Guide conférencière. Pratique ma profession depuis maintenant plus de 40 ans. Ai acquis une longue expérience et de larges connaissances en terme d'histoire de patrimoine et d'architecture. Toujours passionnée par ces thèmes et ces sujets !
Pourquoi à Chamonix existe-t-il des chalets d’inspiration de Norvège ( du moins de certaines régions de montagnes de Norvège ?
On peut s’en étonner, mais il y a une histoire !
Dans les années 1950 armateur marseillais avait pour habitude d’aller skier en Norvège. Un jour, lors d’une de ses sorties, il est heurté par un skieur très digne qui aussitôt s’excuse et l’invite à venir boire un verre. Ce monsieur se présente : « je suis Olav V, roi de Norvège » et notre industriel se présente de même. Ils font connaissance, le roi l’invite chez lui et ils finissent par créer de vrais liens d’amitié. Il va régulièrement en Norvège et finalement épouse une norvégienne,
D’origine marseillaise il fonda ave Paul Freitag en 1954 la Société d’équipement Sportif et Touristique de Super-Chamonix (SESTSC), destinée à équiper tout le secteur de la Flégère . avec : – un téléphérique des Praz à la Flégère, permettant l’accès au plateau, – une télécabine et 4 téléskis constituant le domaine skiable de Super-Chamonix, – un ensemble d’hôtels et de chalets, entre la Flégère et les Evettes, exposés plein sud face au Mont Blanc, une sorte de village qui devait s’appeler « Super Chamonix » composé d’un ensemble d’hôtels et de chalets, exposés plein sud face au Mont Blanc.
L’idée était de faire un ensemble immobilier à l’esprit norvégien. Aussi pour ce faire à Chamonix on construisit un vrai chalet transporté pièce par pièce de Norvège qui devait servir d’exemple pour les acheteurs potentiels.
Le projet est abandonné, trop de risques d’avalanches.
Super Chamonix n’existera pas mais le chalet, lui est resté et certains architectes, séduits par ce type d’habitat construiront ainsi quelques-uns de ces chalets norvégiens que l’on peut voir dans la vallée.
Une superbe idée prend naissance à l’observatoire Vallot de la vallée. Le CREA (Centre de Recherches de l’Ecosystème en Altitude), qui occupe les lieux depuis une vingtaine d’années, lance le projet d’une belle rénovation de cet ancien observatoire de Joseph Vallot avec la création d’un bâtiment complémentaire indispensable à son activité. Le projet se veut être dans l’esprit du lieu.
N’oublions pas que Joseph Vallot a, depuis la création de cet observatoire, désiré que ce petit chalet soit toujours consacré aux recherches scientifiques, recherches qui sont l’essence même du CREA : mieux connaître le milieu alpin, comprendre l’adaptation de la faune et de la flore aux changements climatiques et étudier ces phénomènes nouveaux qui en découlent. Il est évident que Joseph Vallot aurait adhéré à ces recherches modernes indispensables à une meilleure connaissance du monde alpin qu’il affectionnait particulièrement.
Le CREA a un rôle essentiel dans le milieu scientifique, il est unique en France. Cette équipe soutenue par une quantité de bénévoles passionnés par le monde alpin en pleine mutation a réellement besoin de « pousser » les murs.
Pour ce faire, celui-ci s’est lancé dans le projet d’un nouvel édifice dominé par une idée de sobriété et d’éco-conception. Il se doit d’être un exemple environnemental à l’image de leurs recherches. Le CREA a fait appel à l’architecte Jacques Félix Faure, un grand spécialiste de bâtiments écologiques. Un beau projet dont la ville de Chamonix pourra être fière puisqu’elle est partie prenante dans ce cette entreprise. En complément, le jardin dans lequel l’observatoire a été construit deviendra un jardin expérimental ouvert au grand public afin de partager dans la vallée avec les néophytes une meilleure connaissance du monde alpin.
On ne peut que se réjouir de la rénovation du petit chalet observatoire Vallot, de l’aménagement d’un jardin expérimental et de la création d’un nouveau laboratoire.
Joseph Vallot qui a tant apporté à Chamonix et au Mont Blanc avec son cousin Henri serait certainement heureux de voir ce projet se réaliser dans leur observatoire d’origine.
140 ans après sa création, l’observatoire peut redevenir un acteur majeur de la recherche scientifique en montagne qu’ils avaient initiée dans la vallée de Chamonix.
PETIT RAPPEL A PROPOS DE JOSEPH VALLOT :
Il découvre Chamonix en 1875 et réalise sa première ascension du mont Blanc en 1881. Rapidement, il décide de faire construire un observatoire-laboratoire couplé avec un refuge pour les guides en altitude où il pourra se livrer à de nombreuses expériences scientifiques. Dans la foulée, il construit un autre observatoire près de sa villa afin de travailler en corrélation avec le premier. Il passe entre autre trois jours au sommet du mont Blanc afin de prouver que l’homme peut s’adapter à la vie en altitude. D’ailleurs monter au sommet du mont blanc et y passer plusieurs journées pour ses recherches ne lui cause aucun problème. En 1898 il passe 43 jours à l’altitude de 4350m lors de la construction de l’observatoire. Ses travaux menés pendant une quarantaine d’années couvrent de multiples domaines : botanique, glaciologie, construction, géologie, photographie, médecine, physiologie, cartographie, alpinisme, météorologie, spéléologie, ont été reconnus comme présentant un intérêt scientifique majeur.
Ses recherches ont fait faire un grand pas à la connaissance du massif du mont Blanc. Chamonix ne peut que s’en féliciter. Et un grand merci au CREA qui décide de poursuivre cet élan généré par Joseph Vallot et son cousin Henri et son neveu Charles.
Afin de mieux connaître ce personnage hors du commun je ne peux que vous recommander ce petit ouvrage passionnant écrit par Eliane Patriarca, journaliste.
Sources : CREA. – Archives Vallot de l’association des Amis du Vieux Chamonix
Il y a 167 ans à Chamonix le 24 juillet 1855 un immense incendie détruit une grande partie de la ville.
Certes l’histoire de la vallée de Chamonix est marquée par de nombreux incendies. En 1586 l’église est totalement détruite par le feu et de nouveau en 1758.Le village des Frasserands en 1652, ou encore Argentière en 1897 mais bien d’autres au cours des siècles passés.
Un de ceux-ci a marqué la mémoire des chamoniards, l’incendie du centre de Chamonix le 24 juillet 1855. Celui-ci se déclare dans la remise de l’hôtel de la Couronne situé au carrefour central de Chamonix (actuellement résidence relais de diligences). Le feu s’étend rapidement et détruit une grande partie de la route nationale (rue Vallot actuelle). C’est une vraie catastrophe. La presse genevoise de l’époque en parle plusieurs fois et se fait l’écho d’appels à la solidarité lancés par le maire et le curé ! Les divers articles parus dans le Journal de Genève nous relatent les diverses phases de de l’information de cet incendie qui marqua la population genevoise.
L’information n’étant pas toujours fidèle les frères Tairraz, propriétaires de l’hôtel d’Angleterre font paraitre une annonce à propos de leur hôtel qui n’a pas été endommagé !
(article ci dessous)
Certes le roi de Piémont Sardaigne (dont dépendait la vallée) donne 4000 livres c’est bien peu quand on estime les frais à 30000 livres ! Pui la vallée devient française en 1860. Dès 1861 le maire Michel Favret recevant le ministre des Travaux publics s’empresse de demander une aide substantielle. En 1862 la commune reçoit le préfet accompagné d’un conseiller d’état. Celui-ci semble s’engager mais l’administration toujours tatillonne s’oppose bien souvent aux chamoniards un peu rebelles aux décisions gouvernementales.
Il faudra attendre le 14 octobre 1864 pour que soit signé entre la commune et la préfecture une décision de remise en état de la route nationale. On démolit les bâtiments incendiés, on aligne l’ensemble des édifices de cette route nationale, on impose un entretien annuel des cheminées par un ramoneur. Se met en place également toute une réglementation d’entretien de la voie publique, et des « devants » de boutiques et d’hôtels.
Le début d’une série d’arrêtés de suretés et de police sont mis en place.
Chamonix entre dans une nouvelle aire d’autant que la nouvelle route offerte par Napoléon III arrive au centre de Chamonix en 1870 !
Sources : Le Royaume du mont Blanc de Paul Payot, archives du journal de Genève, archives départementales, livre « La Vallée de Chamonix et l’Annexion » de Christine Boymond Lasserre et Joëlle Dartigue Paccalet
Dans la vallée de Chamonix, ils sont nombreux ces alpages de moyenne ou de haute montagne. Certains sont plus connus que d’autres, certains ces dernières années ont connu une nouvelle vitalité avec rénovation et réhabilitation afin de perpétuer une tradition ancienne, mais beaucoup furent peu à peu abandonnés dans les années 1950 avec l’explosion des activités touristiques.
Avec cette vie moderne et ce tourisme envahissant les habitants de la vallée ont besoin de retrouver leurs racines et cette vie qui, durant des centaines d’années, a animé la société locale et a façonné ce paysage de moyenne montagne.
Sans plus tarder, je vous recommande d’aller faire un tour au musée montagnard des Houches. L’animatrice du musée, Eloïse, avec l’association « Dans l’temps » se sont penchés sur deux alpages méconnus des Houches.
Sur les hauteurs du hameau de Vaudagne et des Bouchards, au cœur de la forêt sur les sentiers conduisant au Col de la Forclaz ou au Prarion se trouvent encore quelques souvenirs de deux anciens alpages dit intermédiaires ou « mointieu » (c’est-à-dire alpages entre le village et les alpages de haute altitude). Alpages méconnus mais au riche passé :
Le Manchoir et le Mont Borrel .
Photo de l’alpage du Manchoir en 1920
Le Manchoir dont le nom peut paraitre curieux, mais pas tant que cela, puisque dans les archives nous retrouvons parfois ce terme pour désigner une grange ou une maison située en hauteur. Au Manchoir il subsiste un chalet qui est une simple rénovation d’une grange d’origine, deux « chalets » reconstruits à partir de ruines et deux anciennes granges dont il reste très peu d’éléments. L’ensemble était encore présent en 1920 . Mais abandonné peu à peu l’alpage finissait de disparaître jusqu’à la décision de certains propriétaires de faire revivre ce lieu isolé. Il a retrouvé vie !
A Mont Borrel à ce jour il reste une grange encore debout utilisée régulièrement par la famille propriétaire et cinq autres qui sont à l’état de ruines. Et pourtant son histoire remonte au XIVe siècle. Mont Borrel est le témoignage de cette vie traditionnelle liée à l’exploitation du bétail bovin. Les archives particulièrement intéressantes ainsi que certains courriers conservés par les familles propriétaires des lieux racontent le passé de cet alpage oublié. Témoignages toujours très émouvants à lire.
Lors de cette visite vous partez à la rencontre du passé de ces deux anciens alpages mais c’est, par ailleurs, l’occasion de replonger dans la vie rurale locale avec les diverses phases de cette vie traditionnelle : celle du village, celle des alpages familiaux (que l’on appelait « les petites montagnes » et celle des alpages collectifs (appelés les grandes montagnes). Cette visite c’est, entre autre, partir à la recherche du sens des mots que nous utilisons régulièrement mais qui souvent par un glissement sémantique ont changé de sens tels ceux liés au terme « montagne ».
Cette plongée dans ces temps anciens c’est re- découvrir les usages et les pratiques de ces hommes et femmes liés à leur bétail et à leur survie dans ce monde rude qu’était la vie paysanne de montagne.
Bonne visite !
Sources : Musée Montagnard des Houches – Association « Dans l’temps »
Dès 1815 avec la fin de l’empire les visiteurs se font de plus en plus nombreux et le foires connaissent un succès grandissant. La commune de Chamonix déplore qu’il n’y est que 3 hôtels et 5 cabarets et incite l’État à autoriser la construction d’hôtels.
C’’est ainsi qu’en 1816 les frères Charlet (fils du notaire Charlet) associés à Mr Simond (propriétaires de l’hôtel du Nord) font appel à un architecte genevois Mr Sismondi et ouvrent un magnifique et grand hôtel en plein centre de Chamonix, une révolution à l’époque car imposant par sa taille, son architecture originale avec son fameux balcon à portiques.
L’hôtel de l’Union fait fort impression et les voyageurs de l’époque sont très étonnés de son confort « on y trouve même les journaux de tous les pays, une boutique naturaliste, ainsi que les meilleurs vins ! … En 1824 « le guide du voyageur en Suisse » signé par Mr Richard, met l’accent « sur les bains de santé et de propreté » Ces bains situés près de l’Arve sont à l’image de cette nouvelle idée qui fleurit à Chamonix de créer une station « climatérique ». Les bains, nouveautés du XIXème siècle, sont encore rares hormis les stations thermales. Les frères Charlet, propriétaires des terrains des Mouilles où coule une source sulfureuse ont l’idée d’apporter dès les années 1825 cette eau bienfaisante à l’hôtel puis en 1834 directement par des canalisations de bois, qui seront emportées plusieurs fois par les crues de l’Arve.
Nombreux sont les visiteurs de marque qui prennent pension à l’Union.
John Ruskin dès son 1er séjour avec ses parents en 1833 puis ensuit lors de ses voyages solitaires y séjournera régulièrement. On apprend ainsi que « vingt-deux personnes y sont attachées, que l’on y est parfaitement servi, les chambres sont bien tenues, qu’il y a des salles à manger à chaque étage, que l’on propose des diners de table d’hôte à 1,5, et 9 heures mais que l’on peut aussi se faire servir des repas chez soi à l’heure qu’il convient qu’il y a une salle de billard, des journaux français, des sommeliers parlant plusieurs langues…
Dessin Jules Hébert. Henriette d’Angeville à l’hôtel de l’Union avant son départ pour le mont Blanc
En 1836 y descendent Georges Sand et ses deux enfants, Franz Litz, et Marie d’Agoult. Henriette d’Angeville en 1838 séjourne dan cet hôtel qu’elle trouve particulièrement confortable.
L’hôtel connaît une nouvelle dynamique avec l’arrivée de Mr Eisenkrammer. 1er sommelier de l’hôtel qui loue dès 1838 l’Union à son patron et qu’il achète finalement en 1844. Il épouse ensuite Marie Henriette Simond (nièce de Mme Coutterand et fille de son ancien patron). Monsieur Ferdinand, comme l’appelaient les chamoniards, est ambitieux, il organise au départ de Genève des convois spéciaux pour acheminer les provisions indispensables à son hôtel, et fait du « lobbying » auprès de visiteurs arrivant à Genève pour les convaincre de loger dans son hôtel à Chamonix. En 1848 il construit un nouvel hôtel le Royal (aujourd’hui le casino).
En 1860 lors du voyage Napoléon III le maréchal des Logis cherche le meilleur établissement pouvant recevoir l’empereur et sa cour. Son choix se porte sur ce nouvel hôtel. Le ministère est effaré par les tarifs proposés mais Mr EisenKrammer n’en démord pas si bien que l’empereur ne résidera qu’une seule nuit à Chamonix malgré le désir de l’impératrice!
Les deux hôtels sont proposés sous le nom Hôtel Royal et de l’Union. Mr Ferdinand a quelques démêlées avec les guides en raison de son refus de passer par le bureau de la Compagnie pour proposer les guides de son choix sans passer par le tour de rôle.
Mais l’hôtel connaît toujours un réel succès. Théophile Gauthier en 1862 l’apprécie particulièrement : « l’hôtel de l’Union est grand et magnifique, tenu à la manière des hôtels d’Allemagne de première classe avec toutes les recherches du confortable moderne. On nous y servit dans une salle immense un excellent déjeuner ». Il envisage de créer une grande station thermale mais il peine à convaincre la commune. Il crée dans les années 1862 une société intitulée « les hôtels de Chamonix » société qui rassemble plusieurs hôtels de Chamonix mais celle-ci ne s’impose pas et finalement est rachetée par deux banquiers .
Dès lors Mr Eisenkrammer disparait et l’hôtel passe de main en main. On voit ainsi un grand nombre de propriétaires se succéder d’où des appellations différentes pour l’hôtel jusque en 1897 ou Mr Felisaz le rachète. Il entreprend des travaux d’agrandissement, crée un restaurant dans les jardins dont la façade est ornée de cariatides. L’hôtel reconnait de belles heures d’activité.
A la mort de Mr Félisaz les héritiers peinent à faire fonctionner l’hôtel.
En 1929 la commune désirant ouvrir une belle place au centre de Chamonix finit par exproprier les propriétaires.
L’hôtel est détruit en 1930 laissant place à la construction de l’hôtel des Postes en bordure d’Arve et ouvrant ainsi une place plus aérée en centre-ville.
Sources :
Archives association des Amis du Vieux Chamonix – Thèse : Isabelle Madesclaire- Voyages de deux amis en Italie par le Midi de la France et retour par la Suisse de Richard et Achille Lheureux en 1829. – L.Simond, Voyage En Suisse. – CH Vallot : guide de Chamonix – André Hélard : John Ruskin et les cathédrales de la terre.- Christine Boymond Lasserre et Joëlle Dartigue Paccalet : 1860 . La vallée de Chamonix et l’Annexion. – Marc Sandoz : Auberges d’autrefois. Revue savoisienne – Rodolphe Topffer : voyage autour du mont Blanc – Paul Payot : Au royaume du mont Blanc
Sources :
Thèse : isabelle Madesclaire
Voyages de deux amis en Italie par le Midi de la France et retour par la Suisse de Richard et Achille Lheureux en 1829.
L.Simond, Voyage En Suisse
CH Vallot : guide de Chamonix
André Hélard : John Ruskin et les cathédrales de la terre.
Christine Boymond Lasserre et Joëlle Dartigue Paccalet : 1860 . La vallée de Chamonix et l’Annexion.
Mar Sandoz : Auberges d’autrefois. Revue savoisienne
Ci dessous un petit film de 3mn appartenant à l’association des Amis du Vieux Chamonix .
Il date probablement des années aux alentours de 1900-1905. On y voit les touristes venus découvrir la fameuse Mer de Glace. Ils sont accompagnés par leurs guides et remarquez l’impeccable tenue des guides cravatés s’empressant auprès de leurs clients pour les aider à franchir les marches taillées dans le glacier.
Et en seconde partie nous découvrons le fameux passage un peu dangereux du « Mauvais Pas » ou nous pouvons voir les clientes en robes longues descendre plutôt assez habilement ce chemin un peu aérien !
A Chamonix, dès le début du XIXe siècle, des animations étaient organisées pour les visiteurs dans les hôtels. Ces animations ont été au départ liées à l’autorisation d’ouverture de casinos qui à cette époque était donnée par l’État.
Or, sous le régime du royaume de Piémont Sardaigne, l’État était particulièrement réticent et l’on voit donc se dessiner des essais de salons de jeux dans certains hôtels. On relève, dans un ouvrage rédigé par Victor Masse, auteur d’un essai intitulé « Plans en relief de la vallée de Chamonix », une note descriptive d’un document enregistré officiellement en 1851 évoquant l’Hôtel du Nord auquel est rajouté un « Casino des Étrangers » ce qui veut bien dire qu’il était réservé aux visiteurs et fermé à la population locale. Mais la formulation est suffisamment évasive pour avoir un doute quant à la réalité des possibilités des jeux de hasard dans cet établissement. A la lecture du Figaro de mai 1883 et dans les archives départementales, on évoque un Cercle International du Casino de Chamonix situé dans l’hôtel des Chalets de la Côte, où l’on pratiquait des « jeux de commerce », activité qui ne dura pas plus d’un an ou deux. Ce type d’animation se poursuit dans l’Hôtel de l’Union de 1886 à 1893, mieux situé au centre de Chamonix. En mai 1891, un certain Adolphe Schreiber demande l’autorisation de construire un casino face à l’Hôtel de l’Union. Ce sera l’année suivante que la commune de Chamonix, soucieuse de proposer à sa clientèle une animation digne d’une station prestigieuse, donne l’autorisation de salles de jeux-casino à Mr Cusin Bellencourt. Il construit la Villa des Fleurs qui abrite de 1904 à 1906 un « Cercle International des Étrangers ».
Dans les archives départementales on note la présence d’une table de petits chevaux. Fin 1906, sous l’enseigne du Casino, on remarque une nouvelle enseigne intitulée « Alpineum ». Le bâtiment est situé route nationale (rue Paccard actuelle). La Villa des Fleurs change donc d’activité. Les jeux semblent s’arrêter au profit d’animations. On y donne spectacles, concerts, mais surtout les premiers films de l’époque dont l’ascension du mont Blanc réalisée en 1907 par la famille Vallot. On y expose également des objets qui seront plus tard à l’origine de la création du musée.
Il est probable que les activités de jeux se sont arrêtées en raison de la construction d’un casino au Bois du Bouchet lancé en 1903 par Henri Devouassoux et Jacques Curral qui, obtiennent de la commune « le droit d’y construire tout ce qui pourrait intéresser les touristes » et lui rendre le séjour plus agréable ». Six mois plus tard, le tout est cédé à une « Société anonyme du Casino Municipal de Chamonix » qui échappe ainsi aux initiateurs d’origine. C’est à ce moment-là que paraît pour la première fois l’idée de proposer du théâtre et des concerts, La commune lui confère la qualité de « Casino Municipal » bien qu’elle ait peu appréciée le changement répété des propriétaires !
En 1904, les travaux sont lancés par l’architecte Paul Henri Furet. Un beau bâtiment voit le jour en 1905 sur les prés en bordure du Bouchet. Ce Casino obtient les diverses autorisations accordées par l’État pour ouvrir une salle où se pratiquent entre autres les jeux de baccara. Deux saisons animent le casino : de juin à octobre et du 15 décembre au 15 mars. La commune peut enfin proposer à ses clients « toutes les attractions des villes d’eaux ». Théâtre, concerts animent la vie touristique de la vallée d’autant qu’un café, un restaurant, un bar américain complètent l’ensemble des services. Juste à côté est aménagé aussi un établissement d’hydrothérapie « à l’eau d’Arve » ! En raison de son éloignement, on lance un service de calèches avec le centre-ville. Cependant, il semblerait que les propriétaires de cette société changent continuellement ce qui rend les rapports avec la commune bien souvent houleux !
Par ailleurs, en raison des directeurs qui changent bien souvent, ce casino peine à fonctionner. D’autant qu’il est mal chauffé en hiver, les charges sont lourdes, les revenus faibles et le bâtiment se délabre d’année en année. En 1915, une partie du toit s’effondre, non reconstruit. La pluie apporte son lot de moisissures et de destructions des murs. Il ferme dans les années 1920.
La commune cherche à rompre le monopole des jeux de la société et se met en quête de trouver un autre emplacement. Plusieurs projets voient le jour ! Dès la mi-1923 la ville autorise la Société Hôtelière Franco-Suisse, propriétaire du Chamonix Palace, à ouvrir un « Grand Casino de Chamonix Mont Blanc » en tant que concessionnaire de jeux qu’on installera au rez de chaussée.
En 1926, la commune se lance dans l’idée d’un casino édifié au-dessus de l’Arve. Typique de la période Art Déco, ce bâtiment se caractérise par une façade à quatre colonnes surmontées d’un fronton triangulaire. Puis l’édification d’une galerie commerciale de part et d’autre anime cette nouvelle rue qui avait été tracée au moment de l’arrivée du train en 1901. La Société du Grand Casino de Chamonix Mont -Blanc est née.
Il propose non seulement des salles de boules et de baccara mais aussi un bar, un dancing et de nombreuses animations en tous genres : thés et soupers dansants, manifestations de sports et d’élégance et attractions artistiques.
Dès les années 1950 les chamoniards peu à peu s’approprient le lieu. Un grand nombre de festivités se déroulent dans ses magnifiques salles construites au-dessus de l’eau, beaucoup se souviennent des galas, des spectacles des groupes scolaires, des démonstrations de danse, des rencontres folkloriques, des concerts en tous genres ou encore de de l’élection de Miss France.
Finalement, dans les années 1970, la partie jeux du casino est transférée au Royal (emplacement actuel) et l’ancien bâtiment est modernisé avec une avec une nouvelle façade. L’intérieur est transformé en salles des fêtes. Qui ne se souvient pas de ces fêtes organisées avec la piste de danse éclairée de lumières colorées ! Il prend le nom de SALLE MICHEL CROZ (du nom de la rue).
L’animation continue alors de plus belle : concerts, théâtre, fête des guides, fêtes de Noël, etc… font la joie de tous les chamoniards qui se souviennent encore avec nostalgie de ces événements et fêtes en tous genres.
Tout s’arrête avec le terrible incendie de 1999 qui détruit l’ensemble du bâtiment.
Rien n’est reconstruit au-dessus de l’Arve en raison de la difficulté à en assurer la sécurité.
Ce 2 décembre 2021 est inaugurée une nouvelle salle des fêtes dans une des coupoles de l’ensemble de Chamonix Nord, transformée pour offrir aux chamoniards fêtes, concerts, théâtre.
Suite à un vote des habitants, elle prend le nom de EMC2 c’est dire Espace Michel Croz 2 pour rappeler l’ancienne salle mythique adorée des chamoniards.
Sources : Archives Amis du Vieux Chamonix, Paul Payot, Archives départementales (4M67-68).
Recherches sur l’histoire des casino français de Mr André Reynckens.
En 1930, Jean Landru et son épouse Marie Louise arrivent à Chamonix. Ils achètent sous les arcades de l’avenue de la gare (actuellement avenue Michel Croz) un fonds de commerce. Jean, dont les parents avaient déjà une librairie dans sa ville natale, est passionné par les livres. Il décide alors d’ouvrir une librairie – papeterie – point presse. Très vite celle-ci connaît un réel succès. Mais la guerre approche avec son lot d’inquiétudes. Jean livre avec Marie Louise les journaux proposés aux rares hôtels encore ouverts. On fait le « gros dos» et finalement le couple décide de s’installer définitivement à Chamonix.
La libraire s’installe alors dans l’ancien restaurant de l’Hôtel du Métropole qui avait été transformé en 1940. Avec la guerre, le papier est une denrée rare. Jean a, par un heureux hasard, hérité d’un gros lot de papier et lui qui rêve de livres de qualité se lance dans l’édition. Il aime les beaux ouvrages, il aime les beaux dessins, il aime les belles gravures. Il édite des livres libres de droit. Mais son goût pour le dessin et la peinture l’incite à faire appel à des illustrateurs. « Les fables de La Fontaine » sont ainsi illustrées par Jean Effel particulièrement connu à l’époque pour ses dessins proposés dans un grand nombre de publications nationales, aussi bien « l’Humanité » que « le Figaro » !
Ou encore « L’art d’aimer » d’Ovide Illustré par Uzelac, un peintre d’origine serbe installé en France dont les dessins magnifiques montrent son talent d’artiste. Le goût de Jean est éclectique, on trouve dans son choix aussi bien Chopin par Guy de Pourtales (romancier qui s’était passionné pour les artistes romantiques) mais aussi Baudelaire avec « Les Fleurs du mal ».
Ou encore le livre « Oeuvres Alpines » de Théodore Camus alpiniste lyonnais passionné et dont les écrits sont parmi les plus belles pages écrites sur l’alpinisme.
Mais il édita également des auteurs locaux dont James Couttet avec un ouvrage sur la technique du ski réalisé avec l’aide de Philippe Gaussot ou encore Roger Frison Roche avec Premier de Cordée édité en 1943 .
Mais pour moi, les meilleurs restent ceux liés à mes souvenirs d’enfant avec les deux magnifiques livres de « Youpi le chamois » et « Hopy la marmotte », tous deux contés par Philippe Gaussot et illustrés par René Pellos dont les dessins magnifiques et les récits de nos deux héros de la montagne ont marqué mon enfance. Merci Mr Jean Landru !
Hélas un mauvais investissement et des centaines de livres bloqués en Amérique du Sud marqueront la fin des éditions Landru.
Mais qu’à cela ne tienne. On se remet au travail, et la bienveillance de Jean et de son épouse puis de Madame Collignon qui prit le relais en 1974, la libraire Landru est restée le témoin de la passion des lecteurs de la vallée. Ici dans ce lieu devenu mythique la librairie a gardé cette atmosphère particulière où se côtoient aussi bien les chamoniards que les visiteurs de passage ou les habitués des résidents secondaires car chacun y trouve son plaisir de lecture, de partage et d’échanges ! On ne peut que s’en féliciter !
L’histoire commence avec Aristide Cupelin né à « Le Nant » qui devient guide en 1899. Il épouse le 7 juin 1905 Elisabeth Fournier surnommée Elise originaire de Salvan qui a un garçon d’un 1er mariage . Cet enfant appelé Jules Marcel sera élevé par Aristide.
Le couple construit et ouvre en 1908 une auberge qu’ils appellent Hôtel pension de l’Aiguille du Midi. Bien situé près de la gare, et sur le chemin conduisant au glacier des Bossons, nombreux sont les touristes s’arrêtant à cette auberge à l’accueil chaleureux.
Jules Marcel Simond (dit « à la polenta ») hérite en 1920 de l’hôtel et de ses dépendances en échange d’une rente annuelle pour ses parents. Il épouse la même année Adeline Hélène Simond ( née à la Frasse) qui possède une belle expérience de gouvernante à Paris. La pension de l’époque est composée d’un rez de chaussée et de 2 étages avec 14 chambres dont 4 mansardées au cœur d’un petit parc et d’un jardin très apprécié.
Cette seconde génération agrandit d’une aile supplémentaire l’hôtel dès 1925, le rendant nettement plus confortable. Ils aménagent les dépendances arrivant ainsi à 80 chambres. Ils ont deux enfants Denise et Arlette qui travaillent régulièrement à l’hôtel et les aident.
Denise épouse Jean Farini originaire des Mouilles mais aussi guide, tous deux prennent le relais dès 1945. Ils sont la 3ème génération. Tout le monde à Chamonix se souvient de Jean animateur hors pair jonglant avec ses activités de guide et d’hôtelier et de Denise attentive à ses clients. Ici chacun met « la main à la pâte ». Il y a beaucoup d’ambiance. Le charisme de Jean « y » est pour beaucoup. On agrandit les chambres, on les modernise. On aménage une piscine.
A l’avant de l’hôtel Le terrain de tennis est transformé en patinoire l’hiver.
L’été on y organise un tournoi qui prend le nom de Coupe Jean Farini.
L’hôtel est connu pour ses animations : le 15 août, les soirées crêpes, les soirées cochonnailles, les bals costumés et j’en passe. Il y a de la vie dans ce petit hôtel des Bossons…
Afin d’améliorer le restaurant et lui offrir une vue encore plus ouverte ils construisent la rotonde ouverte sur le jardin qui, encore de nos jours, permet aux clients de profiter de la vue exceptionnelle sur l’Aiguille du Midi. Ils ont deux enfants Bernard et Cathy.
Bernard prend le relais en 1975. Ancien pâtissier au casino de Charbonnières, formé dans les plus grands restaurants de l’époque, il tient à s’investir dans l’hôtel familial. Il épouse une normande Martine ( formée à l’école hôtelière de Granville puis à Londres) et tous deux développent le restaurant et le fameux buffet de desserts (vous souvenez vous de ce gâteau représentant l’hôtel et se dépendances réalisé avec 60kg de chocolat?). Ils sont la 4ème génération.
Ils agrandissent encore un peu l’hôtel le reliant directement à l’ancienne annexe. Bernard s’investit avec passion dans l’hôtel mais aussi dans la vie publique et reçoit la médaille nationale du tourisme.
Et c’est ainsi qu’ arrive, la 5ème génération puisque deux des enfants Marie Laure et Vincent avec leurs époux et épouse (Antonin et Carla) s’investissent peu à peu dans l’hôtel. Ils apportent leur jeunesse, leurs idées nouvelles, leurs regards sur ce monde du tourisme en pleine mutation. Ils savent garder une atmosphère familiale, en complicité avec Bernard au jardin et Martine toujours attentive aux clients.
L’hôtel de l’Aiguille du Midi est encore l’hôtel bienveillant, accueillant et soucieux de ses clients. Merci à eux tous .
Espérons que La 6ème génération prendra le relais !
Sources : Archives de la famille Farini et de l’association des Amis du Vieux Chamonix
Chez Snell, l’aventure du magasin commence avec une belle histoire d’amour entre une jolie chamoniarde, Marthe Devouassoud (de la famille de la fabrique des sonnettes) et un jeune militaire américain, Harold Snell, venu à Chamonix à la fin de la guerre pour se reposer avant de repartir aux USA. Harold reparti, Marthe n’a pas oublié la promesse de son américain de revenir l’épouser. Les lettres sont nombreuses et Harold veut tenir sa promesse, mais avant tout la famille tient à s’assurer de la bonne vertu du promis et après vérification auprès du pasteur de la petite ville d’origine d’Harold et la conversion de celui-ci à la religion catholique, les deux jeunes gens se marient enfin en 1927.
Aux Armes de Savoy
Le magasin « Aux Armes de Savoie » dans la rue Paccard (ancienne route nationale)
Après la naissance de Donald, ils ouvrent dès 1928 dans la rue Paccard (Résidence « Les Evettes » actuellement) un magasin d’antiquités appelé « Aux Armes de Savoie « .
les chamoniards ont pour habitude de recommander Harold pour servir d’interprète et. Harold ayant pris goût à l’alpinisme, devient un interlocuteur recherché pour ses conseils. Déjà de nombreux alpinistes anglophones viennent à Chamonix si bien que le magasin d’antiquités voit se mêler avec les commodes Louis XV ou Empire tout un matériel de montagne : guêtres, piolets, cordes, mousquetons etc.
En 1934 le magasin d’antiquités déménage rue Vallot (Actuellement Ice breaker) l
Marthe et Harold avec Yvette l’épouse de Donald
SNELL : Magasin articles de sports
Le magasin rue Paccard affiche l’enseigne :« Snell, articles de sports ». Il devient une référence en termes de matériel, d’autant que l’on voit de plus en plus d’alpinistes amateurs sur les pentes des parois des aiguilles de Chamonix.
Durant la guerre, l’activité ralentit, d’autant que dès 1942 un nom américain comme Snell agace les autorités. Le magasin est spolié par les autorités du gouvernement Pétain en 1943. La famille récupère officiellement le magasin en 1948.
Donal s’active auprès de son père pour relancer l’activité du magasin. Si bien que durant les années 1950-1968 on voit passer chez Snell les grands noms de l’alpinisme : Doug Scott, Chris Bonnington, Paragot, Bérardini, Desmaison, Rébuffat, Lachenal ou Terray.
En 1970, Snell s’installe en face dans le bâtiment nouvellement construit, « l’Outa ». Il est pratique, moderne et le magasin devient le lieu de rassemblement de tous les « potes » férus de montagne et de ski ! Il y a même un mur de granit où l’on peut essayer le matériel proposé dans le magasin.
Par ailleurs, les Snell possèdent un champ près de la grosse Pierre d’Orthaz , surnommé le « Snell’s field », lieu de rassemblement de tous les alpinistes de passage, bien souvent anglophones. Chacun se souvient du petit camping installé à cet endroit..
Le magasin est un lieu de rencontres, pour trouver un partenaire d’escalade, pour laisser un message à un ami, un tableau situé au cœur du magasin est mis à disposition de chacun.
c’et le moment ou Donald crée avec ses collègues Sporalp et Sanglard la brochure 3S afin de proposer en commun leurs matériel de sports et leurs connaissances du monde alpin.
Dans les années 1970-1980, Donald avec son épouse Yvette organisent pour les petits chamoniards des activités ludiques et sportives entre autre la fameuse « Coupe Snell» dans le champ du Savoy que les enfants adoraient.
Yasuo Kanda
Sans oublier dans cette même période l’arrivée à Chamonix des japonais, férus de montagne, grands alpinistes reconnus dont Masalu et Torunagamo, qui prêtent main forte aux Snell. Certains parmi eux eux s’installent et font souche à Chamonix . Tous les chamoniards connaissent Yasuo Kanda et Hiroshi Tsuda piliers du magasin Snell. Beaucoup épouseront des chamoniardes et l’on nommera leur descendance « Japoniards».
Le magasin Snell est devenu une institution.
Dans les années 1980-1990 , C’est Olivier qui commence à épauler ses parents avec l’aide de Corinne son épouse.
C’est le temps du monoski, des couleurs fluo, du Gore Tex, du film « Apocalypse Snow » ou encore « Opéra vertical ». le temps des grandes descentes à ski dans une poudreuse de rêve. Snell est toujours à l’affût des nouveautés.
Tous se souviennent de cette productrice de cinéma venue au, magasin afin d’équiper des pieds à la tête une centaine de personnes venue pour le tournage du James Bond ( « Le monde ne suffit pas » ). Une sacré belle aventure.
On s’adapte aux nouveautés telles que le trail. De nombreux magasins s’installent mais Snell reste la référence.
Olivia Snell
Maintenant, la 4ème génération prend le relais avec Olivia fille d’Olivier et de Corinne qui s’investit déjà dans ce magasin familial né de l’amour d’une chamoniarde et d’un américain en 1918.
Détruite en grande partie par l’incendie de 1999 qui ravagea la salle Michel Croz, la résidence Victoria raconte cependant l’histoire prestigieuse d’un des hôtels les plus marquants de la vie hôtelière chamoniarde pendant plus de cent ans !
Celle ci commence vers 1770 lorsque Jean Pierre Tairraz édifie au centre de Chamonix un hôtel qu’il baptise « Hôtel de la Ville de Londres ». Bourrit qui y descend en 1787, le décrit comme étant un établissement de très belle qualité. IL est fréquenté aussi bien par une clientèle britannique comme lord Byron ou Shelley que par les impératrices Joséphine de Beauharnais ou Marie Louise lors de leur passage discret dans la vallée.( D’ailleurs longtemps après on fera visiter les chambres où elles séjournèrent).
Les deux fils de Jean Pierre (Joseph Marie et Victor Amédée) prennent le relais à la mort de leur père en 1814. Durant trente ans, ils assoient la réputation de l’hôtel. Mais ils meurent tout deux en 1844 et ce sont les deux fils de Victor Amédée (Auguste et Edouard) qui prennent la succession, et forts de leur succès, ils édifient vers 1848 -1850 en bordure d’Arve un hôtel nettement plus prestigieux réunissant les deux hôtels sous le nom « de Grand hôtel de Londres et d’Angleterre ». La nouvelle construction présente la particularité d’être construite en léger encorbellement au dessus du lit de la rivière, son implantation ayant nécessité une reprise du lit de l’Arve. L’hôtel s’ouvre largement sur le mont Blanc, possède des bains, et on aménage une passerelle franchissant l’Arve.
Une partie de l’hôtel de Londres est détruit par l’incendie de 1855 qui ravage le haut de la ville de Chamonix. Les frères Tairraz cependant s’empressent de le reconstruire, mais avec un toit à deux pans (contrairement au bâtiment d’origine qui était typique du XVIIIe siècle avec un toit à 4 pans).
Les frères Tairraz consacrent leur temps à faire de cet ensemble hôtelier un des plus confortable de Chamonix réputé pour sa vue, sa cuisine excellente et l’accueil chaleureux des propriétaires.
Auguste sans enfant meurt en 1856, son frère Edouard en 1858. La fille d’Edouard , Athala, étant trop jeune, la famille crée la Société Anonyme des Hôtels qui gère l’hôtellerie jusqu’en 1878, année de mariage d’Athala. C’est ensuite son mari Mr Crépeaux qui commence à exploiter lui-même l’Hôtel de Londres et d’Angleterre qu’il porte à un haut degré de prospérité, et à la tête duquel il se trouvait encore en 1897.
Mais le couple ne s’entend pas et finalement Athala, écartant son mari, créée en 1911 avec ses enfants une autre société sous le nom de Société Hôtelière Franco-Suisse de Chamonix qui exploite les hôtels. Athala reste propriétaire des murs et possède des parts dans la société Franco-suisse. En 1920 la société vend l’ancien hôtel de londres
Sous la bonne garde d’Athala la société construit 13 magasins le long de la nouvelle avenue de la gare et édifie le Chamonix Palace de l’autre côté de l’Arve.
L’hôtel est finalement vendu en 1927.
Il connait une autre vie avec la famille Simiot, dont Edgar Couttaz, qui ayant épousé une fille Simiot va donner les dernières grandes heures de gloire à l’hôtel. Celui-ci ferme dans les années 1960.
Il sera malheureusement très endommagé par l’incendie de 1999 et ne sera même pas reconstruit selon le style ancien que lui avait donné la famille Tairraz.
Quelques éléments ont échappé à la destruction du feu dont un magnifique escalier, de beaux stucs et des encadrements extérieurs de granit raffinés uniques à Chamonix .
En 1825, Michel Favret découvre aux Crétets (entre les Moussoux et les Moentieux) une source d’au fraîche (température autour de 5-6 degrés) .
Est alors aménagée une petite canalisation de pierres pour apporter l’eau aux fermes du village des Pècles. En 1890 on améliore celle-ci par une tuyauterie mieux adaptée.
En 1897 une famille de touristes se rendant au lac à l’Anglais font une étape à un bassin de bois pour se rafraichir (photo collection association Amis du Vieux Chamonix). Ils immortalisent ainsi le lieu que l’on reconnait encore très bien aux Pècles. La fontaine est toujours là , cette fois avec un bassin de pierre . Mais il faut savoir que pour le plaisir de tous, l’ensemble : bassin ° canalisation sont entretenus grâce à l’ « Association des Amis de l’eau des Pècles » qui veille aux travaux nécessaires d’entretien afin que chacun puisse , comme aux temps anciens, se rafraichir à dans ce lieu qui a si peu changé !
En 1821, le 24 juillet un conseil municipal se rassemble autour du syndic Jean Marie Claret Tournier. L’ordre du jour étant d’essayer de réguler et de discipliner l’attitude des guides qui, pour certains, laissent une mauvaise image auprès des clients . La commune craint de voir baisser la fréquentation des visiteurs dans la vallée : « beaucoup se rendent coupables de mille impolitesses envers les étrangers en les assaillant sur la route par leurs importunités »
Délibération conseil municipal du 24 juillet 1821 Archives départementales 6 FS 194
Délibération conseil municipal du 24 juillet 1821 Archives départementales 6 FS 194
On dresse alors une liste de 34 guides patentés et douze supplémentaires (mais ne sont pas reconnus comme guides), ils sont seuls autorisés à conduire des clients. Est établi un tour de rôle pour la distribution des courses et est nommé un « commis intelligent » (guide chef) choisi parmi les guides pour la distribution des excursions. Concernant les mulets, ne sont autorisés que les mulets des guides concernés (éventuellement ceux des auberges). Par ailleurs chaque guide devra payer une somme de 10 livres à la commune pour droits de passage sur les fonds communaux.
Les contrevenants à ce règlement sont amenés à payer une amende à la commune.
On remarquera que rien n’évoque l’accident de 1820 ou trois guides décèdent et disparaissent dans le glacier lors de la tentative vers le mont Blanc du docteur Hamel.
Beaucoup considèrent que cette décision du conseil municipal du 24 juillet est l’acte de naissance de la Compagnie des Guides de Chamonix.
Mais dans le royaume de Piémont Sardaigne avant de promulguer un règlement la commune se doit de le faire reconnaître par l’intendant du royaume. L’État a un droit de regard sur les décisions.
Conscient que l’avenir du développement touristique de la région est une belle aubaine le Vice intendant Mr Gaspard Sébastien Brunet mesure l’intérêt de la situation car il faut encourager le tourisme en aidant le visiteur à mieux appréhender leur voyage, mais aussi à gérer une commune tentée d’administrer ces guides prompts à la tentation d’améliorer leurs gains.
En 1822, le Vice Intendant aidé et conseillé par son ami Joseph Nicolas Nicollet (originaire de Cluses) propose une série d´adaptations au règlement proposé par le Conseil Municipal.
Nombreuses sont ensuite les échanges entre l’état et la commune de Chamonix qui se solderont par le fameux « Manifeste de la Royale Chambre des Comptes (CAD L’Etat) finalisant un règlement structuré qui voit le jour officiellement le 9 mai 1823 avec 58 articles (dans le règlement du conseil municipal de 1821 il y en avait dix) plus la création d’une caisse de prévoyance.
C’est l’annonce officielle de la création de la Compagnie des Guides de Chamonix.
Ainsi, le tour de rôle proposé en 1821 est maintenu avec des détails d’organisation précis :
On instaure définitivement un guide chef.
On exige la tenue d’un registre avec liste des guides, des courses mais aussi des clients.
On dresse une liste x 50 guides de Chamonix que l’on divise en deux classes.
On impose des tarifs pour l’ensemble des courses .
On crée catégorie d’aspirants, de même une liste de 24 porteurs (mais qui ne fait pas partie des guides).
.Finalement un règlement strict mais plutôt favorable aux guides.
Parmi ces diverses catégories de règlement deux sont parmi les plus importantes car toujours d’ usage 200 ans après.
1erLa tragédie de l’accident du docteur Hamel en 1820 a fait prendre conscience aux autorités et à l’ensemble de la communauté chamoniarde de la fragilité de la relation « guide-client » L e guide est il le serviteur du client? Un client fortuné a-t-il tous les droits ? Ce sera une des décisions majeures du règlement à venir de 1823. On précise ainsi que la décision de faire demi-tour doit être décidé à la majorité des voix entre les voyageurs et les guides et comme les guides sont toujours plus nombreux …
Le guide sera donc seul juge de la décision à prendre en cas de risque.
Une première décision écrite dans le marbre du 1er règlement : majeur pour la profession.
2e le vice intendant Gaspard Sébastien Brunet aidé et « poussé » par Joseph Nicolas Nicollet, savoyard, prend conscience de la dangerosité de ce nouveau métier. Celui-ci conscient des drames que peuvent causer un accident ou une disparition se préoccupe de l’intérêt du guide et suggère d’intégrer «les amendes et les rétributions annuelles pour former « une masse qui serait une sorte d’épargne et de prévoyance au moyen de laquelle on pourrait venir au secours des guides frappés de quelques malheurs »c’est ainsi qu’est imaginé un fonds de secours qui à l’origine proposait un reversement à la commune alors que dans ce nouveau règlement l’État propose un reversement aux guides .
Décision incroyablement innovante pour l’époque. C’est l’origine de la création du premier fonds de solidarité toujours d’actualité de nos jours 200 ans après! Mais qui fut proposé par l’Etat !
C’est ainsi que l’on peut considérer que l’idée d’un règlement pour contrôler les guides est né en 1821 mais qu’il sera concrétisé par l’Etat en 1823.
Sources : Archives départementales . Archives Association des Amis du Vieux Chamonix
A Chamonix , alpinistes, grimpeurs, tous connaissent le nom de Simond . Chacun a eu en main un jour un piolet ou porté des crampons Simond.
Mais là, dans les locaux de la nouvelle usine Simond, une belle et large salle invite le visiteur à découvrir l’histoire étonnante de cette famille qui, après avoir été cultivateurs, puis fabricants de sonnettes, vont durant 150 ans être le nerf porteur de l’alpinisme.
Ici sont exposées des pièces collectées aux quatre coins du monde que le talent des concepteurs fait revivre à nos yeux. Cette exposition est une réussite car on peut être alpiniste, ou tout simplement attiré par l’histoire chamoniarde, chacun y trouvera son compte tant elle explique avec intelligence et respect l’histoire passionnante de cette famille Simond qui, avec le temps. s’est consacrée aux alpinistes.
Vieux documents, empreintes, logos imaginés au cours du temps en fonction des divers membres de la famille apportent la richesse historique de cette lignée chamoniarde. De nombreuses photos, mais aussi, bien sûr, des piolets et crampons, pitons et mousquetons sont exposés avec une belle mise en valeur
Une sacré gageure que Thierry Berguerand et Denis Pivot ont apportée par leur contribution qui avait été lancée par Olivier Bonnet.
Certes, on parle d’exploits alpins, mais avant tout on raconte les péripéties d’un piolet ou d’un crampon qui ont permis à l’alpiniste de réaliser une belle première qui n’aurait pu se faire sans la complicité entre le fabricant et le grimpeur
Une vitrine rassemblant des photos et des objets des cinq alpinistes emblématiques ( Louis Lachenal, Lionel Terray, Gaston Rébuffat, James Couttet, et Pierre Leroux), tous nés en 1921, et dont les familles ont confié leurs trésors, dégage une réelle émotion . Ils sont là i vivants à côté de nous. On rentre là dans le côté humain de ce matériel.
C’est là la réussite de cette exposition appelée « Héritage Simond »
Sur les hauteurs du village du Mont à Servoz, le joli hameau de Fieugerand domine la vallée avec une vue magnifique. Point de départ de nombreuses randonnées vers Pormenaz ou le massif des Fiz beaucoup oublie que ces quelques maisons isolées restent le témoignage des temps anciens
C’était un hameau dit de «petite montagne» ou «montagnette» ou encore « mointieux ». C’est-à-dire un hameau de transition entre la vie au village et la montée en alpage supérieur C’était un alpage privé, non communal. Utilisé pour la première remue avant l’inalpage. Ici deux ou trois familles venaient loger avec leurs troupeaux pendant un ou deux mois
Quand l’herbe ne suffisait plus, chacun envoyait ses vaches au troupeau communautaire, plus haut encore dans les pâturages supérieurs appelés « la grande montagne » qui, à Servoz, était Pormenaz. . Une des ces maisons porte sur le linteau de la porte une inscription : « Fait l’an 1866 par « De Villaz Jean Pierre », géomètre .
Ce géomètre est le petit fils de Marie Joseph Devillaz propriétaire au XVIIIe et début XIXeme de la Maison du Lieutenant au Mont. Il est intéressant de noter que cette inscription, par sa graphie, est totalement identique à celles remarquées dans la Maison du Lieutenant, qui ont d’ailleurs donné le nom à cette grande maison centrale du Mont : Ce qui confirme que les inscriptions de la Maison du Lieutenant ont été réalisées par le petit fils géomètre probablement très fier de ses ancêtres !
Durant la belle Epoque est construite vers 1885 une villa appelée la Villa des Fleurs. Elle est utilisée comme complément au casino qui à l’époque était situé en face dans les locaux du rez de chaussée de l’Hôtel de l’Union.
La villa des Fleurs devient un café casino avec salle de jeux prenant le nom de « Casino Kursall »..Nom utilisé bien souvent dans les stations dites « climatériques ».
Puis Joseph Cusin Berlincourt l’ouvre en tant que muséum prenant le nom d’Alpineum (avait collectionné quelques souvenirs de Jacques Balmat dont son marteau de cristallier) . IL y fera des conférences avec projections lumineuses.
La villa des Fleurs était éclairée à l’électricité et lampes à arc. Parfois sert de casino et régulièrement des cafés concerts sont donnés de 1893 à 1906.
En 1906 Jospeh Cusin transforme son établissement en « Grand Cinématographe du Mont-Blanc ». En 1920 Joseph Cusin Berlincourt donne sa collection à la ville de Chamonix.
Le bâtiment est détruit dès 1920.
Sur l’emplacement de cette villa il est projeté de construire « le grand Casino de Chamonix », mais en raison du manque de financement le projet est abandonné.
Les travaux sont suspendus et finalement transformés pour l’édification d’une « maison de rapport » c’est-à-dire un immeuble composé d’appartements destinés à la location.
On reprend le même nom : KURSAAL
Elle est de style Art Déco avec ses pilastres et ses carrés de mosaïque entre les fenêtres.
Sources : Marc André Reynckens, recherches sur les casinos de France. Paul Payot, Histoire des casinos.
Tout au long du XVIIIe siècle et début du XIXe, Servoz était une étape bien agréable pour les voyageurs harassés par le chemin périlleux emprunté pour se rendre dans la vallée de Chamonix. A l’époque, on utilisait des chars à bancs, seul moyen de locomotion jusqu’à la construction de la route entre 1862 et 1870. Le trajet était épuisant. Lorsque les voyageurs arrivaient à Servoz, nombreux étaient parmi eux les artistes frappés par la beauté du site. Ils immortaliseront ce paysage calme et paisible. Le panorama exceptionnel découvert à la sortie de la forêt sera chanté aussi bien par des peintres que par des écrivains.
Samuel Birmann (peintre romantique bâlois 1793-1847) vient dans la vallée en 1823 et édite en 1826 son ouvrage intitulé « Souvenirs de la Vallée de Chamonix » . Il fait une longue étape à Servoz. Il est séduit par l’aspect tranquille que dégage le village après le cheminement si difficile provenant de Chedde.
Il écrit » :«Les Alpes offrent au regard leurs sommités couvertes de neige et de glaces éternelles…. Une force inconnue attire l’homme vers ces régions élevées …C’est quand le voyageur arrive à Servoz que le mont Blanc se présente à ses regards d’une manière grandiose ;… c’est aussi de là que l’on commence à saisir d’une manière distincte les détails de cette masse imposante. A son pied l’on distingue les Montées, plus bas commence la plaine de Servoz et le château saint Michel s’élève sur un rocher que baignent les flots de l’Arve…
…Avant de quitter cette belle vallée, on fera bien de s’arrêter quelques instants et de contempler le beau paysage que présentent les environs de Servoz… La commune de Servoz se compose de plusieurs villages, Servoz même, le Bouchet où sont l’église et l’auberge, les villages du Mont, la Combe, la Côte – au pied du rocher des Fiz – le village du lac près du château Saint Michel, la Vaudagne, à droite des Montées, le Châtelard sur le sentier des chèvres. Les arbres fruitiers prospèrent encore sur ce point, on y trouve de forts beaux noyers… »
Au cours de son séjour, il peint la petite plaine de Servoz et dans ses représentations d’arbres, on note la vision romantique qu’il a des forces qui animent la nature .
Cependant il rentre dans le détail de la vie locale ainsi il représente des bergères au pied de l’oratoire de Notre Dame du lac. Mais aussi un four à pain qui ressemble à celui du Vieux Servoz.
A ce propos il écrit : Communément chaque ménage fait plusieurs fournées à la fois et se pourvoit de pain pour un ou deux mois quelquefois pour quatre, on trouve même du pain d’une année ; vieux il devient si dur qu’on est obligé de le couper à la hache. Aussi les indigènes mangent peu de pain, surtout du pain de qualité inférieure qui contient beaucoup de son. En général on l’accommode avec du bouillon chaud et du fromage.
Il continue ensuite son chemin vers Chamonix, immortalisant la vallée, l’église, le glacier des Bois puis Argentière.
Un beau témoignage à découvrir.
Source : Ouvrage écrit par Samuel Birmann,( peintre bâlois) »Souvenirs de la Vallée de Chamonix » avec 25 feuilles en aquatinte. Association des Amis du vieux Chamonix
Ancien hôtel construit en 1894 par Denis Bernadet, ingénieur sur la ligne de chemin de fer du PLM et son épouse Léocadia Couttet, qui était propriétaire d’une remise dans la rue Nationale (Denis Bernadet est maire de Chamonix de 1935 à 1940)
.A l’époque, l’hôtel ouvre sur un jardin par un magnifique escalier double, disparu depuis. Les balcons sont côté sud afin de profiter de la vue sur le mont Blanc. Au décès de Mr Bernadet en 1942, l’hôtel est confié à son neveu Mr Miegeville qui le met en gérance. Il est tenu par les Weissen-Couttet puis par Mr Gattoni, pour finalement être acheté par Mr Louis Janin en 1958. L’hôtel défie alors la chronique locale.
De 1958 à 1969, l’Hôtel de Paris devient la plaque tournante des alpinistes. Son propriétaire , Mr Louis Janin, seigneur du lieu, animateur doué pour se lier d’amitié avec les personnalités les plus incroyables, attire tous ceux qui ont un petit grain de fantaisie, toutes classes sociales confondues.
Il réserve les 24 mansardes de l’hôtel aux alpinistes fauchés. Pierre Mazeau , Dany Badier , Antoine Vieille, Robert Guillaume participent à la valse des alpinistes attachés à ce lieu devenu mythique. Gary Hemming, l’alpiniste hippie, s’y installe d’une manière quasi permanente de 1963 à 1968. Puis le fameux Lothar et les frères Bodin.
Couverture livre de Mirella Tenderini
Ici on respecte assez peu l’ordre établi, d’où le succès international du petit Hôtel de Paris. Les chambres servaient de dépôt à ces alpinistes disparaissant parfois plusieurs jours, mais jamais Louis Janin n’aurait évacué brodequins, cordes ou sacs à dos. Certaines chambres aux étages inférieurs possédaient parfois une salle de bains, ce qui n’empêchaient pas les privilégiés de les prêter aux aventuriers alpinistes logeant sous les combles.
Les frères Pierre et Henri Lesueur – Lucien Berardini – Robert Paragot Archives Robert Paragot
Les parisiens alpinistes Robert Paragot, Lucien Berardini et Edmond Denis marquent de leur emprise cet hôtel chamoniard. L’appartement de Dany Badier à Paris était devenu l’annexe de l’Hôtel de Paris pour les alpinistes en attente de retrouver la capitale de l’alpinisme. On y retrouvait tous ceux qui de Suisse ou d’Italie ont marqué les étapes de l’alpinisme moderne comme Loulou Boulaz, Michel Vaucher, Walter Bonatti , et tant d’autres.
Mais on y voit aussi Samy Fray, Hugues Auffray, Roger Vadim, Jane Fonda et leur bande. On y a croisé Brigitte Bardot, probablement séduite par ce milieu marginal. Le bar attenant appelé le Bivouac voit des fêtes ahurissantes réjouissant tout ce petit monde Plus tard les chamoniards viendront s’y encanailler eux aussi : Lionel Terray, Louis Lachenal, Georges Payot, Gérard Devouassoux, Marc Martinetti, sans oublier René Desmaison installé depuis peu à Chamonix. Tous imprègnent de leurs personnalités l’alpinisme moderne. Nombreux parmi eux participent à des secours improbables.
Des journalistes comme Christian Brincourt ou Gérard Géry de Paris Match adoraient cet endroit dont ils racontaient l’histoire au fur et à mesure des exploits de chacun. Avec le déplacement de ces alpinistes vers les Andes out l’Himalaya, les fêtes se firent moins folles.
L’hôtel se dégrade, Louis Janin peine à sortir de ses dettes faramineuses. Il quitte Chamonix pour Avoriaz. L’hôtel de Paris est transformé en appartements.
Sources : Archives familiales Miegeville – Revues Paris Match – Revue Alpi-Rando juillet 1986
Quand on est amateur de randonnée un jour ou l’autre on désire s’offrir cette fabuleuse traversée entre Chamonix et Zermatt. Cette course en haute montagne en hiver est parmi les plus belles courses mythiques des Alpes et laisse au randonneur un des plus beaux souvenirs de randonnée hivernale.
Mais que savons nous de ceux qui ont, un jour, entrepris cette première traversée ?
Il nous faut revenir au tout début du ski dans la vallée de Chamonix initié par un médecin Michel Payot qui découvre fin XIXe ce nouveau moyen de transport venu de Norvège : les skis. Il estime que ce nouveau matériel offre « un exercice merveilleux et complet » . Il devient « fan » et pressent tout l’intérêt de ces deux planches de bois arrivés de Scandinavie. Président de la section du CAF de Chamonix, il se montre en toute heure dynamique et entreprenant.
Les premiers essais de randonnées dans la vallée de Chamonix sont engagées par le docteur Michel Payot :
Le 12 février 1902 le Col de Balme : à 13h il monte en direction du col de Balme avec Joseph Ducroz qui utilisait des skis pour la seconde fois, arrivent à 14h aux chalets de Charamillon. La marche est difficile, la neige colle, il n’empêche qu’à 14h45 ils arrivent au sommet. C’est la première tentative de randonnée dans la vallée. C’est un évènement !
Dans la foulée, il repart le 24 février 1902, : Chamonix – Col du Géant – Courmayeur accompagné des guides Alfred Simond, Joseph Ravanel (dit le Rouge, son grand ami), Joseph Couttet, René Payot. Ils partent de Chamonix dans le but de traverser le Col du Géant. Ils atteignent en 14 heures le village de Courmayeur. Bel exploit pour l’époque.
Dès lors Michel Payot et ses amis partent vers de nouvelles aventures .
L’année suivante dès , dès le début d’hiver, Michel Payot entreprend avec ses amis Joseph Couttet, Alfred Simond, et Joseph Ravanel la grande et magnifique traversée de Chamonix à Zermatt
L’équipement est lourd
Des skis de 2 mètres de long avec monture métallique et bandes de peaux de phoques à fixer sous le ski avec des petits clous.
Une paire de raquettes.
Un sac pesant 10kgs.
Un bâton de frêne long de 1.80mètres muni d’une rondelle de bois à 0.20cm au dessus du bout pour empêcher de s’enfoncer et sur l’extrémité équipée un pic en acier pouvant remplacer le piolet.
Une paire de chaussons en feutre se mettant par-dessus les chaussures pour se protéger du froid, un maillot en grosse laine avec large ceinture alpine pour éviter l’introduction de la neige sous les vêtements.
Un nécessaire pour réparer les skis.
Un appareil de photo de 10kg !
L’Itinéraire était connu l’été mais évidemment l’hiver c’était une autre aventure !
Ils partent d’Argentière le vendredi 16 janvier 1903.
Le récit décrit par Michel Payot est passionnant. Le ski n’est pas encore au « top » de ses qualités et bien souvent il faut aller à pied enfonçant dans une neige profonde exigeant des efforts particulièrement violents ! la neige se dérobe bien souvent sous les pieds On part tôt , en cours de nuit afin de profiter du clair de lune. On s’encorde, on se désencorde… Les températures sont glaciales mais il fait beau, même le vin gèle. On suit leur itinéraire, jour après jour, pas à pas virage par virage, car guider les skis dans de la neige profonde n’est pas toujours aisé ! Ils sont débrouillards, costauds et alignent des distances incroyables autant à la montée qu’à la descente. Il arrive qu’ils descendent jusqu’en bas de vallée pour ensuite remonter et aligner dénivelées impressionnantes. Certaines cabanes d’altitude, comme Chanrion, ne sont pas toujours équipées il faut donc prévoir nourriture et couvertures ! A l’occasion ils se font accompagner par un ou deux guides locaux. Le temps parfois se dégrade, un brouillard épais les enveloppe et ils retournent parfois sur leurs pas. La descente à skis, attachés par une corde, n’est pas toujours évidente. La parfaite adaptation de Joseph Ravanel à ces conditions impressionne Michel Payot, admiratif des qualités de ce guide d’exception ! La neige est abondante et si parfois le cheminement est difficile, souvent il se fait avec douceur et tranquillité. La descente sur Zermatt est rude, longue, glaciale.
Mais quels souvenirs pour cette équipe qui vient d’ouvrir, sans le savoir, une des voies les plus appréciées et qui comble tout skieur de randonnée.
Les noms de Col du Chardonnet, Fenêtre de Saleinaz, Glacier d’Otemma, Col de l’Evêque , Glacier de Ferpècle, Col d’Herens, Glacier de Zmutt évoquent pour chacun un souvenir d’une randonnée hors norme dans les Alpes.
Comme disait Michel Payot : … « Qu’avons-nous rapporté de cette longue mais si belle traversée ? … des fatigues inouïes, des souffrances en tout genre, mais nous conservons tous l’ardent désir de continuer ces merveilleuses courses d’hiver ! »
Mais qui était donc Michel Payot ?
Sources : Revues La Montagne du Club Alpin Fançais- Revue Alpine section lyonnaise 1903