjà, des parcs ou des jardins sont créés en de nombreux lieux afin d’inciter à la promenade, à la découverte, sans être dérangé par des éléments extérieurs.
Dans ces parcs sont construits des édifices décoratifs (appelés des « fabriques ») qui doivent dégager une atmosphère rustique, antique ou… asiatique.
Nous connaissons tous le jardin du Petit Trianon, où le promeneur traverse des rochers et des grottes aménagées artificiellement afin de lui donner le sentiment de se retrouver dans une nature sauvage ! Ou encore le parc Monceau et ses temples antiques !
Notre ami John Sinclair, particulièrement touché par la nature forte qui s’impose en ce lieu dominé par le Mont Blanc, décide alors de creuser un lac au contact de la source abondante qui nait au pied du rocher. Il plante à proximité des arbres inconnus dans la vallée. Il aménage de fausses grottes

,puis il fait construire une fausse ruine au bord de l’eau… Un petit sentier qui monte graduellement au-dessus du lac permet au promeneur de se livrer à la rêverie ou à la méditation. Nous sommes encore dans la sensibilité du romantisme finissant du XIXème siècle.

Ce petit lac est devenu la folie du moment. Tout touriste venant à Chamonix empruntait un mulet ou se rendait à pied pour aller visiter ce que chacun chantait comme le lieu « à voir ». On naviguait en barque sur le lac, on se faisait peur à franchir les pas dangereux qui permettaient d’accéder aux grottes. On poussait des portes artificielles de pierre pour passer d’une grotte à l’autre puis, tout en bavardant, on se rendait au kiosque qui dominait le lac d’où l’on avait la vue la plus merveilleuse de la vallée.

Le temps a passé. Les épicéas ont pris le dessus, créant une forêt sombre. Le promontoire fut pris d’assaut par les ronces, les grottes abandonnées furent endommagées, on créa de nouveaux aménagements.

L’intérêt se porta désormais sur le nouveau lac, plus grand, créé pour édifier les remblais de la nouvelle voie ferrée. Ce fut le nouveau lieu de rendez-vous. Seuls dans la mémoire des habitants des Gaillands resteront le nom de « lac à l’anglais » et du « kiosque à l’anglais ».

Bien plus tard, en 1939, certains chercheront la manière d’exploiter l’eau de la source si fraîche et si pure. Et dans les années 1970 de gros projets immobiliers menaceront ce lieu secret. Le terrain est alors acheté par la municipalité.

L’attraction principale est aujourd’hui le rocher d’escalade où viennent s’exercer les grimpeurs. Connaissent-ils eux même l’histoire de ces lieux ? Le calme du lac et de sa ruine est désormais animé par les cris des enfants suspendus à la tyrolienne qui le traverse. Saura t’on leur raconter l’histoire de ce lieu un peu hors du temps et riche d’une histoire originale ?

Le plus vieux parchemin de Chamonix

Les archives départementales de Haute Savoie possèdent un document des plus précieux pour Chamonix et des plus anciens pour la Haute Savoie : la charte de donation de la vallée aux moines bénédictins de saint Michel de la Cluse dans le Piémont.
Mais comment ce magnifique parchemin en bon état daté de 1091 est-il arrivé jusqu’ à nous ?


Lorsqu’en 1519 les chanoines du chapitre de la collégiale de Sallanches succèdent aux religieux de l’abbaye de saint Michel, ils descendent dans leur résidence principale à Sallanches le gros des archives de leur succursale .C’est là, dans un grenier, que le notaire Bonnefoy les découvrira en 1831 et les transférera chez lui pour les étudier. Plus de 449 liasses de l’ancienne collégiale. Celles- ci avaient échappées à la destruction des armées révolutionnaires.
Le texte de la charte n’était cependant pas inconnu puisqu’en 1660 Samuel Guichenon, érudit, le publia dans son « histoire généalogique de la royale maison de Savoie ». Mais nous devons la redécouverte de la charte à Markham Sherwill qui, en 1832, curieux de l’histoire chamoniarde, rencontre Mr Bonnefoy ce qui lui permet de remettre aux yeux du monde une part de l’histoire chamoniarde : … « à la première vue des vénérables papiers je compris la joie enthousiaste qu’éprouve un antiquaire en découvrant quelques nouveaux trésors… et la poussière qui les recouvrait paraissait aussi vieille que le Prieuré lui-même ». Il publie ainsi en 1831 à Londres la première histoire de la vallée de Chamonix.
En 1879 et 1883 Mr Bonnefoy publie les pièces les plus importantes dont la charte datée de 1091. Photographiée, elle sera alors éditée à plusieurs reprises. Vient alors en 1907 la séparation de l’Eglise et de l’Etat, les documents sont rapatriés aux archives départementales.
Immédiatement, les historiens se penchent sur ce document précieux .On le soumet à l’Ecole des Chartes où l’historien Maurice Prou écrivait à son collègue annécien «je ne crois pas que l’écriture puisse être de la fin du XIème … On la daterait plutôt du milieu du XIIème, ne serait-ce pas une charte du XIème recopiée ou interpolée ou en tout cas refaite au XIIème ? Remarque intéressante qui ne sera reprise qu’en 1979 par Jean Yves Mariotte qui, directeur des archives départementales, effectua un examen serré et en proposa une traduction précise (texte ci-dessous).
Ce document « vrai-faux », selon Mr Mariotte, a tourmenté nombre de spécialistes car si on s’en réfère aux documents de l’époque, ce parchemin manque de précisions : pas de lieu, pas de date précise. Certes les témoins et les signataires sont bien attestés, mais le texte est bref et on est frappé par l’imprécision dans l’identification. A l‘époque, les dotations énuméraient généralement dans le détail les donations. Surtout on ne mentionne ni les hommes qui, en général, sont toujours cités, et l’on reste dans une description générique trop imprécise. Le rappel au règne d’Urbain II permet de dater la signature entre 1089 et 1099.
Les historiens en concluront que cette charte a été reprise au XIIème siècle. Effectivement, dans ces mêmes archives, deux actes datés de 1202 et 1204 marquent le début d’une série de pièces de plus en plus abondantes qui montrent, selon Mr Mariotte, « une identité de main et une quasi simultanéité chronologique ».
La fameuse charte de la fin du XIème serait donc la transcription abrégée voire la nouvelle rédaction dans la seconde moitié du XIIème voir même plus tard d’un acte ayant réellement concédé aux Bénédictins la totalité de Chamonix.
Pourquoi ?
Il faut savoir qu’à l’époque, lors de donation aux grandes abbayes savoyardes, les seigneurs conservaient « l’avouerie ». C’est-à-dire la protection et la défense du lieu. Il est probable que celle-ci avait été usurpée par d’autres seigneurs (probablement les Nangy). La garde du prieuré fut reprise en1204 par les comtes de Genève. Les moines exhumant un document élagué de toutes dépendances envers les comtes de Genève afin d’affirmer leur autonomie.
La charte attribuée à 1091 serait donc une version remaniée du document original du 12ème siècle, mais le document nous confirme bien que la vallée été donnée aux moines en fin du 11ème siècle.

Source : article de Mr Paul Guichonnet. Journal Le Messager septembre 1991.

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