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Auteur/autrice : Christine BOYMOND LASSERRE

Guide conférencière. Pratique ma profession depuis maintenant plus de 40 ans. Ai acquis une longue expérience et de larges connaissances en terme d'histoire de patrimoine et d'architecture. Toujours passionnée par ces thèmes et ces sujets !

Les mulets dans la vie chamoniarde au cours du XIXème siècle

Nombre de photos belles et variées nous montrent l’importance  qu’ont joué les mulets dans le développement touristique de Chamonix.

Les voyageurs n’étaient pas toujours  des marcheurs habitués à la montagne, aussi ce moyen de déplacement leur convenait parfaitement bien. On compte plus de 300 mulets en 1879 ! Ce n’était pas anodin car pour ces mulets il y avait une réglementation très stricte liée à celui de la compagnie des guides.

Dans le règlement de 1879 de cette compagnie, il y a une dizaine d’articles concernant les mules et mulets!

Tout d’abord, dans la première quinzaine du mois de mai, se pratiquait la revue des mulets et de leur harnais. Ceci sous le contrôle du maire, du président du conseil d’administration, du guide chef, d’un vétérinaire, d’un sellier. Si les bêtes étaient  impropres au service elles étaient refusées. Et si pendant la saison une monture était signalée comme vicieuse ou inadaptée à sa fonction on procédait à une expertise spéciale.

C’est le guide chef  qui les  inscrivait  au tour de rôle si elles  étaient reconnues aptes au service. C’est encore lui qui  fournissait le nombre de montures nécessaires pour chaque  client. Les mulets et montures étaient sujets à un tour de rôle comme les guides. Chaque monture devait être munie d’une selle  pour hommes et d’une selle pour femme, des harnais, bâts, courroies et autre objets nécessaires, le tout devant  être en bon état.

Dans les passages difficiles, les  voyageurs ayant plus de quatre mulets devaient avoir deux guides. Il était interdit de maltraiter les mulets sous peine de privation de tour de rôle.

Les familles n’étaient autorisées qu’à une seule monture, c’était le drame si la monture n’étais ps acceptée.

Une mule ne pouvait être inscrite  que par  son propriétaire.

Chaque monture portait au sabot son numéro d’ordre et était  numérotée aux frais de la compagnie.

Le mulet arrivé en retard ou  pas convenable harnaché perdait son tour de rôle.

Il fallait payer un droit d’inscription et les frais de visite  de 4 francs. 

Le prix de la course du mulet était payé au guide qui l’avait dirigé.

Ce guide devait  immédiatement payer son dû au propriétaire du mulet sinon il perdait son tour de rôle. Le guide qui proposait  aux voyageurs une bête non inscrite au tour de rôle prenait le risque, non seulement d’une forte amende, mais aussi de perdre son tour de rôle.

Tout guide qui avait maltraité ou laissé stationner le long des routes, devant les auberges ou ailleurs, les montures qui lui avait été confiées était passible de la perte du tour de rôle ou pire en cas de  récidive.

Il était interdit à tout jeune homme de retourner les montures avant l’âge de 14 ans. Les guides qui employaient comme rantourneurs des enfants âgés de moins de 14 ans étaient  passible de perte de deux tours de rôle.

Les mulets seront pendant plus de cinquante ans au cœur de la vie touristique de la vallée. Lors du projet de la construction du train du Montenvers, les chamoniards se sont fortement opposés à ce nouveau moyen de transport, voyant là une concurrence néfaste à leur activité. Les mulets connaîtront encore au début du XXème siècle une activité touristique, pour le  glacier des Bossons, le Brévent, la Flègère, le glacier d’Argentière… Mais la modernité et les débuts des téléphériques marqueront la fin définitive de ce type de locomotion.

  

La saison touristique à Chamonix en 1865

Ce n’est pas nouveau… Déjà en 1865, on étudiait   le passage  des touristes dans la vallée de Chamonix.

Ils fréquentent pourtant le prieuré de Chamonix depuis près d’un siècle.

En 1783 ils étaient 1 500 !

En 1830 on en compta 3 000.

En 1861, la vallée est française depuis un an, l’Etat  se préoccupe du tourisme et édite déjà une série d’ouvrages afin de promouvoir la Savoie. De magnifiques lithographies sont éditées et on compte  de plus en plus de visiteurs se présenter dans ce nouvel éden touristique qu’est la vallée de Chamonix.

1865  marque la 1ère année d’une grande  fréquentation. Certes la route promise par Napoléon III n’arrive pas encore au centre  de Chamonix, mais les touristes affluent très nombreux malgré l’accès difficile avec des chars à bancs !

Si de 1786 à 1860  (en 64 ans) on dénombre 115 cordées vers le Mont Blanc,  on en compte  178 de 1860 à 1865 (soit en seulement 5 ans).  Le mouvement est donc lancé.

En 1865  on  compte 2 747 français  alors qu’on reçoit  3 669 anglais, 3 004 américains, 1 097 allemands, 227 belges, 214 italiens, 173 russes (membres de famille impériale, officiers de la garde), 119 suisses, 108 hollandais, 43 espagnols, 4 turcs, 2 indiens et 382 non répertoriés.

Soit 11 789 visiteurs au pied du Mont Blanc alors que Saint Gervais ne reçoit que 320 étrangers et seulement 32 voyageurs se rendent dans  la vallée du Giffre. Le nombre des visiteurs à Chamonix aura quadruplé  en  35 ans. L ‘état s’en félicite et on précise que…  « l’intérêt de Chamonix n’est pas seulement local , c’est un intérêt général, Chamonix est le rendez vous des touristes du monde entier et leur affluence par la facilité des communications deviendra une source inépuisable de prospérité pour notre département ! »

Les jours de pointe sont les 16 et 17 juillet,  22 et 29 août.

Cette même année, 35 alpinistes réussissent l’ascension du Mont Blanc.

La saison en 1865  débute vers la fin juin pour se clôturer début octobre.

En ces années de milieu de siècle  Chamonix a déjà une grande expérience de l’accueil, les hôtels sont nombreux.

L’hôtel Royal (actuel  Casino) de grande réputation, Hôtel de Londres et d’Angleterre, Hôtel de l’Union (construit en 1816. détruit en 1930), Hôtel de Saussure ou Grand Hôtel Impérial (actuel Hôtel de Ville), Hôtel de la Couronne, (actuelle résidence du  Relais de poste) Hôtel du Nord, Hôtel Mont Blanc, Palais de Cristal, A la Réunion des Amis chez Simond ( il est précisé propre et prix modérés), Pension des Alpes.

Il  est notifié que l’on trouve des Bains à l’hôtel Royal et à l’hôtel de Londres.

 Sur le guide Joanne (ancien guide bleu) de 1865 il est précisé que : « ces hôtels, surtout les trois premiers, sont aussi bien tenus que ceux des grandes villes,  mais… depuis 20 ans ils ont beaucoup élevé leurs prix. Du reste pendant les mois de juillet et août, il est souvent difficile de s’y procurer une chambre. »

A Chamonix,  on trouve des cafés avec des billards,  des cabinets de lecture, des magasins de diverses denrées. On informe que l’on peut admirer les plans en relief du Mont Blanc chez Michel Carrier. Et il est de bon ton de se promener en début de soirée avec ses plus belles tenues vers la passerelle située au dessus de l’Arve. La poste est ouverte tous les jours de 7h du matin à 21h ! On recommande la boutique de Venance Payot, naturaliste,   pour la qualité et la variété de ce qui y est vendu.  On mentionne  les photographies publiées par les frères Bisson, Baldus, Soulier, Ferrier, Braun…

On évoque également le règlement de la Compagnie des guides datant de 1862 avec ses diverses particularités!  On donne avec précision les tarifs des guides, des porteurs, des mulets. On recommande certains plus que d’autres ! La liste des excursions  est longue : les différentes cascades,  le Brévent, le Montanvers, Le Jardin de Talèfre,  la source de l’Arveyron, le Mont Blanc. Le 10 octobre la saison ferme. Le poste de gendarmerie détaché pour Chamonix est dissous. Les hôtels ferment.

Tout est décrit dans le moindre détail dans ce guide. Cet ouvrage très instructif est  incroyablement précis et enrichissant pour qui veut connaître les débuts du tourisme dans cette vallée des Alpes.

1865 marques le début d’une longue aventure touristique pour la vallée de Chamonix.

Sources : Mr Guichonnet, Revue de géographie alpine de 1944 numéro 4 . La saison touristique à Chamonix en 1865- Le bulletin, journal de l’arrondissement de Bonneville – 1865- Guide Joanne : Itinéraire de la Suisse – 1865 -A Joanne : Voyage en Suisse.

Pourquoi le Buet est il surnommé le « Mont Blanc des Dames »

Le Buet est le sommet le plus élevé de Vallorcine. Il culmine à 3040m.

Le Buet s’appelait au XVIIIème siècle  « la Mortine » signifiant « terrain schisteux et délité » d’après le patois « mortena ».

1765 : première tentative d’ascension par Jean André Deluc et son frère, savants genevois.

20 septembre 1770 : ces mêmes frères Deluc atteignent les premiers le sommet du Buet, par le versant de Sixt. Ils y mènent une série d’expériences dont le calcul du temps nécessaire pour porter de l’eau à ébullition à cette altitude. Ils sont les premiers à utiliser le baromètre pour mesurer une altitude. On considère cette épopée comme la première ascension en haute montagne dans les Alpes.

1775 : première ascension depuis Vallorcine (par le vallon de Bérard) par Marc Théodore Bourrit accompagné de son guide vallorcin Pierre Bozon. Il lui fallut d’abord établir que cette montagne appelée « la Mortine » par les habitants de Vallorcine était bien ce que les habitants de Sixt appelaient « le Buet ».

1776 : Horace-Bénédict de Saussure reprend l’itinéraire de son compatriote. Il y fait des observations préalables à l’ascension du mont Blanc.

Mais pourquoi donc ce sommet est il surnommé le « Mont Blanc des Dames » ?

Beaucoup pensent qu’en raison de son altitude moins élevée que le Mont Blanc et à sa ressemblance avec celui-ci il est plus aisé d’accès pour les femmes. Explication bien accommodante. Mais est ce bien cette raison ?

Si à Chamonix on se glorifie, avec raison,  en 1786 de la réussite de la première ascension du Mont Blanc, on a occulté une première féminine réalisée durant ce même mois d’août 1786.

Effectivement  trois jeunes femmes anglaises  (19, 30 et 36 ans ) originaires du Devonshire  gravissaient le Buet accompagnées de Jean Pierre Béranger et du guide Jean Baptiste Lombard. Elles deviennent les premières femmes à gravir un sommet de plus de 3000m.

Elles s’appellent Jane, Mary, Elsabeth Parminter

Cette information a été rapidement oubliée.

On retrouve trace de cette ascension dans une lettre écrite par Th. Bourrit   «… trois dames anglaises du nom de  Parminter, sont aussi montées sur le glacier du Buet, conduites par M. Bérenger et le guide nommé Grand Jorasse. Elles ont eu quatre heures de neige à parcourir avant d’atteindre le sommet… ». (lettre du 20 septembre 1786)

Hans Ottokar Reichard dans le guide suisse de 1793 raconte à propos du Buet … « pendant que j’étais à Chamonix trois anglaises du nombre desquelles étaient Miss Parminter firent cette ascension… »

De même dans la revue de  l’Alpine Club de 1957 Gavin de Beere fait connaître aux alpinistes britanniques le nom des femmes dont parle Bourrit. « …en août 1786 le Buet était tenté par Mlles Jane, Elisabeth et Mary Parminter originaires  du Devonshire ». « …Mr Berenger et deux dames y  sont parvenus ». précise Gavin de Beere. Il est probable que deux de ces demoiselles, Jane et Mary, sont allées au sommet, la troisième étant handicapée… « Elle n’a pu se résoudre à mettre le pied sur la neige » et aurait  attendu ses compagnes plus bas. Il sera d’ailleurs un temps appelé le Parminter Peak. In « 1786 Jane, Elizabeth Mary Parminter climbed Mont Buet of 3096 metres in the Alps. The three Parminter ladies are now recognised as the first women to reach any alpine summit over 3000 metres”.

Hélas, nous n’avons  pas de récit écrit par ces fameuses miss anglaises. Nous savons par la famille qu’elles s’embarquent d’Angleterre le 23 juin 1784 pour plusieurs années afin de réaliser le fameux « Grand Tour », qu’elles ont beaucoup arpenté les montagnes voisines du Valais, qu’elles sont deux sœurs, Jane et Elisabeth et qu’elles ont en charge leur cousine orpheline Mary. Elisabeth est handicapée et d’ailleurs mourra très jeune.

Ce qui est intéressant à noter c’est  que les hommes n’étaient pas les seuls anglais à entreprendre ce Grand Tour, mais qu’en 1784, trois jeunes femmes fortunées, se sont également lancées dans cette aventure.

Ce fut donc probablement la raison pour laquelle le Buet est appelé le « Mont Blanc des Dames » car il a été gravi pour la première fois par des femmes, la même année que la première ascension du mont Blanc.

On leur doit bien cet honneur !

Sources /Marc Théodore Bourrit, Hans Ottokar Reichard , revue Alpine Club

Le clocher de l’église Saint Pierre d’Argentière  n’est il pas  le plus beau de la vallée ?

Les Argentérauds l’affirment : oui, il est le plus beau !

A la vue des anciennes lithographies ou tableaux, le clocher n’a pas la forme connue de nos jours. Comme pour les églises de l’ancien duché de Savoie, le clocher  est relativement simple, une flèche s’élançant vers le ciel,  à l’image des églises savoyardes.

En fait,  le clocher d’Argentière subit ce que tous les clochers savoyards vont connaître durant la période révolutionnaire. Le gouverneur Antoine Albitte, envoyé pour établir le gouvernement révolutionnaire en 1793, ordonne que « toutes les maisons des villages soient  à même hauteur y compris les anciens bâtiments de culte ». Ce Robespierre savoyard  fera raser tous les clochers de Savoie en 1794 : 800 clochers détruits, 1600 cloches fondues !

Mais voilà,  le temps passe,  et dès 1815,  sous la restauration du régime sarde, les églises peu à peu sont reconstruites. Les Houches, Chamonix, Argentière entament les travaux de reconstruction de leur clocher. En 1815 on voit les autorités locales s’inquiéter de l’état du clocher d’Argentière et décider de vendre des terrains afin  de financer les travaux de sa restauration. Il faudra attendre 1845 pour voir enfin les travaux achevés.

A l’époque,  l’ensemble des clochers de la vallée sont reconstruits selon un modèle dit « clocher à bulbe ». Pourquoi ? Peut être les artisans se sont ils  inspirés des clochers à bulbes de certaines anciennes églises savoyardes réalisés dans d’autre communes.

 Il est notoire  que c’est d’au-delà des Alpes leur sont parvenus le dôme et le lanternon, soit de  Franche Comté, soit des  pays germaniques ou encore  d’Italie. Les artisans savoyards émigrants ont su s’inspirer des idées créées ailleurs ; Il les  ont adaptés . Celui d’Argentière est le plus sophistiqué, le plus élégant de la vallée.

A sa base, on voit une première partie octogonale  surmontée d’un lanternon ceint d’une galerie, il y a ensuite un premier dôme, un second lanternon et un second dôme et finalement une flèche. 

Sa beauté est incontestable, on remarquera son parfait équilibre.

A l’époque de sa réalisation, le clocher avait été recouvert d’écailles de fer blanc, une tôle d’acier recouverte d’étain. Ce fer blanc avait la particularité de rouiller ce  qui donnait au clocher  une couleur dorée très chère aux Argentérauds. Cette couleur était produite par un processus intéressant. En fait,  les conditions d’étamage de l’époque n’étant pas parfaites,  l’eau réussissait à traverser l’étain jusqu’au fer  donnant à notre clocher cette couleur si chaude.

Ce clocher magnifique semble en effet  être  « doré ». Grand  nombre de visiteurs l’admirant s’imaginent qu’il est recouvert de petites tuiles de bois. L’illusion est parfaite !

Lors de la restauration  de 1986, le curé Eyrehalde tenait avant tout à retrouver cette couleur. Mais les techniques modernes de fer étamé ne permettaient plus d’obtenir le même résultat .Les Argentérauds partirent alors à la recherche d’un artisan travaillant « à l’ancienne ». C’est finalement  en Angleterre que l’on trouva un professionnel capable de fabriquer ces tuiles si particulières.

Et c’est grâce à Gérard et Thierry, Compagnons du Tour de France, après des milliers d’heures de travail acharné pour la pose des tuiles, que  le clocher retrouva son aspect si  original.

Il fut inauguré le dimanche 24 janvier 1986. Ce clocher magnifique semble en effet  être  « doré ». Grand  nombre de visiteurs l’admirant s’imaginent qu’il est recouvert de petites tuiles de bois. L’illusion est parfaite .

Histoire et patrimoine de la vallée de Chamonix

Les Bouchards : connaissez vous ce hameau hors du temps ?

 Au delà des Houches, dans ce petit vallon caché de Vaudagne sur le chemin vers le mont Borrel se niche un hameau des plus magnifiques.

Ici le temps est suspendu. Quelques maisons, entourées de greniers et remises,  un four à pain. Pas de clôtures. Il y a les Bouchards d’en haut,  avec trois maisons, les Bouchards d’en bas avec cinq maisons. En patois  on dit les Bouchards d’ava et les Bouchards d’amon.

On apprécie ce milieu préservé, authentique. Certaines de ces  anciennes fermes ont été restaurées,  sans ostentation, dans le respect de l’architecture originelle. La plupart datent de la fin du 18ème, début du 19ème.  Sur la mappe sarde  on en comptait un plus grand nombre.

Ces fermes sont édifiées selon le même plan, comme toutes celles de notre vallée. Leurs bases sont construites avec les pierres des torrents, jointoyées à la chaux puis crépies  également à la chaux.   Ce rez-de-chaussée    abritait  à la fois les hommes, à l’aval du bâtiment  vers le soleil. et  les animaux  à l’amont (vaches- chèvres-cochon,  parfois un mulet).Le long des façades, sur le pignon avant, courent des galeries où l’on faisait sécher le linge et aussi les petites récoltes comme les oignons ou les prunes produites dans les champs du côté de Servoz -Passy. De même pour  le chanvre ou le lin qui étaient suspendus à de  longues perches accrochées au pignon.

 Pour accéder  à l’intérieur on emprunte  une sorte de « sas » appelé le « devant de l’Outa ». Celui-ci  donne sur  deux portes. L’une ouvre sur un  un couloir appelé « puech » par lequel on accédait   au logement familial, d’abord   à la cuisine appelée outa. Outa lieu de la « bourne » immense cheminée traversant la totalité de la maison. A l’intérieur on y fumait les salaisons, provisions indispensable pour la survie de toute la famille.

De là on accédait au   pèle, pièce chauffée par un poêle, le  lieu de vie de la famille. Parfois trouve t-on  une chambre supplémentaire  pour les parents.

Du « devant de l’outa »  une autre porte donne  accès à l’écurie où se tenaient  les bêtes  le temps des longues périodes d’hivernage.

Au sous-sol se trouvait la cave. Y étaient entreposés les fromages fabriqués par la famille, les salaisons fumées ou salées sur place,  les réserves de « tartiffles » (pommes de terre) ou fruits produits dans  les environs.

La partie supérieure abrite la grange à foin. Une  charpente dite « à colonnes » s’appuye  sur la maçonnerie du bas.  Les parois sont formées par un mantelage de planches horizontales non jointes afin d’aérer l’ensemble. Adossée à l’amont, est aménagé  un accès de plain pied. On  stockait « les trosses » de foin,  afin de nourrir les bêtes durant les longs mois d’hiver.

Chacune des ses fermes possède un, voire deux greniers. Un four a été restauré.

Ici on est en paix.   Respectons ce lieu magnifique…

Merci à Yves Borrel pour sa collaboration

Histoire et patrimoine de la vallée de Chamonix

Christine Boymond Lasserre

 

 

 

 

A Chamonix, qu’est-ce que  le Pont de Cour ?

  Traverser l’Arve autrefois  a été une problématique majeure pour nos anciens. Avant d’accéder dans la vallée de Chamonix on  franchissait le torrent à Servoz par le fameux pont Pélissier, régulièrement emporté par des eaux dévastatrices, puis  le chemin restait sur la rive gauche.  Avant d’arriver au bourg de Chamonix on retraversait l’Arve  aux Bossons par le pont de Pierralotaz.

Au cœur de Chamonix,  il existait  un seul et  unique passage pour passer sur l’autre rive : le fameux pont de Cour.

Aujourd’hui, nous avons un grand et large pont de pierres situé entre la poste et le bar de la Terrasse. Ce lieu s’appelle, depuis le Moyen Age, le Pont de Cour.

On le trouve parfois orthographié Cour, Court ou encore Couz.

Court ou Cour   provient du bas latin curtis,  c’est-à-dire « cour de ferme » ou « enclos comprenant maison et jardin, tenure ». Ce qui serait assez logique puisque  les prieurs  possédaient en bordure d’Arve une grange,  deux moulins,  un  battoir,  justifiant ainsi  le nom de notre pont. Mais alors pourquoi dans certains documents trouve-t-on parfois Couz? Couz dans les Alpes signifie un col. Ici ? Un col ?  Peut être un lieu ou les berges se resserrent? En tous cas certainement un lieu où il était relativement aisé de traverser grâce  à  une passerelle. En 1435, à la lecture des actes signés entre les prieurs et les communiers, on apprend que les riverains ont l’obligation d’entretenir les routes et les ponts, mais on ne relève rien de précis concernant notre pont au cœur de Chamonix.

 Ce Pont de Cour fut en 1635  l’objet d’une transaction entre la communauté de Chamonix et le chapitre de la collégiale de Sallanches. Il est précisé que « la communauté de Chamonix sera tenue à perpétuité de rendre accessible le Pont de Cour avec une largeur suffisante pour y passer les chariots, à la charge néanmoins que les seigneurs du Chapitre seront tenus de faire le port de tout le bois et qu’ils seront tenus de le couper dans la dimerie de l’église du lieu »

Ainsi, un seul pont de bois donnait accès à la rive gauche, régulièrement emporté par les débordements  de l’Arve. Cette petite passerelle  n’était pas plus large d’un mètre. Mais toujours  elle fut reconstruite au même endroit. Paul Payot,   dans son livre « Au royaume du Mont Blanc », nous apprend que le 18 septembre 1801 le pont de Cour est tombé avec sept vaches appartenant au frère Désailloud…  Les vaches n’ont pas eu de mal, heureusement !

L’Arve, rivière indisciplinée au cours changeant,  avait pour habitude de déborder de ses berges, pour preuve certaines photos du 19ème siècle qui nous montrent l’Arve et l’Arveyron,  ainsi que les torrents de Blaitière,   s’étalant largement au-delà de leurs rives gauches.

Il faudra attendre les années 1840, sous le régime du royaume de Piémont Sardaigne, pour que certains travaux d’endiguement soient engagés. C’est d’ailleurs durant cette période que l’on voit la construction en encorbellement de l’hôtel d’Angleterre ou de la pension de la Terrasse. Les travaux   de canalisation  reprendront sous le régime français dans les années 1870-1880.

Il est instructif de regarder les diverses vues, tableaux, lithographies représentant ce pont de bois. Tout d’abord passerelle étroite peu engageante, on la voit se transformer, devenir de plus en plus large. Le pont sera refait à neuf en 1832,  puis construit en pierre en 1880, et encore élargi à son emprise actuelle dans les années 1970.

Le pont sera refait à neuf en 1832, puis construit en pierre en 1880, et encore élargi à son emprise actuelle dans les années 197

Sur la commune des Houches une statue monumentale : le Christ Roi

A 1265m d’altitude,  on la distingue à peine dans le paysage, perdue qu’elle est dans l’immensité de la montagne. Il faut être à son pied pour  prendre la mesure de cette statue monumentale. Elle mesure 25mètres de haut, pèse 500 tonnes. Imposante, campée sur un éperon rocheux de 50m, elle domine de  200m le  fond de la vallée  face au Mont-Blanc.  A l’époque on devait la voire de très loin, la forêt n’était pas aussi dense qu’actuellement.

 Mais quel est donc l’histoire de cette statue inaugurée en 1933 ? Pourquoi à cet endroit  dans la vallée de Chamonix  une statue du Christ Roi .

Carte postale années 1940…

C’est un abbé,  l’abbé Claude Marie Delassiat, curé des Houches en 1926, qui rêve de rendre hommage au pape Pie XI mieux connu, dans la vallée,  sous le nom d’Achille Ratti. Il avait gravi le Mont Blanc côté italien en 1890, il  avait logé aux Houches. Devenu pape, il  avait proclamé, dans une encyclique, la royauté universelle du Christ c’est-à-dire la primauté du Christ Roi sur l’homme alors que monte en Europe la vague des dictatures. Cette statue veut symboliser l’amour et la paix entre les hommes. Projet soutenu non seulement par l’évêque, le Vatican et les instances politiques mais aussi par les habitants de la vallée. L’abbé  lance une souscription. En 3 ans il récolte la somme nécessaire pour la réalisation de son projet.

On fait appel à un sculpteur parisien, George Serraz , spécialiste de l’art religieux. L’architecte Viggo Féveile, installé à Chamonix,  supervise l’ensemble des travaux. Ce sera donc une statue monumentale en béton, matériau devenu à la mode depuis l’après guerre. On imagine les difficultés rencontrées pour la réalisation des travaux dans ce lieu qui n’était desservi par aucune route carrossable. La base de la statue  sera composée de blocs de béton coupés en tranches, puis assemblées sur place. Le buste, les bras, la tête sont réalisés tout d’abord  en terre. De ces réalisations on en ferra des moules en plâtre. Le béton sera alors coulé dans ces moules. Quelques détails seront travaillés directement sur le béton frais.

Le socle de ce monument abrite  une chapelle avec deux autels où deux prêtres pouvaient officier en même temps. Elle et est décorée de diverses statues dont un buste du pape Pie XI et d’une statue de « Marie reine du monde ».  Un escalier tournant  de 84 marches à l’intérieur  permet d’accéder à une plateforme dissimulée derrière la couronne. On dit même qu’un passage existe le long du bras qui bénit !

Cette statue est non seulement typique de l’art religieux de l‘époque dans un contexte international de gigantisme mais elle est par ailleurs une émanation explicite de l’art décoratif. Cette expression artistique de l’entre deux guerre se révèle ici dans cette statue monumentale. L’ « art déco » est l’art du modernisme. Tout d’abord on utilise les nouveaux matériaux, ici ce sera le béton. Puis « l’art déco » est l’art  de la géométrie, de la symétrie, en rupture avec « l’art nouveau » qui est l’art des circonvolutions. La statue du Christ Roi est représentative de cette vision moderne.

Grâce aux drones on peut aujourd’hui mieux apprécier cette statue  emblématique quelque fois moquée pour sa silhouette massive.

Son intérêt historique mérite qu’on l’apprécie.

Autres statues monumentales de Christ Roi :

Brésil à Rio : statue de 25m de haut sur un piédestal de 85m – 1931

Portugal à Almada Lisbonne : 28m de haut sur un portique de 82m – 1949-59

Suisse dans le Valais à Lens: statue de 15m su socle de 15m – 1935

Pologne à Świebodzin : statue de 33 m de haut – 2010

Sources  : Gilbert Gardes Histoire monumentale des deux Savoies – Revue de l’illustration 1934- Yves Borrel document écrit  pour la commune des Houches – Paul Guichonnet : Encyclopédie savoyarde 

Un des plus charmants hôtels de notre vallée : l’Hôtel de la Prairie au village des Bois

L’hôtel le plus charmant de notre vallée : l’Hôtel de la Prairie au village des Bois

Il

Il évoque une   petite maison du bonheur, une exception dans cette vallée où profit  jongle avec urbanisation. On est sous le charme de cet hôtel  construit au cœur des  champs face au Mon Blanc. On  admire sa façade ancienne et traditionnelle, on aime sa tonnelle luxuriante et ses nappes à carreaux… Ici on ressent ce sentiment d’un passé suranné qu’évoque ce lieu hors du temps.

Ici,  Henri Claret Tournier construit entre 1900 et  1905 un petit hôtel sur une jolie parcelle de terre appelée « les Carrés », dont il a hérité tandis que son frère  recevait  la ferme familiale proche.

Les habitants du village participent à la construction, les graniteurs de la carrière voisine réalisent  tous les encadrements en granit  des fenêtres et portes de l’hôtel. Henri  avait compris que la poussière et l’agitation du centre de Chamonix pouvaient faire fuir des clients qui seraient alors à la recherche d’un lieu verdoyant et tranquille. Pari gagné. L’hôtel n’ouvrira que l’été,  mais ne désemplira pas de saison en saison d’été. C’est bien chez Henri  que les clients citadins viendront se reposer et profiter du calme absolu de ce village authentique. A l’arrière de la maison,  selon la tradition,  il  y eut longtemps une écurie qui permettait ainsi de fournir la clientèle  en lait frais. De même un potager  jouxtait l’hôtel. Du bio avant l’heure… Henri était guide. Il sera guide chef en 1920, et  aussi conseiller municipal pour la commune de Chamonix.  Avec ses clients qui logeaient chez lui il parcourra  la montagne, les emmenant  partout dans le massif. Il ira entre autres  99 fois au sommet du Mont Blanc, le plus souvent avec eux.  Belle performance! Henri avait pour épouse Aline, une Charlet venue d’Argentière. C’est elle qui tiendra l’hôtel lorsque son mari de guide partait en montagne. C’est elle qui saura recevoir cette clientèle citadine. L’hôtel ne désemplissait pas de tout l’été. La clientèle anglaise prenait plaisir à passer un mois ou deux ici  au village des Bois, loin des fumées londoniennes.

Henri Claret Tournier et son épouse Aline, sa fille Perlina, et l’employée de maison.

Perlina, la fille adorée d’Henri , prendra la succession. D’une main de maître elle tiendra l’hôtel jusque dans les années 1950. C’est à cette époque que Jean Louis Barrault et Madeleine Renaud  résideront à la chambre n°16 face au Mont Blanc, dans  cette pension au cachet si rare .Ce  petit hôtel se transforme doucement. Il était difficile pour les héritiers  de moderniser un hôtel datant des années 1900. Cependant, contrairement à beaucoup d’autres hôtels de la vallée qui changeront de mains,  il restera la propriété de la famille. En 1950 Jean et  Louisette font de cet hôtel une pension de famille chaleureuse et appréciée de tous, connue entre autre pour son excellente cuisine .On gardera jusqu’en 1990 la veille tradition chamoniarde d’appeler les clients pour les repas à l’aide d’une cloche… C’est dire à quel point cet hôtel était  apprécié à sa juste valeur pour l’authenticité de ses habitudes.

De nos jours il est tenu par l fille de Geneviève, arrière petite fille de Perlina. Elle entretient avec bonheur la tradition familiale,  elle  modernise peu à peu les lieux, leur conservant ce charme d’une autre époque.

On ne peut que souhaiter que cet hôtel à l’attrait  si  indéfinissable  puisse rester encore longtemps au milieu des prés méritant son  nom de « la Prairie ».

On lui souhait longue vie…

Sources : archives familiales famille Lochet – Claret Tournier

La rue de l’église Aujourd’hui – Hier (en image)

 

 

A gauche on distingue très bien le magasin musée « Au Cristal de Roche  » construit par Venance Payot ancien guide, ancien maire de Chamonix, éditeur, collectionneur scientifique passionné .
Le magasin fut détruit et remplacé par la banque Payot édifiée en 1930 par Paul Payot, neveu de Venance Payot
A l’arrière un bâtiment, second hôtel du « Mont Blanc » construit en 1857, détruit pour être remplacé par le bâtiment Kursaal (actuellement le bar Cheval rouge et boulangerie).
Ici était le carrefour , le lieu de rencontre entre les guides chamoniards et leurs clients venus des divers hôtels.
A droite on voit très bien l’hôtel le Terminus et l’ancien relais des diligences devenu pharmacie , un peu plus loin se trouvait le bureau des guides (emplacement actuel du magasin hightech) et un peu plus loin encore on reconnaît l’hôtel Impérial devenu hôtel de ville en 1907.

 

Histoire et Patrimoine de la Vallée de Chamonix

Christine Boymond Lasserre

La tourne de l’église de Vallorcine

La vision de l’église de Vallorcine protégée par sa tourne est saisissante.
Elle est seule face à l’adversité, face aux avalanches, et on éprouve de la crainte pour elle.

Depuis toujours, elle est édifiée à cet emplacement et depuis toujours elle est protégée par une turne…
Une tourne, turne en patois vallorcin, est une digue en forme d’étrave dressée en amont d’un bâtiment pour le protéger. A Chamonix on parle d’une tourne, attention! A Vallorcine on parle d’une turne.
En 1272 ici fut construite une église, détruite 16 ans plus tard, probablement par une avalanche. Puis reconstruite dans la foulée et inaugurée le 8 juin 1288. On sait peu de choses de cette église médiévale sinon qu’elle était protégée par une tourne en bois. Et dans les bras de celle-ci se trouvait une chapelle. (voir plan).
Le 1er mars 1594 la nef et une maison furent détruites par une avalanche.
Le 5 mars 1674 le hameau du Siseray proche, situé à environ 300m fut totalement enseveli.
Le 20 février 1720 la chapelle dans la tourne fut soufflée, le cimetière autour de l’église endommagé.
La turne n’était pas assez haute pour protéger l’ensemble.

L’église étant devenue vétuste, les Vallorcins désirèrent la reconstruire. Que de palabres entre eux ! Et oui… Ceux du haut de la vallée souhaitaient une église plus sécurisée et plus proche de leurs lieux d’habitations, et ceux du bas voulaient la maintenir au même endroit. C’est le curé, le curé Cruz, qui parvint finalement à convaincre ses paroissiens de maintenir l’église dans son lieu d’origine.
Mais avant tout, on se devait de reconstruite la « turne ».
On la voulait bien , plus résistante, plus forte, plus large que la précédente.. Un projet titanesque pour l’époque ! Les travaux furent engagés en 1722. Il fallut deux ans aux Vallorcins et une volonté d’airain pour l’édifier. Ils donnèrent 4500 journées de travail pour la construire. Durant l’été, les bonnes pierres étaient repérées dans les éboulis, pierres que l’on faisait glisser sur la neige en fin d’hiver. Le sable nécessaire était porté le soir après les travaux des champs. La chaux, indispensable pour lier l’ensemble provenait d’un four situé aux Jeurs (en Suisse), elle fut acheminée en un jour au moyen de hottes.
Mais quel travail ! Quelle volonté ! Quelle réalisation !

Pour info :
La première pierre de l’église est posée le 19 juin 1755. C’est un maitre maçon du Valsesia Mr Domenigo Guelino qui dirige les travaux aidés de 7 maçons et 10 paroissiens .Le 28 octobre 1757 Domenico GUELINO donne sa dernière quittance. C’est lors de ces travaux que l’église est construite dans le sens que nous lui connaissons c’est-à-dire nord-sud .

Cette tourne se montra efficace car en 1803 l’avalanche évita l’église alors qu’elle s’étendit dans toute la pente environnante. En 1843 l’avalanche détruisit le haut du clocher et endommagea le presbytère, le chœur et la nef furent épargnés. La turne a joué son rôle ! On la renforça en 1863, puis en 1953. Désormais on l’entretient avec beaucoup d’attention. Encore en 1999 elle protègera l’église de l’énorme avalanche descendue jusque dans le lit de l’eau noire, la rivière de fond de vallée.

Cette turne est impressionnante.
Actuellement la tourne d’origine de 1722 est à l’intérieur de la turne actuelle .Haute de 3m et large de 5m.
Les murs ont été renforcés en 1863 par un mur supplémentaire de 3m de haut pour renforcer la turne d’origine.
Ce même mur sera rehaussé de 2m en 1953 mai seulement du côté ouest..
Ce qui lui donne en côté ouest une hauteur de 5m au niveau de l’église.
La construction est en pierres sèches, sans liant.
Compte tenu de leur taille et de la précision de l’ouvrage, c’est un travail colossal ….On ne peut qu’être admiratif !


Sources :
Germaine Lévi-Pinard : Vallorcine au 18ème siècle .
Françoise et Charles Gardelle : Vallorcine-
E v’lya : la revue n° 4 du musée vallorcin
Jean Yves Mariotte : Henri Baud – Alain Guerrier : Histoire des communes savoyardes.

La première représentation picturale du massif du mont Blanc

Voici un tableau étonnant. Il date de 1444 et a été réalisé par le peintre souabe Conrad Witz. Commandé par l’évêque de Genève pour la cathédrale Saint Pierre,  il représente comme il se doit une scène religieuse. Celle-ci intitulée « la pêche miraculeuse » est peinte au bord du lac Léman.

Effectivement, la scène se passe sur la rade du lac. On y voit le Christ, les pêcheurs avec leur filet sur la barque et Saint  Pierre patron de la cathédrale de Genève nageant vers Jésus.

 On comprend évidemment toute la symbolique religieuse de ce tableau.

Mais ce qui est tout à fait exceptionnel pour l’époque c’est l’arrière-plan. Un  paysage topographique précis. Bien peu de tableaux,  en cette période de fin du gothique début Renaissance,  laissent une place aussi  importante aux sites naturels environnants.

Certes, au XVème siècle,   de nombreux tableaux ont pour décor un paysage. Mais celui-ci n’est jamais  identifiable. Il est virtuel, imaginaire, il sert de décor, ou alimente une métaphore ou une symbolique comme dans certains tableaux de peintres flamands ou même de Léonard de Vinci.

Ici ce n’est pas le cas. Le décor  est exact,  conforme   à la réalité.

On y voit très bien sur la droite   la ville de Genève dont certaines maisons reposent sur des pilotis,  le château de l’Ile (de nos jours au centre de la ville). A l’arrière les murs d’enceinte et des petits personnages   brandissant le drapeau de la  maison de Savoie.

On admirera surtout les détails du paysage sur le fond de cette scène. On y voit distinctement le Môle au centre, le Salève à droite, les Voirons à gauche et tout au fond le Massif du Mont Blanc, le massif de l’ensemble du massif Ruan – Buet – Tenneverge, et à droite celui  du massif des Bornes – Aravis.

C’est la première représentation connue de l’ensemble des ces massifs.

 Il faudra attendre plus de trois  siècles avant que le Mont Blanc ne fasse son apparition dans la peinture.

Ce tableau a été restauré en 2013. Il fait partie d’un ensemble de 4 panneaux visibles au musée d’art et d’histoire de Genève. A voir absolument.

Un patrimoine méconnu mais menacé : les anciennes mines de la vallée de Chamonix

Un patrimoine méconnu mais menacé

Lors de  balades  il  nous arrive de découvrir des  apparences  de grottes  débouchant sur  des galeries. Elles sont nombreuses dans la vallée. Sous leur mystère,  elles  nous racontent  un passé un peu oublié.  Certaines de ces galeries sont d’anciennes mines, d’autres  sont simplement des  ouvertures exploratoires.

Quels minerais trouvait-on  donc dans  notre vallée?

De nombreux  types de  minerais ont été  exploités,  tels ceux contenant  du cuivre, du plomb ou de l’argent. Ces métaux ne sont pas trouvés à l’état pur mais font souvent partie  d’un filon dit « polymétallique »,   c’est-à-dire qui  contenait plusieurs métaux dont l’extraction est très complexe.

Servoz  hérite d’une histoire minière riche. Au 15ème siècle,  un document atteste d’un contrat signé entre le prieur de Chamonix et un exploitant pour des mines d’or, d’argent, de plomb de cuivre et autre minéraux. Mais c’est avant tout au 18ème siècle que  l’on retrouve des contrats  souscrits  avec des maîtres mineurs. Peu de temps avant la période révolutionnaire, les chanoines signent  et accordent l’édification d’un complexe abritant la maison du directeur, les logements des ouvriers,  les dépôts de bois, etc…  Une importante société est créée…  Des directeurs sont nommés, on exploite dans toute la   zone de Pormenaz à Coupeau.  Mais la révolution sonnera le glas de cette exploitation.

Jamais Servoz ne retrouvera une activité minière très active.

Cependant des gisements un peu partout dans la vallée continueront d’être exploités durant encore une grande partie du 19ème siècle. Des techniques plus modernes pouvaient laisser espérer un travail  plus facile.  Ainsi de 1873 à 1925  des mines d’anthracite ont été ouvertes ou 50 à 60 personnes travaillaient tirant de ces mines 2 wagons de 10 tonnes par jour ! Il y a eu jusqu’à 7 galeries

.

Mais ce qui m’intéressait,  c’était de comprendre comment  travaillaient ces mineurs dans ces  sombres galeries.

Aussi ai-je demandé à Stéphane de m’emmener visiter une galerie, je ne vous dirai pas où, ces vestiges doivent rester confidentiels. Stéphane est un passionné, il explore depuis sa plus tendre enfance toutes ces mines… Je crois bien qu’il les connaît toutes …

C’est fascinant et passionnant de pénétrer dans ces boyaux,  car hormis le fait que l’on y trouve des minerais différents,  ces mines racontent  une histoire d’hommes. Etroites, creusées à la main  dans une roche particulièrement compacte, sur une bonne centaine de mètres,  elles  sont impressionnantes. Elles montent,  puis descendent, à la poursuite d’un filon repéré par les mineurs.  Certaines de ces mines sont encore étayées  de madriers de bois. Dans l’obscurité totale, les mineurs  déposaient leurs lampes à huile sur de petits rebords. Ils parvenaient ainsi à discerner les filons qu’ils recherchaient.  Ils devaient en extraire  le minerai intéressant,  c’est-à-dire creuser, tailler dans la roche dure,  extraire des blocs et ensuite les  transporter  (on imagine le poids !) à l’extérieur. De là,  ils étaient emmenés à l’exploitation pour qu’il soit  triés, concassés et réduits en poudre.

Dans les mines de Servoz l’ouvrier travaillait de 6 h du matin à 18h. Payés soit à la journée, soit au mètre d’avancement. Souvent les mineurs œuvraient  à deux et on déduisait de leur salaire  le prix des fournitures (poudre huile pour lampes etc).

Quel travail !

Aussi avons-nous un devoir de respecter et de protéger ces mines qui ont une valeur patrimoniale certaine. Elles sont le témoignage  du dur labeur de mineurs qui ont œuvré au cours des 18ème et 19ème siècles.

Malheureusement,   certaines sont aujourd’hui dégradées,  voire pillées. Beaucoup peuvent y pénétrer  impunément  et sont responsables des détériorations. Quel intérêt y trouvent ces intrus? Ils n’y trouveront ni or, ni argent, ni cristaux…  Rien qui puisse les enrichir!

N’oublions pas que ces petits trésors sont protégés par la loi. Ces dégradations peuvent  relever  du code pénal…

Sources  : Stéphane Briand – Livret édité par l’association Histoire et traditions «  Mines et Ardoisières de Servoz » – Archives association des Amis du Vieux Chamonix.

Le moulin des artistes a disparu dans les flammes l

Le moulin des Praz appelé « le Moulin des artistes » a disparu dans les flammes au cours de la nuit du 9 au 10 décembre 2016.


Ce moulin existe depuis 1531 (voir carte des Archives départementales). Il était couplé à la scierie dont l’activité s’est arrêtée il y a quelques années.

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Dans ce hameau appelé « le Châble »à l‘entrée des Praz au 19ème siècle se trouvaient  deux tanneries et  une scierie couplée d’une forge .Plusieurs familles  occupaient  cette courbe de l’Arve. Le tout sera emporté par une terrible avalanche en 1847 .Les chamoniards seront présents pour aider les familles touchées par cette avalanche meurtrière.

Les tanneries disparaitront mais la scierie et la forge tenues par la famille Vouillamoz conserveront leur activité jusque dans les années 1990. Philippe Vouillamoz donnera une nouvelle vie à sa scierie en y exposant ses sculptures de bois et en proposant à d’autres artistes locaux d’exposer avec lui. Ces artistes faisaient revivre avec bonheur ce lieu chargé d’histoire

A sa disparition la scierie restera quelques temps fermée . Mais  rapidement elle retrouvera vie avec Andy Parkins artiste peintre sculpteur amoureux fou de la montagne et Peter Stelkzner fabricant de skis en bois , skis uniques et  au nom étonnant de « Rabbit on the roof ».

C’était un lieu magique et chaleureux
Ils ont tout perdu, une page de notre histoire se tourne.
Mais ne perdons pas espoir …Car depuis le 16ème siècle ce moulin a connu bien des vicissitudes et toujours il s’est redressé grâce à la communauté chamoniarde.

Le monument aux morts de Chamonix

Mais, habitués que nous sommes à passer à ses pieds, le regardons nous vraiment ?

Il est là,  bien campé sur ses jambes. Il semble songeur, mélancolique. Peut-être pense-t-il à ses compagnons morts pour la France? Appuyé sur sa jambe gauche, son fusil attaché au dos et un cache nez autour du cou, il  n’est pas belliqueux. Probablement sur  le chemin du retour, il  semble avoir froid  et parait  bien   fatigué.

Cette statue en bronze, haute de 2.50 m, s’élève à 4m.20 du sol sur son socle. Elle représente  le poilu édifié ici en 1921 à la mémoire de tous les jeunes chamoniards morts durant cette guerre dévastatrice que fut  la première guerre mondiale.

La commune,  lors de la proposition faite en  1920  d’ériger un  monument aux morts, précise  aux architectes et sculpteurs de France participant au concours  qu’elle désire un monument qui s’inspire «… de la nature du site et du cadre qui entoure la vallée ».

Le sculpteur choisi, George Armand Vérez , et François Dupupet,  l’architecte, ont l’idée de faire appel à des graniteurs pour réaliser le socle sur lequel  se tient notre héros. Ce sera la famille Buzzolini de Combloux qui s’en chargera. Ce socle, bloc erratique de granit trouvé au pied du couloir d’Orthaz,  pèse 40 tonnes et mesure 4.20 m de haut.  Son volume est  impressionnant. Ce rocher, il a fallu le travailler sur place, puis le transporter jusqu’à la place du Poilu! Ce labeur est l’une des grandes fiertés de cette famille Buzzolini et des ouvriers italiens travaillant le granit dans notre vallée. Mais comment a-t-il été transporté ? Une superbe photo nous montre le moyen utilisé à l’époque. Sous le bloc ont été glissés  des rondins de bois posés  eux mêmes sur deux rails faits de troncs. Les rondins  étaient alors  déplacés de l’arrière vers l’avant pour assurer le  roulement du rocher qui avançait ainsi mètre par mètre! Quel travail ! Combien de temps a-t-il fallu pour le transporter d’Orthaz au centre ville ? Mais la tâche n’était pas achevée. Il a fallu  dresser le bloc et installer la statue de bronze en son sommet. Une autre photo nous montre un système sophistiqué de poutres, de palans et de poulies qui ont permis l’élévation cette masse de 40 tonnes.

Mais il est intéressant  de retourner sur l’emplacement d’origine du rocher. Le bloc principal est toujours en place à Orthaz, près de l’hôtel de l’Arveyron. Les grimpeurs l’utilisent pour  s’initier à l’escalade. Ce n’est qu’une partie qui a été prélevée.

L’avez-vous regardé avec attention?

Sur le côté on discerne avec  précision des marches taillées, jamais terminées. A quelle construction  étaient elles destinées ? A l’arrière on distingue encore des traces de la « pioda », pioda que l’on retrouve sur le bloc du monument aux morts. C’était une série de trous taillés à la broche. Dans ces petits orifices  le graniteur enfonçait  peu à peu des coins de fer afin de provoquer une petite fissure. Là il  insérait de la « poudre noire »,   explosif  qui permettait   de fracturer  la pierre. Ici le bloc a été tranché net. L’ouvrier  a fait un excellent travail ! A regarder  de plus près, on distingue très bien que ce bloc a été exploité  à plusieurs reprises. Pour fabriquer d’autres monuments ? Peut être. Celui du monument aux morts est le dernier gros  bloc taillé dans la vallée.

Aussi, devant ce monument, nous  nous trouvons en face de deux symboles  forts.

Tout d’abord la mémoire d’une guerre dévastatrice qui aura endeuillé toutes les familles chamoniardes comme celles de toute les communes de  France. Ne l’oublions pas.

Mais ce monument est aussi  le témoignage du travail d’ouvriers venus de l‘autre côté des montagnes, les graniteurs italiens, qui, quittant leur pays d’origine, sont venus travailler ici dans notre vallée. Ils ont, par ce dernier chantier,  laissé l’empreinte d’un peuple dur à la peine. Ils sont devenus pour la plupart chamoniards. Ils font parti de notre histoire locale.

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